Intervention de Pierre Monzani

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Pierre Monzani, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF) :

Bien évidemment, dans le cadre du contrôle du RSA, le racisme et l'antiracisme servent d'écran : « si je n'ai pas eu ce poste, c'est parce que je suis blanc, de culture catholique et que j'ai plus de cinquante ans. » « Si je me fais rayer ma jaguar, je suis victime d'un racisme anti-riche. » « Si je ne suis pas recruté, c'est parce que j'ai un nom à consonance étrangère et je serai victime du racisme antimusulman », etc.

À cause du flou qui entoure la laïcité, le racisme devient un écran sur fond d'inculture et de violence. Parce que, quand on a une culture humaniste, cette problématique est complètement différente. En effet, un vrai humaniste – et j'espère en être un - ne voit pas, d'abord, la couleur de peau ou la religion chez un individu. Cela me semble une évidence.

Il nous faut revenir aux valeurs aujourd'hui suspectées, alors qu'elles sont au cœur de la France, c'est-à-dire à l'universalisme de la pensée française et à l'enracinement de notre histoire. Mais encore faut-il avoir la volonté culturelle, intellectuelle de diffuser ce message.

Bien sûr, nous adhérons au devoir de mémoire, mais nous adhérons également au devoir d'histoire. Grâce à Jérôme Guedj, l'ADF a un partenariat officiel avec le Mémorial de la Shoah. La mémoire de la Shoah est évidemment centrale pour comprendre l'antisémitisme.

Mais il y a également le devoir d'histoire qui fait qu'on ne juge pas les civilisations passées à l'aune de nos valeurs actuelles. Je suis historien de formation et c'est là la base même de la formation humaniste. Je n'ai pas à juger le prophète Mahomet en fonction de ses mœurs au moment de l'Hégire. De la même façon, je ne juge pas Louis XIV à l'aune de mes valeurs républicaines, etc.

Il y a donc toute une rééducation à faire – j'emploie volontairement ce mot un peu fort - de notre jeunesse, de nos formateurs, en matière de culture générale. Et il faut s'y atteler avec humilité, mais fermeté et dire à ceux qui font des contresens que, s'il n'y a pas de hiérarchies entre les intelligences humaines, quand les gens disent des sottises contraires à l'histoire, et à ce qu'est la démarche historique, notamment la non-instrumentalisation du passé, il faut le leur faire remarquer.

Le débat public doit laisser parler ceux qui ont cette tradition humaniste chevillée au corps. C'est essentiel pour sortir de ce retour à l'essence, qui est à l'opposé de notre culture française.

Bien évidemment, discrimination et essentialisation sont « les deux mamelles de la bête immonde », pour paraphraser un auteur de théâtre célèbre. Bien évidemment, il y a, d'un côté, les discriminations, et de l'autre, l'essentialisation, sachant que l'une nourrit l'autre. Parce que je suis victime de racisme, parce que je suis musulman, je vais me ramener à mon essence. Ce faisant, en fonction des jeux et enjeux politiques, je peux basculer dans la complicité passive, intellectuelle ou active avec le terrorisme.

Jérôme Fourquet estime, grâce à ses méthodes scientifiques, que 750 000 personnes en France aujourd'hui voient avec sympathie l'égorgement d'un professeur d'histoire. C'est un problème qu'il faut regarder en face et auquel il faut répondre avec précision.

La Seine-Saint-Denis, par exemple, s'agissant des discriminations, a créé un appel « diversité » qui permet de tester la qualité du service public et sa neutralité par rapport aux origines.

Au sein des conseils départementaux, nous n'avons pas de retour concernant le racisme à l'encontre des élus, ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas. Mais je ne peux pas répondre avec précision sur ce point.

Enfin, monsieur le maire, vous y avez fait allusion : il y a tout de même, derrière la haine qui trouble la raison et fait reculer l'humanisme, un problème de police, notamment des réseaux sociaux. Je suis totalement scandalisé, en tant que citoyen, que Monsieur untel quel que soit son nom, soit, à juste titre, condamné, s'il affirme publiquement et ouvertement qu'Hitler était une personne formidable dont on aurait besoin partout dans le monde, mais qu'il puisse le publier en toute impunité sur les réseaux sociaux.

On ne peut pas d'un côté, « être plus royaliste que le roi » dans le domaine de la police de la pensée en matière de voies mémorielles, etc., et de l'autre, être dans le cloaque de tous les imbéciles du monde qui racontent n'importe quoi en toute impunité et, ce faisant, soufflent sur les braises et mettent le feu à des esprits jeunes et non formés.

La haine nourrit la haine et l'amour nourrit l'amour. Et la République, c'est aussi la connaissance de l'autre. Nous avons donc, devant nous, une immense tâche exaltante de « rééducation » de nos compatriotes.

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