Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mardi 17 novembre 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • antisémitisme
  • discrimination
  • diversité
  • racisme
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

Source

La mission d'information procède à l'audition de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

La séance est ouverte à 18 heures.

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Madame la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Les travaux de notre mission d'information, créée en décembre 2019, n'ont pu commencer qu'en juin mais ils se poursuivent tambour battant. Chaque semaine, avec Mme la rapporteure, nous procédons à plusieurs heures d'audition sur ce sujet complexe, afin de dresser un état des lieux des différentes formes de racisme dans notre pays, et de trouver des pistes de réflexion et de solutions pour rendre plus effective la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions. L'objectif est de rendre ce rapport dans les mois qui viennent.

Nous avons entendu des universitaires de différentes disciplines – sociologues, historiens, philosophes – et des représentants d'associations nationales connues pour leur combat contre le racisme, avec lesquels je suppose que vous êtes régulièrement en contact. Nous avons également entamé un cycle d'auditions de plusieurs institutions, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Nous avons souhaité avoir des échanges avec les différents ministères concernés, tant dans leurs composantes techniques qu'en la personne de leur ministre. Nous avons déjà entendu le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, il y a quelques semaines, et nous recevrons aussi le garde des Sceaux.

Dans ce cadre, votre propos complétera certainement ceux de Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT.

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Madame la ministre, vous détenez le portefeuille clé sur les thématiques qui nous intéressent, votre champ d'action étant aussi riche et varié que les sujets vers lesquels cette mission nous entraîne. Peut-être pourriez-vous, dans votre propos liminaire, expliquer en quoi le caractère interministériel de votre portefeuille aide à aborder tous ces champs d'action possibles.

S'agissant du racisme, quels sont vos priorités et vos axes de travail ? Le terme même de « racisme » ne figure pas dans l'intitulé de votre portefeuille. Il serait intéressant de voir en quoi le choix d'un mot très positif, celui de « diversité », peut aider à lutter contre le racisme et en quoi la « discrimination » est chargée d'une connotation victimaire.

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Le sujet qui nous réunit est essentiel, car il touche à notre cohésion nationale et à notre pacte républicain. Il est d'ailleurs au cœur de l'actualité. Les menaces de mort reçues récemment par Mohamed Gnabaly, maire de L'Île-Saint-Denis, ou les appels racistes lancés sur les réseaux sociaux contre les personnes d'origine asiatique nous le démontrent chaque jour, le racisme et l'antisémitisme demeurent, dans notre pays, une bien triste réalité qui blesse toujours et peut parfois aussi tuer, malheureusement.

La triple crise, sanitaire, économique et sécuritaire, qui traverse le monde en général et notre pays en particulier, exacerbe encore les tensions. Comme souvent dans les périodes de crise, elle contribue à renforcer les préjugés et les discriminations.

Consciente des tensions montantes en France, j'ai réuni, le 12 novembre, les représentants des principales associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, que j'avais rencontrés lors de ma prise de fonction au mois de juillet. Nous étions convenus de nous revoir à intervalles réguliers pour travailler ensemble, et je tenais à évoquer avec eux ces faits d'actualité très préoccupants. J'ai écouté à la fois leur diagnostic et leurs propositions concrètes. Nous avons également évoqué le futur plan de lutte contre le racisme 2021-2023, qui sera piloté par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Nous le coconstruirons avec les associations, acteurs fondamentaux pour avancer sur ces sujets.

Je me suis particulièrement entretenue avec la présidente de l'Association des jeunes Chinois de France, pour l'assurer de ma vigilance et de mon soutien face au déferlement de menaces et d'agressions dont la communauté asiatique de France est la cible. La crise sanitaire que nous traversons constitue, en effet, un facteur aggravant en matière de racisme. Il y a donc urgence à agir et à se mobiliser contre toutes les formes de racisme, d'antisémitisme et de discrimination, qui sont indignes d'un pays civilisé tel que le nôtre et portent atteinte à nos valeurs fondamentales. Elles sont l'antithèse de la promesse républicaine qui nous lie les uns aux autres.

Mon parcours m'autorise, avec les préoccupations oratoires qui s'imposent, à parler avec franchise sur le thème qui nous occupe. En préambule, je veux dire combien je sais que ce sujet touche au tréfonds de l'âme de chacun et à la complexité qui habite chaque individu. Je sais aussi que la question du racisme et de l'antisémitisme est sensible. Ces discours de haine peuvent séduire, parfois même cimenter des groupes d'individus, comme ils peuvent inspirer des propos exaltés ou de cyniques calculs politiques. L'histoire nous l'a malheureusement montré à maintes reprises dans le passé. Notre société contemporaine n'est malheureusement pas imperméable à ces discours.

