Intervention de Elisabeth Moreno

Réunion du mardi 17 novembre 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Elisabeth Moreno, ministre déléguée :

Votre préoccupation est chère à mon cœur. Vous avez raison, l'égalité des chances est un combat permanent. Combien de jeunes Français ai-je rencontrés qui, issus de la diversité et hyper-diplômés, ne parvenaient pas à trouver un travail en raison de la consonance de leur nom ou de leur adresse ! Du reste, certains d'entre eux, blessés et désespérés de ne pas trouver leur place dans notre pays, sont partis à l'étranger où ils sont devenus des inventeurs extraordinaires. Combien de fois ai-je entendu des personnes issues de la diversité ayant un bon travail et un bon salaire se plaindre de ne pas réussir à louer un appartement ! Il y a quelques semaines, nous avons d'ailleurs signé avec plusieurs agences immobilières une charte qui leur rappelle la loi et leurs responsabilités en la matière.

Ce qui me donne un peu d'espoir néanmoins, c'est l'engagement du Président de la République, notamment dans le domaine de l'éducation. Je ne serais pas devant vous aujourd'hui si je n'avais pas eu la chance d'aller à l'école de la République. Plus nous éduquerons notre jeunesse et plus nous formerons et sensibiliserons nos concitoyens aux questions liées au racisme et à l'antisémitisme, plus nous aurons de chances de faire reculer ces discriminations.

Certains dispositifs peuvent d'ores et déjà être très utiles. Je pense, par exemple, aux internats d'excellence. Je me souviens avec émotion d'une jeune fille absolument brillante, lorsque j'habitais Athis-Mons : issue d'une famille d'immigrés maghrébins, elle ne pouvait pas être aidée par ses parents et, en tant que bonne élève, elle était parfois un peu chahutée. Les internats d'excellence – il devrait y en avoir un par département d'ici à 2022 – permettront à des jeunes comme elle, qui ne bénéficient pas de l'entourage et de l'accompagnement nécessaires pour continuer de développer leurs talents, de profiter d'un cadre dans lequel ils sont guidés, soutenus, pour aller le plus loin possible dans leurs études supérieures. C'est fondamental pour l'égalité des chances !

Je pense également aux Cordées de la réussite. J'ai rencontré récemment, à Tours, des jeunes qui ont eu la chance de réussir leurs études et qui sont très heureux de tendre la main à ceux qui n'ont pas eu cette chance, en les conseillant, en les aidant à faire leurs devoirs, en leur ouvrant leurs réseaux. Je pense au Collectif mentorat, qui rassemble plusieurs associations dont l'objectif est d'accompagner des jeunes issus des quartiers populaires et des zones rurales.

D'aucuns diraient que je suis trop optimiste. Pourtant, cela marche : j'ai vu ces dispositifs fonctionner. Le combat pour l'égalité des chances passe par l'éducation, la formation. Ainsi, les solutions d'apprentissage et les aides exceptionnelles offertes aux entreprises pour qu'elles recrutent davantage de jeunes en apprentissage dès la première année nous seront d'une grande aide.

Il est primordial d'effectuer des testings, mais encore faut-il en tirer les conclusions. Nous avons donc discuté avec des entreprises qui, lorsque les résultats de ces testings ne sont pas bons, se sont engagées à nous présenter des plans d'action correctifs. Non seulement nous les incitons à élaborer ce type de plans, mais nous contrôlerons leur application. Car nous nous sommes aperçus qu'en matière de logement, par exemple, les actions de correction mises sur pied par certaines agences immobilières prises en flagrant délit de discrimination étaient appliquées pendant six mois mais qu'un an après, un certain laxisme avait repris le dessus. Il ne faut pas baisser la garde.

Quant à l'arsenal juridique, je dois vous avouer que j'ai été très étonnée par le nombre des lois, décrets et dispositifs divers destinés à lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Le problème ne réside donc pas tant dans l'arsenal législatif lui-même que dans son application, son exécution. De fait, les gens n'osent même pas porter plainte lorsqu'ils sont victimes d'actes racistes parce qu'on va leur demander de le prouver. Quant aux sanctions prononcées par les magistrats, elles ne sont pas toujours suffisamment sévères, de sorte que les victimes sont dissuadées de s'adresser à la justice et ont le sentiment qu'elles n'ont pas de droits, qu'elles ne sont pas écoutées. Nous devons donc inciter les forces de l'ordre à prendre en considération les plaintes déposées et les magistrats à prononcer des sanctions plus sévères en considérant le racisme, l'antisémitisme ou les discriminations comme une circonstance aggravante. Plutôt qu'à de nouvelles lois, c'est à l'application effective des dispositifs actuels qu'il nous faut travailler.

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