Je vous remercie monsieur le président, madame la rapporteure, d'avoir convié l'association Régions de France à cette mission d'information.
Je tenais, dans mon propos liminaire, à rappeler quelques faits communiqués par le ministère de l'intérieur en janvier 2020. Les actes racistes et antisémites ont fortement augmenté sur notre territoire national dans le courant de l'année 2019, mais également dans le monde, notamment chez nos voisins italiens, allemands et même américains.
Les faits antisémites ont augmenté de 27 %, les faits racistes et xénophobes, de 131 %. Nous avons également noté une hausse de l'augmentation des actes antimusulmans, qui s'illustrent par deux faits majeurs : la fusillade devant deux mosquées, l'une à Brest et l'autre à Bayonne, qui ont blessé plusieurs personnes, dont un imam. Les faits antichrétiens ont également augmenté, mais tendent à se stabiliser.
Ce phénomène grave et ces chiffres édifiants posent donc des questions que les régions se posent aussi, pour comprendre comment nous avons pu en arriver là et quelles sont les options possibles pour réduire ces faits d'actes racistes et antisémites.
À mon sens, il est impossible d'en finir avec le racisme sans parler de la lutte contre les discriminations et probablement travailler sur les mentalités, pour prévenir les préjugés racistes.
Les politiques de lutte contre les discriminations en France existent depuis plusieurs années et vous avez reçu, récemment, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui mène des politiques spécifiques.
Les régions prennent également leur part dans les politiques de lutte contre les discriminations au travers de leurs compétences en matière de développement économique, de formation, d'enseignement, d'apprentissage, de politique de jeunesse, notamment au sein des lycées.
Néanmoins, nous constatons une persistance de ces discriminations qui, parfois, ne sont pas prises en compte, et parfois, donnent le sentiment de ne pas être sanctionnées.
Lors de vos débats animés, la question a été soulevée de savoir si nous agissons suffisamment dans la lutte contre les discriminations et pourquoi celles-ci persistent tant alors qu'elles viennent à l'encontre de nos promesses républicaines.
Dans le cadre du débat qui a eu lieu, en tant que conseillère régionale, en tant qu'élue de la République, et au vu du travail mené sur le terrain, je considère qu'il n'y a pas de racisme d'État. Il n'y a pas de racisme d'État, mais la persistance de discriminations, comme le contrôle « au faciès », peuvent laisser le contraire à une partie de nos concitoyens, alors même que des outils existent, comme nous l'avons vu en Grande-Bretagne avec les récépissés au contrôle d'identité, qui pourraient probablement apaiser les relations entre la population et la police.
Ces doutes sont alimentés, à mon sens, à la fois par des discours victimaires de plus en plus répandus, notamment sur les réseaux sociaux, mais aussi par des discriminations manifestes, parce qu'elles touchent davantage une partie de la population française : celle des quartiers populaires. Différentes études le prouvent : lorsque l'on a un nom à consonance africaine subsaharienne ou maghrébine, on a 30 % de chances de moins d'accéder à un entretien d'embauche. Il faut donc agir vite pour réduire ces discriminations.
Des outils existent – des associations les ont présentés lors de vos précédentes auditions -, des testings sont envoyés aux entreprises. Dans ce cadre, six entreprises ont été épinglées sur ces faits de discrimination à l'accès aux entretiens. Pour autant, nous n'arrivons pas à agir, malgré une législation française extrêmement outillée. Je pense notamment à l'intégration du critère de discrimination lié à l'origine de résidence ou à l'origine ethnique réelle ou supposée.
Les régions réfléchissent sur ces sujets, notamment au sein d'une commission instaurée au sein de l'association Régions de France, intitulée « égalité et lutte contre les discriminations ». Des expérimentations ont été faites, par exemple concernant le CV anonyme, expérimenté dans la région ex-Aquitaine. Une loi a été promulguée pour les entreprises de plus de cinquante salariés. Mais il ne s'est pas passé grand-chose.
Les régions peuvent, certes, agir, mais pas seules, notamment pour promouvoir l'égalité. Mais des questionnements demeurent, à l'instar de la politique de l'égalité femmes-hommes, qui a été érigée en grande cause du quinquennat. N'y a-t-il pas urgence, au regard de la situation de notre pays, des crispations et de la fragmentation de notre société, à rappeler, dans le débat public, l'un des éléments de notre triptyque républicain qui est la fraternité ?
En effet, nombre de nos concitoyens ont le sentiment de n'avoir rien en commun les uns avec les autres. Ce phénomène s'est accéléré après les attentats de Toulouse, depuis les attentats de 2015. On assiste à des replis identitaires, à la peur, au rejet, au racisme, à une défiance envers ce qui crée la communion et fait concorde.
Il est donc urgent d'agir, notamment sur les réseaux sociaux où l'on assiste à une multiplication des discours haineux et complotistes, qui minent notre pacte républicain.
La loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia » a été promulguée, mais ne faut-il pas aller plus loin pour essayer de réguler les réseaux sociaux pour éviter d'alimenter le climat de discorde et de fragmentation de notre société ?
La question de la fraternité ne doit-elle pas, rapidement, faire l'objet d'un débat national ? En effet, il me semble que c'est l'un des éléments de notre paix sociale qui permet de lutter efficacement contre la montée des racismes et des discriminations.
Des actions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui me semblaient intéressantes, avaient été déployées, à savoir les ABDC de l'égalité dès le plus jeune âge. N'y a-t-il pas la possibilité, en lien avec les régions, avec l'ADF, avec l'AMF, de créer un outil sur les ABCD de la fraternité et de la laïcité ?
Monsieur le directeur général, vous l'avez évoqué, il y a également un principe majeur qui est souvent caricaturé, qui fait l'objet de nombreuses confusions et clive le débat national : c'est le principe de la laïcité. Ce principe clé, qui doit être au service de la concorde nationale, a beaucoup été dévoyé. Ne faut-il pas en faire un objet pédagogique pour permettre d'intégrer le fait que, dès le plus jeune âge, le principe de la laïcité est un principe protecteur de nos libertés individuelles ? Ce sont là autant de sujets qui traversent les régions de France. Des actions spécifiques sont menées, notamment au travers de plans régionaux de lutte contre les discriminations et l'inégalité.
Mais nous ne pourrons pas agir seuls si cela n'est pas intégré dans un débat national, dans lequel les collectivités prendront leur part pour le rétablissement de notre cohésion sociale et nationale.
Mon inquiétude est grande. Et après l'assassinat ignoble du professeur Samuel Paty, il y a urgence à rétablir notre pacte républicain. Il faut rappeler des principes fondateurs de notre République, qui sont la laïcité et la liberté d'expression et de conscience.
Les régions sont prêtes à apporter leur contribution.