Oui, il existe des discriminations dans l'accès au logement et à l'emploi. Les enquêtes du Défenseur des droits l'ont démontré à maintes reprises, les discriminations à raison de l'origine sont importantes. Il s'agit du deuxième critère invoqué devant cette institution, après le handicap. Toutes les formes de discrimination doivent être combattues : comme les souffrances qu'elles engendrent, elles ne doivent pas être hiérarchisées. Oui, certains propos relayés dans les médias stigmatisent. Ils jettent de l'huile sur le feu, nous dressent les uns contre les autres, alors que nous devrions, au contraire, rechercher l'apaisement, l'union et la concorde dans les moments difficiles que nous traversons. Oui, aussi, les contrôles « au faciès » sont une réalité concrète que certains de nos concitoyens vivent au quotidien. Il est vrai, enfin, que l'égalité des chances n'est pas encore effective dans l'ensemble de notre pays.

Pourtant, l'universalisme auquel nous croyons, le modèle républicain dont nous sommes si fiers fonctionne. Ne soyons pas myopes face à ces réalités silencieuses dont nous pouvons nous enorgueillir. Ce modèle, nous y sommes viscéralement attachés. Il fait la singularité de notre pays et, vu de l'étranger, suscite tantôt des interrogations ou des incompréhensions, tantôt de l'admiration. La tradition française est une conception abstraite de la citoyenneté, qui fait fi des singularités des individus. Elle est indépendante des genres, des croyances, des couleurs de peau et des orientations sexuelles.

Soyons lucides, ce modèle est fortement bousculé. Il est remis en question par de nouvelles formes de discours, qui distillent dans le débat public l'idée qu'il existerait en France un « racisme d'État ». Je vous le dis tout net, la notion de racisme d'État est, à mes yeux, totalement infondée. J'ai vécu en Afrique du Sud, où l'apartheid, c'est-à-dire le racisme gravé dans le marbre de la loi, était une réalité concrète il y a encore moins de trente ans. En France, il existe des actes racistes, qu'il faut combattre de toutes nos forces, mais il n'existe pas de racisme d'État. Nos services publics, nos lois ne pratiquent pas la ségrégation en fonction des origines ou des croyances. Ce fantasme, colporté par certaines associations ou acteurs politiques, doit être combattu avec force.

Notre pays est le pays des droits de l'homme et du citoyen, mais il a malheureusement tendance à se perdre dans ses divisions. Les déboulonnages de statues auxquels on assiste depuis quelques années en sont l'un des symptômes, qui n'est pas uniquement symbolique. L'histoire de France doit être lue et appréhendée dans sa globalité. Elle contient des pages sublimes, avec des héroïnes et des héros dont nous pouvons être fiers collectivement, mais aussi des pages plus sombres. Chaque période a produit ses haines, avec son lot de bourreaux et de zélateurs. Ces pages sombres, nous ne devons ni les occulter, ni les instrumentaliser ; nous devons les regarder en face, les expliquer, faire œuvre de pédagogie, en particulier auprès des jeunes générations. Nous devons débattre, confronter les points de vue, mais ne jamais faire de la politique politicienne avec notre histoire : c'est une impasse et un fourvoiement. Nous devons poser un regard lucide sur notre passé, qui est à la fois riche et complexe. On n'écrit pas l'histoire avec une gomme ou avec des jugements. Ernest Renan nous a invités à penser la Nation comme « un héritage de gloire et de regrets ». C'est en transmettant cet héritage dans sa globalité que nous pourrons redonner corps à notre vivre ensemble et donner un sens à notre aventure collective.

Ce travail mémoriel est une ligne de crête, sur laquelle nous n'avons pas le droit de trébucher. Nous ne devons jamais rompre avec l'exigence de lucidité qui doit être la nôtre. C'est le cœur du travail qu'a confié le Président de la République à Benjamin Stora, sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie.

D'une manière générale, il est nécessaire de développer les actions mémorielles. Certaines figures importantes de notre histoire, nées hors de l'Hexagone – Félix Éboué, Aimé Césaire, les sœurs Nardal, Gaston Monnerville, Manon Tardon et bien d'autres – demeurent trop peu connues, et trop peu reconnues en 2021. Plutôt que de déboulonner des statues, plutôt que d'effacer, nous devons, au contraire, enrichir nos musées, nos manuels scolaires, nos rues et, ainsi, nos mémoires collectives. C'est notamment le sens du projet de Geneviève Darrieussecq, qui invite les maires à baptiser certaines rues de nos communes de noms de héros d'Afrique, qui ont par exemple combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale.

