Intervention de Henri Nickels

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 12h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Henri Nickels, coordinateur des programmes, coopération institutionnelle et réseaux de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne :

. En ce qui concerne le dernier point, je ne peux pas vous répondre, car je ne me suis pas penché sur ce sujet. Nous n'avons pas d'exemple concret. Il existe aussi des plaintes par lesquelles des associations essaient d'obtenir un cas d'école ou de la jurisprudence. Elles estiment qu'un cas est vraiment pertinent et qu'elles peuvent essayer d'obtenir un précédent juridique pour changer la situation. Je pourrai vous envoyer les informations dont je dispose à ce sujet.

En ce qui concerne les stratégies, il n'existe pas un système qui conviendrait à tous les pays. Ainsi, pour l'antisémitisme, la déclaration du Conseil de l'Union dit que les États devraient adopter des stratégies contre l'antisémitisme dans le cadre de leur stratégie contre le racisme. Elle ne dit pas qu'il faut spécifiquement une stratégie contre l'antisémitisme. L'important est de reconnaître les spécificités des différents types de racisme. Par exemple, le racisme dont les personnes noires font l'expérience au quotidien et l'antisémitisme dont les personnes juives font l'expérience au quotidien se manifestent de façon différente. Les mesures doivent être adaptées aux circonstances et aux différents types de discriminations que les personnes expérimentent. Le rapport Être noir dans l'Union européenne montre que la discrimination dans l'accès au logement et à l'emploi des personnes noires est relativement haute. Nous avons posé les mêmes questions aux personnes juives, mais sur ce point la discrimination est beaucoup plus basse. L'article 5 de la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique permet aux États de développer des mesures pour répondre à des désavantages spécifiques. Le droit européen permet l'action positive.

En ce qui concerne le délit « de faciès », presque tous les États sont des mauvais élèves. Le meilleur élève est la Grande-Bretagne où les actions sont conséquentes. Quand une personne est arrêtée, il faut remplir des protocoles et donner des justifications. Des données sont publiées chaque année sur les contrôles policiers, ce qui permet d'avoir une bonne idée des contrôles « au faciès » et de connaître les expériences des personnes. Peu d'États entreprennent des actions. Nous avons publié un guide pour prévenir le profilage ethnique illégal et cherchons à ce que ce guide soit mieux mis en œuvre. Il faut reconnaître ce qu'est le profilage ethnique. Le terme français, contrôle « au faciès », dit vraiment de quoi il s'agit. La couleur de peau est déterminante. Le jugement est celui de l'apparence et non pas des critères objectifs liés au renseignement. Tout un travail de formation des services répressifs est à entreprendre sur la définition d'un contrôle au faciès et sur les conditions dans lesquelles on peut demander ses papiers d'identité à une personne. Le profilage en soi n'est pas illicite.

Le testing peut être le meilleur moyen de démontrer la réalité des discriminations. Ce sont des tests anonymes qui montrent qu'une personne n'a pas été sélectionnée pour un emploi ou un logement pour telle ou telle raison. Dans certains États, les résultats de ces tests sont recevables en justice. C'est très important. Cela démontre qu'il s'est produit de la discrimination directe ou indirecte et qu'il ne s'agit pas d'une impression. Nous voyons que la discrimination est basée sur le nom de la personne ou sur le lieu où elle habite. Il s'agit sans doute de la meilleure technique pour démontrer l'existence de la discrimination. Il faut peut-être renforcer cet instrument, même si c'est très coûteux. Un organisme pour l'égalité des droits ne peut en effet pas s'appuyer sur le faible nombre de signalements pour affirmer qu'il n'y a pas de discrimination. Un rapport est publié chaque année pour rassembler les données sur l'antisémitisme, mais certains États rapportent quinze faits d'antisémitisme par an, ce qui n'est pas crédible.

Le faible nombre de signalements est lié au manque de confiance dans les autorités, au fait que les personnes ne savent pas à qui s'adresser et aux barrières bureaucratiques. Il est important d'adopter une perspective centrée sur l'individu qui fait l'expérience de la discrimination et du racisme. L'État doit lui assurer l'accès à la justice et lui permettre de circuler librement dans l'espace public sans avoir peur d'être attaquée, insultée ou discriminée pour la simple raison de la couleur de sa peau, de son origine ou de son statut de migrant.

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