Intervention de Henri Nickels

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 12h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Henri Nickels, coordinateur des programmes, coopération institutionnelle et réseaux de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne :

. Merci beaucoup. Merci d'avoir invité l'Agence à participer à ces auditions. Je voudrais préciser que je ne représente pas les positions de l'Union européenne, mais celles de l'Agence des droits fondamentaux.

Je ne veux pas vous bombarder de statistiques de tel pays par rapport à tel autre pays. Ce n'est pas nécessairement utile. Je voudrais d'abord dire qu'il existe différentes formes de racisme. Nous menons des enquêtes de grande envergure dans lesquelles nous interrogeons directement les personnes sur le terrain, dans les différents États membres. Nos ressources étant limitées, nous analysons la situation de deux ou trois groupes par pays. Par exemple, en France, pour cette enquête sur la discrimination et les expériences de victimation, nous avons interrogé des personnes d'ascendance africaine et nord-africaine. Le choix est effectué en consultant des experts sur le terrain. Tous les groupes avec lesquels nous avons parlé sont représentatifs de la population au niveau national. Nous avons également interrogé des personnes d'origine turque, asiatique, rom et des personnes de la minorité ethnique russe dans les pays baltiques. Toutes rapportent avoir fait l'expérience de discriminations, fondées sur leur origine ethnique ou leur statut de migrant, que ce soit dans l'emploi, le logement, les services de santé ou l'éducation. C'est un problème réel, qui persiste car les résultats de l'enquête de 2018 confirment ceux de l'enquête menée six ans auparavant.

Le racisme et les discriminations ethniques sont figés dans nos sociétés. Les personnes vivent cette expérience au quotidien. Nous avons rendu un rapport spécifique sur les personnes d'ascendance africaine. Leurs conditions de logement sont souvent plus précaires que pour la population générale. Ces personnes sont surqualifiées par rapport aux emplois qu'elles occupent. Nos chiffres montrent que la discrimination structurelle existe dans tous les pays de l'Union européenne.

Cette enquête se penche également sur les expériences de profilage ethnique. Une grande partie des personnes qui ont été contrôlées par la police a fait l'expérience d'un contrôle basé, selon elles, sur l'origine ethnique. C'était le seul critère qui était pris en compte pour les interroger. Or le profilage ethnique est illégal. Le profilage est permis s'il se base sur différents éléments, mais il n'est pas permis que la police prenne en considération un seul élément comme la couleur de peau. Il est intéressant de constater que plus les personnes font l'expérience de ce profilage ethnique moins elles ont confiance dans l'État et plus leur sentiment d'appartenance au pays se délite, même si ces personnes sont nées dans le pays, se trouvent dans le pays depuis plusieurs générations et ont la citoyenneté du pays. Dans les cas extrêmes, les personnes qui font l'expérience du profilage ethnique, des discriminations et du racisme sont plus enclines à la violence et sont plus vulnérables à une certaine radicalisation. Cette attitude s'observe chez les personnes qui s'identifient comme musulmanes.

Une autre enquête concerne les personnes roms et les gens du voyage. Leurs conditions de vie sont souvent beaucoup plus basses que la moyenne, s'agissant de la scolarisation, de l'accès à l'éducation, de l'alphabétisation, de l'accès aux services de base (tels que l'eau courante), de l'accès au logement (souvent dans des conditions exécrables). Elles font face à davantage de contrôles de police. Nous l'observons dans tous les pays. Nous préparons une nouvelle enquête pour 2020, mais avec l'épidémie de covid-19, il nous sera difficile de nous rendre chez les personnes pour leur parler. Il est compliqué de récolter les données dont nous avons besoin pour effectuer un compte rendu des expériences de discrimination.

Une troisième enquête de grande envergure concerne les expériences de l'antisémitisme. La première enquête a été réalisée en 2012 et la seconde en 2018. L'enquête montre que l'antisémitisme est un problème que les personnes juives expérimentent au quotidien dans toute l'Union européenne, que ce soit dans la rue, dans les réseaux sociaux ou dans leurs contacts avec les gens. Il existe un grand problème de sécurité pour les personnes juives.

Il existe de vrais problèmes de racisme, de xénophobie et de discrimination dans toute l'Union européenne. Que pouvons-nous faire ? Notre agence travaille de manière étroite avec la Commission européenne et les États membres. Ainsi, au sujet des crimes de haine, nous avons développé avec les États membres des principes pour améliorer les signalements et la collecte des données et pour encourager les personnes à déposer plainte. Nos enquêtes montrent systématiquement que les personnes manquent de confiance dans le système et ne portent pas plainte pour des expériences de racisme et de discrimination. Elles disent qu'elles vivent sans cesse ces discriminations, ce qui évoque une certaine normalisation de ces expériences. Nous ne pouvons pas tolérer une telle situation. Nous menons un travail avec la Commission européenne, les États membres et d'autres instances internationales pour savoir comment encourager les victimes à porter plainte.

Je terminerai avec les statistiques ethniques. L'Agence n'a pas à juger de la situation en France. La France possède ses propres traditions constitutionnelles. Nous travaillons sur les données relatives à l'égalité avec la Commission et certains États membres, dont la France ne fait pas partie, et avons identifié des lignes directrices pour améliorer la récolte et l'utilisation des données sur l'égalité. Cela désigne toutes les données statistiques qui pourraient donner des informations sur les inégalités de traitement et les expériences de discrimination. Nous travaillons aussi sur la façon de renforcer les organismes pour la promotion de l'égalité, qui remplissent une mission très importante pour permettre aux personnes d'accéder à la justice et d'avoir un droit de recours.

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