La reconnaissance prend vie à travers la transmission du savoir. Elle passe également par une meilleure représentativité, dans les médias, de la diversité de la société française telle qu'elle est aujourd'hui. L'exemple du baromètre CSA publié en septembre sur le sujet le montre, les médias offrent une photographie qui n'est pas représentative de la France telle qu'elle est aujourd'hui. C'est également le cas dans le cinéma. La France est plurielle : l'industrie audiovisuelle doit la représenter.

Mais cette reconnaissance passe aussi par la « saison africaine » en France, qui vise à mieux faire connaître l'Afrique contemporaine aux Français. L'engagement du Président de la République nous permettra de dérouler cette saison de décembre jusqu'au mois de juillet 2021, si la pandémie le permet. Cela passe encore par la restitution de certaines œuvres du patrimoine culturel africain, comme Emmanuel Macron s'y est engagé en novembre 2017 à Ouagadougou. L'Assemblée nationale et le Sénat ont récemment voté à l'unanimité le retour au Sénégal et au Bénin de plusieurs œuvres d'art historiques dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

En d'autres termes, le Gouvernement propose des réponses pédagogiques, des réponses d'inclusion. L'histoire doit, non pas faire le tri mais, au contraire, faire œuvre d'honnêteté et de lucidité pour nous rassembler. Ce n'est que de cette manière que nous réconcilierons les Français entre eux et que nous ferons nation.

Refuser la nuance, c'est refuser la vérité. Cela fait le lit de tous les radicalismes et les complotismes. Je réfute donc l'existence d'un racisme institutionnalisé : cette idéologie, car c'en est une, va à l'encontre de l'universalisme. Nous devons, au contraire, travailler sur des actions contraintes et inclusives, qui vont nous rassembler plutôt que nous diviser.

La lutte contre le racisme et l'antisémitisme est un défi majeur auquel l'ensemble des pays européens sont confrontés. Ursula von der Leyen a exhorté les pays européens à construire un véritable plan de lutte contre le racisme et les discriminations. Nous devons rester lucides et réalistes parce que les époques changent. La haine, elle aussi, s'est métamorphosée : elle a changé de visage, endossé de nouvelles pratiques, mais elle n'a pas baissé en intensité. Notre devoir républicain, à nous, responsables politiques, mais aussi à tous les citoyens de notre pays, est de poursuivre ce combat. Il constitue une priorité de ce Gouvernement, qui se traduira notamment dans le projet de loi pour la défense des valeurs républicaines.

La lutte contre le racisme constitue une politique publique bien ancrée dans notre pays. Notre arsenal juridique en la matière est important. De nombreux acteurs publics et associatifs y travaillent tous les jours. Je reconnais volontiers que l'on peut faire mieux et plus pour redonner confiance en la République et en ses institutions. C'est mon rôle aujourd'hui, en lien avec la DILCRAH notamment, ainsi qu'avec les parlementaires et le tissu associatif, que de continuer à renforcer nos politiques publiques pour combattre toutes les formes de haine, de la façon la plus efficace qui soit.

La meilleure arme repose sur le triptyque : éducation, formation et sanction.

L'école est le meilleur creuset pour porter les promesses de la République. C'est aussi notre meilleur levier pour éclairer les esprits et lutter contre les préjugés. C'est à l'école que nous devons apprendre et, parfois aussi, désapprendre. Je suis heureuse de savoir que vous avez entendu Jean-Michel Blanquer, car c'est dans l'école que doivent se déconstruire les idées reçues, que nous devons détricoter les stéréotypes qui enferment dans des cases et qui secrètent le racisme et l'antisémitisme qui gangrènent notre société. L'école doit être la première enceinte où nous pouvons inculquer les valeurs de respect, d'acceptation et d'ouverture d'esprit. Elle doit être le lieu où nous apprenons l'altérité, car c'est le regard de l'autre qui enferme et rejette autant qu'il libère.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous considérons que c'est de cette manière que nous construirons une société beaucoup plus républicaine. Nous devons donc développer les actions éducatives en milieu scolaire. Nous le faisons déjà : la DILCRAH finance des actions menées par des associations à destination des jeunes sur le temps scolaire et en dehors, dans les écoles, les collèges, les lycées. Nous devons les amplifier.

