Nos différentes enquêtes montrent la différence entre le ressenti et la réalité des faits. Les problématiques sont réelles et doivent être traitées, mais parler des problèmes sans évoquer les solutions crée un sentiment d'angoisse, qui favorise des réactions racistes.
Depuis deux ans, nous travaillons sur un baromètre avec l'institut Viavoice. L'échantillon, qui compte plus de 2 000 participants, révèle un attachement fort à la laïcité pour 75 % d'entre eux. L'attachement à la laïcité diffère davantage selon les catégories socioprofessionnelles et même selon le genre que selon les croyances.
En outre, plus les Français connaissent le droit, plus ils sont attachés à cette définition de la laïcité. Une majorité nette de la population ne souhaite pas de changement de la loi de 1905 et de l'équilibre fixé par notre cadre laïc actuel. Une nette minorité souhaiterait toutefois un durcissement, une autre minorité une libéralisation.
Par ailleurs, les Français de confession musulmane considèrent la laïcité comme beaucoup moins protectrice des croyances, alors que ceux de confession catholique, protestante ou juive la considèrent comme plus protectrice. De même, ils sont nombreux à penser que la laïcité est d'abord traitée de manière polémique, ce qu'ils déplorent, et qu'elle est trop traitée seulement à travers le prisme de l'islam.
Nous constatons également que la sécularisation de la société se poursuit. Les Français sont de plus en plus nombreux – 50 % – à se déclarer agnostiques, voire athées. Cette tendance vaut pour toutes les religions, y compris pour l'islam. En revanche, certains croyants exacerbent leur appartenance religieuse, ce qui la rend d'autant plus visible dans l'espace public. Le courant protestant évangélique est de très loin la religion la plus en expansion : un temple évangélique se construit tous les dix jours, avec un prosélytisme et un taux de pratiquants très élevé.
Cette polarisation créée des crispations, auxquelles s'ajoute le contexte d'attentats islamistes avec des confusions renvoyant à tort à tous les musulmans. De même, l'absence de mixité sociale engendre une séparation, d'autant que les Français de confession musulmane sont nombreux dans les catégories socioprofessionnelles les plus fragiles.
La France est un pays de tradition chrétienne très forte. L'Église catholique a joué un rôle considérable dans notre histoire. Il n'est pas question de le nier. La France compte encore 39 000 lieux de culte catholiques, pour 4 000 lieux de culte protestants et 2 600 lieux de culte musulmans. Toutefois, lorsque les révolutionnaires ont rédigé la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ils ont indiqué que nos valeurs communes étaient ce qui nous rendait Français. La richesse de notre modèle républicain est qu'il dépasse nos appartenances propres.
Nous pourrions aussi parler de nos autres racines, en outre-mer. La France est présente sur les cinq continents. Cette diversité de convictions et de cultures est une source de richesses que nous devrions mettre en avant.