. Il n'existe pas de substitut au terme de discrimination. Il existe une vraie difficulté pour faire comprendre et accepter de la part des différents acteurs (victimes, auteurs, monde judiciaire, monde médiatique, monde politique) que la discrimination est un fait interdit par la loi mais qu'on ne doit pas nécessairement y adjoindre une condamnation morale, surtout quand la discrimination n'est pas intentionnelle ou malveillante.
En tant qu'organisation généraliste de lutte contre les discriminations, nous constatons que la question de l'intention et de la condamnation morale est moins prégnante quand il s'agit des discriminations liées au handicap. Il est fréquent d'entendre : « Cette personne est discriminée, mais je n'ai pas pour autant commis une faute. » C'est le cas aussi pour l'âge et l'orientation sexuelle. Il faut donc débarrasser la notion de discrimination de sa charge morale ; toute discrimination raciale n'est pas forcément stigmatisante pour son auteur. Je plaide couramment pour faire comprendre cette réalité, et cela nous permet parfois de trouver des solutions extrajudiciaires.
Par exemple, dans les offres d'emploi pour lesquelles on demande que la langue maternelle soit le français, nous voyons une discrimination sur la base de l'origine. Une personne qui a une maîtrise parfaite du français, mais dont le français n'est pas la langue maternelle, ne peut pas se porter candidate. C'est un point sur lequel nous pouvons négocier et c'est un cas de discrimination sans dimension morale.
J'ai eu l'occasion de participer à la réunion des délégués du Défenseur des droits. J'ai été impressionné par ce réseau (plusieurs centaines de personnes), mais leur rôle est essentiellement de traiter des signalements individuels. Le Défenseur des droits a hérité du réseau des médiateurs de la République. Nous voyons nos délégués régionaux comme des ambassadeurs sur l'ensemble de nos métiers. Ils sont proches des citoyens, mais aussi des autorités locales. Ils effectuent des actions de promotion, de sensibilisation, de prévention et ils travaillent sur des réseaux locaux. Nos services locaux représentent de l'ordre de treize équivalents temps plein pour l'ensemble du territoire.
J'ai expliqué que je n'utilisais pas le terme de racisme d'État. Je suis également réticent à l'utilisation du terme de « racisé ». Cela étant, je reconnais toute la légitimité et l'intérêt d'une société civile militante et engagée. Elle joue son rôle d'aiguillon. Il est important que ces organes militants puissent aussi reconnaître la raison d'être d'organes de promotion de l'égalité, comme l'UNIA. Nous avons chacun un rôle à jouer. L'existence de ces organisations nous fait voir les choses sous un autre angle, ce qui a une influence sur notre manière d'agir ou de communiquer.