Le deuxième pilier du triptyque est la formation. Dans ce domaine, l'État doit être exemplaire : qu'il s'agisse de nos forces de l'ordre, des magistrats ou des enseignants, les acteurs du service public doivent être sensibilisés et formés à ces enjeux auxquels ils sont confrontés quotidiennement. Cela passe, bien entendu, par la formation initiale, mais aussi par la formation continue. La DILCRAH joue, là aussi, un rôle important. À travers elle, nous avons lancé, en octobre, un appel à projets local contre les discours et les actes de haine. S'inscrivant en complément du travail mené sur le terrain par les comités opérationnels de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, présidés par les préfets, cet appel à projets doit permettre de soutenir localement des projets citoyens. En 2019, la DILCRAH a soutenu 873 projets de ce type, pour une enveloppe d'un peu plus de 2 millions d'euros. Il s'agit donc d'un outil très important, qui permet d'agir concrètement contre la haine.

Le troisième pilier est la sanction. La stricte application du cadre juridique est indispensable. Le ministère de la justice édicte des instructions dans ce domaine à l'attention des parquets, afin que ces derniers adoptent le réflexe d'échanger régulièrement avec les associations. Il faut une sensibilisation et une sévérité à l'égard des faits de racisme, d'antisémitisme et de discrimination. Comme le prévoit la loi, les juges doivent retenir les circonstances aggravantes de racisme, ce qui arrive encore trop peu – les associations nous l'ont encore dit la semaine dernière.

Le Défenseur des droits est également un acteur important en la matière, car il lutte de manière très efficace contre les discriminations. Avec Claire Hédon, que j'ai eu le plaisir de rencontrer, nous conclurons prochainement une convention de collaboration, afin d'amplifier notre mobilisation commune.

La question des réseaux sociaux est tout à fait cruciale. Les réseaux sociaux sont devenus un déversoir de propos haineux, le réceptacle d'un racisme et d'un antisémitisme décomplexés. Il faut absolument les punir et, pour ce faire, lever l'anonymat. Si les propos haineux, les menaces de mort et les insultes sont virtuels, les dommages collatéraux et les blessures qu'ils infligent sont, quant à eux, bien réels. L'actualité nous l'a démontré encore très récemment avec les agressions qu'ont subies certaines personnes d'origine asiatique. Nous devons donc être intransigeants envers le racisme et l'antisémitisme décomplexés qui sévissent sur internet, et ce d'autant plus qu'ils touchent majoritairement les jeunes générations. Nous devons travailler avec les plateformes afin qu'elles renforcent leur rôle de modération. Le Gouvernement est décidé à avancer de manière résolue sur le sujet, dans le cadre du projet de loi sur la défense des valeurs républicaines.

La réponse doit être également organisée au niveau européen, car la question dépasse les frontières. Les futurs textes relatifs aux services numériques, dits Digital Services Act (DSA), dont l'un des objets sera la régulation des contenus sur les réseaux sociaux, seront présentés le 2 décembre. La France travaillera avec la Commission européenne et le Parlement européen pour que cette réglementation soit la plus ambitieuse possible.

Les actions que je vous ai sommairement énumérées s'inscrivent dans le sillon tracé par le plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2018-2020. Il s'agit naturellement d'un plan interministériel : il est piloté par mon ministère et par la DILCRAH, mais concerne l'ensemble du Gouvernement. Une évaluation sera faite en mars, dans le cadre de la préparation du futur plan d'action qui sera présenté l'année prochaine. Cette nouvelle stratégie sera en cohérence avec le plan d'action de l'Union européenne contre le racisme pour les années 2021-2025. Je souhaite que les associations participent étroitement à son élaboration. Je veux aussi que l'on adopte une véritable approche territoriale en la matière, afin d'être le plus opérationnel et efficace possible. Je veux également que l'ensemble des services de l'État soient sensibilisés à ces enjeux. En outre, je m'appuierai sur les conclusions de vos travaux pour enrichir ce nouveau plan.

La lutte contre le racisme et l'antisémitisme doit nous rassembler et être l'affaire de tous. Du fait des enjeux auxquels notre société est confrontée, nous sommes soumis à une obligation d'action et de résultats. Nous n'avons pas le droit d'échouer ni de réussir à moitié, car les attentes sont très nombreuses. Le racisme, l'antisémitisme et les discriminations sont l'exact opposé de l'ADN de notre République, l'exact contraire de ce que nous avons accompli et de ce qui nous rassemble. Nous devons travailler à la construction d'une société dans laquelle l'égalité et la fraternité reprennent tout leur sens. Vous pouvez évidemment compter sur ma pleine mobilisation, de même que je sais pouvoir compter sur la vôtre.

