. Les régions peuvent contribuer à éviter la défiance d'un certain nombre de nos concitoyens vis-à-vis des institutions, mais elles ne peuvent le faire seules.
Durant les vingt dernières années, on a assisté à un désengagement de l'État et des collectivités dans les associations républicaines dans les quartiers populaires. En effet, toutes les associations d'éducation populaire ont vu leurs moyens diminuer et leur place dans les quartiers s'effacer, au détriment d'associations cultuelles, sous couvert d'accompagnement caritatif qui viennent interférer avec nos valeurs républicaines.
Ramener la République sur tout le territoire, c'est aussi ramener les associations républicaines dans les quartiers populaires.
Nous devons également tenir un discours extrêmement fort sur nos valeurs républicaines, et notamment sur le principe de la laïcité. Lorsque nous entendons, sous couvert de clientélisme électoral, des élus locaux s'accommoder de nos principes républicains, notamment celui de la laïcité, mettant ainsi en difficulté les lois de la République – je pense notamment à la loi de 1905 et au port du voile et des signes ostentatoires –, nous devons collectivement porter un discours fort et ferme pour dénoncer ces « coups de canif » au pacte républicain. Nous en entendons de plus en plus, car ils viennent alimenter ce discours victimaire.
Ce discours, nous devons le tenir ensemble, si nous souhaitons remettre de la cohésion sur notre territoire national. C'est là, selon moi, le point essentiel : nous devons réarmer les associations républicaines, pour qu'elles réinvestissent ces territoires qui ne me semblent pas encore perdus de la République. Nous voyons qu'il y a, sur ces territoires, des forces vives qu'il faut probablement davantage mettre en avant.
C'est ce que fait le Centre national de cinématographie et de l'image animée (CNC), avec son fonds « images de la diversité » et l'Agence nationale des territoires, qui promeut une image positive des quartiers populaires et de la diversité via la production audiovisuelle de documentaires et de films. Cela se fait dans les communes, dans les départements et les régions, durant des temps forts qui font l'unité républicaine (commémorations, devoirs de mémoire, travail sur l'immigration). Nous l'avons fait en Nouvelle-Aquitaine qui est une terre d'immigration portugaise, italienne, espagnole, marocaine et algérienne. Nous essayons de réintroduire le fil de notre histoire commune via les actions que nous avons menées, notamment sur la défiscalisation des pensions militaires des anciens combattants des anciennes colonies.
Vous demandiez si les élus de la République issus de la diversité faisaient l'objet d'actes racistes. Les témoignages des dernières semaines montrent qu'il est difficile d'exercer son mandat lorsqu'on est originaire du Maghreb ou d'Afrique Subsaharienne.
Je l'ai constaté à titre personnel, non pas en tant que conseillère régionale, mais lorsque j'ai présidé l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. En effet, lorsque j'avais une expression publique, qui s'inscrivait dans un débat d'actualité, je recevais des menaces de mort dans mon bureau. J'ai été victime de harcèlement sur les réseaux sociaux, avec des menaces de mort, parce que j'ai pris des positions, par exemple pour le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et que j'ai participé à des manifestations contre des associations catholiques intégristes qui prônaient l'interdiction ou la mise à mal de l'IVG.
Il y a en effet des cibles qui ont été identifiées en tant qu'élus républicains issus de la diversité. Il faut les soutenir et je sais que des associations d'élus et le gouvernement les soutiennent et ont régulièrement un mot pour ces élus victimes de racisme ou de menaces sur les réseaux sociaux, mais également dans l'exercice de leur mandat. Il faut agir sur ce point, car ce sont des modèles positifs de la République qu'il faut promouvoir. Le pacte républicain et la promesse républicaine de l'égalité existent et ces exemples peuvent venir contrecarrer une forme d'institutionnalisation des discriminations, des préjugés et du racisme. Présenter ces modèles de réussite républicaine permet de contrer ces discours victimaires.
En complément des associations, l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) existe et je pense qu'il ne faut pas se contenter d'investir dans la pierre ou la réhabilitation des quartiers populaires : un travail doit être mené sur les politiques de peuplement des villes à forte concentration de pauvreté, pour « casser » ces ghettos urbains et y ramener davantage de mixité sociale et culturelle.