Intervention de Noémie Madar

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Noémie Madar, présidente de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) :

. Je trouve votre propos relatif à la mort du professeur malheureux, dans le sens où, lorsqu'il a été tué, il a beaucoup été dit que c'était la première fois qu'une école était touchée. Or en 2012, l'école Ozar Hatorah a été touchée parce qu'elle accueillait des enfants juifs, mais c'était d'abord une école. Si à l'époque nous avions pris le parti de l'universalité, considérant que si Ozar Hatorah était touchée n'importe quelle école pouvait l'être, nous n'aurions pas eu besoin d'attendre qu'une autre école soit visée pour que cela devienne le problème de toute la Nation.

Malheureusement, ce qui s'est passé à Conflans-Sainte-Honorine – les renoncements, l'absence de sanction, la solitude des professeurs – rejoint grandement la solitude dans laquelle se sont trouvés les élèves juifs des vingt dernières années, lorsqu'ils étaient harcelés, insultés, victimes d'antisémitisme et qu'ils ignoraient vers qui se tourner. Nous avons réuni une vingtaine de témoignages d'élèves qui ont dû quitter l'école publique pour rejoindre des écoles juives.

Je vous livre quelques mots d'un ancien élève : « Quand j'ai commencé mon bac pro, j'ai tout de suite ressenti le fait d'être le seul juif dans la classe. J'ai suivi l'ambiance de la classe sans jamais mentionner ma religion, j'ai évité certains sujets, j'ai entendu des dizaines de propos antisémites pendant toute la durée de mon lycée. Finalement, mes camarades ont commencé à dire que je ressemblais à un Arabe. Alors j'ai laissé dire, je me suis fait passer pour un musulman, en maintenant le flou. Je n'ai jamais invité mes camarades chez moi. C'était mieux comme ça. Mais avec du recul, je le regrette. Si je m'étais senti soutenu par mes professeurs et si j'avais eu l'impression qu'aucun d'entre eux ne laissait passer les propos antisémites, alors j'aurais peut-être réagi. J'ai dû rester dans ce lycée parce qu'il n'y avait pas de bac pro mécanique dans les lycées juifs près de chez moi. C'est dramatique d'en arriver là.

Mon frère s'appelle Israël : il n'a pas eu les mêmes facilités que moi. Tout le monde savait qu'il était juif et il a souvent eu des problèmes : au foot, en dehors de l'école, il cachait son identité et se faisait appeler Kevin pour ne pas avoir de problèmes. »

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