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Votre poste et son intitulé vous exposent évidemment à de nombreuses revendications, en particulier celles qui sont dites « intersectionnelles » – terme importé et qui est de plus en plus à la mode auprès de certains intellectuels et associations. En matière d'égalité femmes-hommes, notamment, certaines personnes considèrent qu'il y a différents types de féminisme et que l'un est plus légitime que les autres au motif qu'il soutient les personnes cumulant les discriminations. Êtes-vous soumise à des pressions visant à faire en sorte qu'un féminisme noir, par exemple, ou lié à une ethnie particulière, soit mieux reconnu et mieux accompagné par le ministère dont vous avez la charge ? Je suis intéressé de savoir de quelle manière votre ministère et vous-même avez à cœur d'inscrire votre combat dans une logique universaliste, en dépit des pressions éventuelles.

Ma seconde question est plus personnelle. Je me permets de la poser car vous avez vous-même mentionné votre parcours. Je suis le député des villes d'Athis-Mons et de Viry-Châtillon et si j'en crois mes échanges sur le terrain, votre parcours est cité en exemple, dans une logique d'égalité des chances. Je voulais vous interroger très directement sur un sujet sensible : les statistiques ethniques. Dans le combat pour l'égalité des chances, on peut imaginer que les inégalités de départ soient liées à une prétendue race, mais aussi estimer qu'elles sont liées plus largement au milieu social, au niveau d'éducation de la famille ou encore au lieu d'habitation. Que pensez-vous de ces différentes manières d'aborder la question, et quel est votre point de vue sur les statistiques ethniques comme éventuel outil de promotion de l'égalité des chances et de la diversité, dans l'audiovisuel mais aussi, plus largement, dans le monde du travail ?

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée

Comme vous, je m'inscris dans la logique de l'universalisme. Je me garderai de hiérarchiser les discriminations, car cela nous entraînerait sur un chemin extrêmement périlleux. Force est toutefois de reconnaître que certaines personnes subissent une accumulation de discriminations. Une femme handicapée, par exemple, a plus de risques de souffrir de violence conjugale. Par ailleurs, des jeunes femmes issues de la diversité me disent que, quand on est une femme noire ou maghrébine, le CV que l'on présente est beaucoup moins pris en considération. Ne pas regarder ces réalités en face serait malhonnête.

Je ne subis aucune pression ; je fais ce que je pense devoir faire. Je traite l'ensemble des problèmes tout en distinguant chacun d'entre eux. Quand nous travaillons sur les violences faites aux femmes, nous n'y intégrons aucune notion d'ethnie, d'origine ni de classe sociale, car cela peut toucher n'importe quelle femme. Chaque fois que nous trouvons une solution pour une femme victime de violences, elle sert à tout le monde. De la même manière, lorsque nous traitons le sujet des discriminations, nous considérons que les solutions proposées peuvent servir à tous. C'est la raison pour laquelle nous travaillons avec toutes les associations. Celles-ci nous disent qu'il faut absolument que nous restions dans l'universalisme, mais qu'il faut aussi prendre en compte les particularités. À cet égard, nous avons eu des échanges spécifiques avec l'Association des jeunes Chinois de France, comme avec la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) ou SOS racisme. Il n'en demeure pas moins que je me garde bien d'établir quelque hiérarchie que ce soit. Si l'on se plaçait dans la logique que vous évoquiez, je cumulerais moi-même les motifs de discrimination… Je ne vais certainement pas me laisser impressionner par ce genre de choses.

En ce qui concerne les statistiques ethniques, je n'y suis pas favorable. Notre droit est tout à fait clair, et le Conseil constitutionnel s'est prononcé depuis longtemps. Je constate d'ailleurs que même les pays qui les pratiquent en raison de leurs traditions, avec comme idée sous-jacente la mise en œuvre de quotas, ne souhaitent plus appliquer des politiques correctrices d'inégalités par ce moyen. Il existe d'autres méthodes pour mesurer le racisme en France. Du reste, en avons-nous besoin pour savoir qu'on a plus de mal à obtenir que son CV soit pris en considération lorsque l'on est maghrébin et que l'on habite le 93 ? Non ! Certaines choses sont évidentes. Recourir à des statistiques ethniques pour mesurer des choses évidentes me paraît contre-productif.

Dans son rapport annuel 2019, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme a constaté une augmentation de 27 % des actes et propos antisémites, de 132 % des actes et propos xénophobes et de 54 % des actes et propos anti-musulmans. Il n'y a pas eu besoin de statistiques ethniques pour parvenir à cette conclusion. Le Défenseur des droits peut, lui aussi, nous fournir les informations dont nous avons besoin, à travers son rapport annuel et ses rapports thématiques : en juin, par exemple, il a publié un rapport consacré à l'urgence d'agir contre les discriminations en raison de l'origine. Pour cela non plus, il n'a pas été nécessaire de faire des statistiques ethniques. L'Institut national d'études démographiques accomplit également un travail remarquable avec son étude trajectoires et origines (TEO), là encore sans statistiques ethniques. La première édition de cette étude date de 2008 ; la deuxième débutera dans les prochains mois. La DILCRAH participe à son financement.

La situation est suffisamment complexe pour que nous n'ajoutions pas encore de la complexité. Par ailleurs, nous disposons de moult dispositifs pour lutter contre les discriminations ; ce que je souhaite, c'est que nous les appliquions à la lettre plutôt que d'en inventer de nouveaux.

En ce qui concerne mon parcours et la question de l'égalité des chances, on me dit souvent que mon exemple est l'arbre qui cache la forêt. Ce n'est pas vrai : des parcours comme le mien, j'en connais beaucoup. Depuis que j'ai eu la possibilité de devenir cadre dirigeant puis cheffe d'entreprise, je suis allée à la rencontre des jeunes, dans les quartiers ostracisés, parfois même oubliés – je pense au quartier de la Grande Borne, à Grigny, ou encore à Clichy-sous-Bois. Ces jeunes me disent que cela n'est pas pour eux, qu'ils n'y arriveront pas ; ils n'y croient plus. Je leur raconte donc mon histoire, non pas pour leur dire à quel point mon parcours est extraordinaire, mais pour qu'ils comprennent que si moi j'y suis arrivée, eux aussi le peuvent. Je crois fondamentalement à la représentativité, aux modèles. Or de nombreux jeunes ont réussi, même en étant partis de loin. Ils peuvent montrer à ceux qui doutent ou ont perdu l'espoir que c'est possible. Il est vrai que ces jeunes-là, on ne les entend pas suffisamment, que ce soit dans les médias audiovisuels ou dans la presse. On ne parle des jeunes dans les quartiers défavorisés qu'à propos de délinquance, quand des voitures brûlent, mais il y a de très belles histoires à raconter. Il faut que vous m'aidiez à les mettre en lumière : c'est aussi en déconstruisant ces stéréotypes que nous lutterons contre les préjugés.

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Merci, madame la ministre : vous nous donnez beaucoup d'espoir grâce à votre enthousiasme et votre optimisme.

Ma première question portait sur la dimension interministérielle de votre action. Dans votre propos liminaire, vous nous avez parlé de justice, d'éducation et d'armée : on voit bien que votre ministère travaille avec toutes les administrations. Cela dit, en ce qui concerne les ressources humaines dans les ministères, nous avons auditionné un certain nombre de personnes et, chaque fois que nous les avons interrogées sur ce qu'elles faisaient pour lutter contre le racisme et favoriser l'égalité des chances, elles ont répondu que les administrations centrales mêmes n'étaient pas encore tout à fait exemplaires. Avez-vous abordé cet enjeu avec les différents ministères ? Cela pourrait être un angle d'attaque pour donner des modèles aux jeunes, car travailler dans un ministère constitue une belle réussite.

En mai et en juin, durant le mouvement de protestation, certaines personnes disaient qu'il n'y avait jamais eu de ministre de couleur en France. C'était bien évidemment faux. Avant 2017 il y avait des exemples comme le vôtre. Peut-être ne sont-ils pas assez nombreux ; toujours est-il que c'est comme si la mémoire collective les effaçait rapidement. Comme vous le disiez, nous ne mettons pas suffisamment en valeur ces modèles. Il faut également les désacraliser aux yeux des jeunes, pour que ces derniers se rendent compte que ces personnes‑là aussi ont réussi en partant de rien ; c'est très difficile, je l'entends, mais ce n'est pas impossible.

Cela me ramène à la terminologie, sur laquelle je m'interroge depuis plusieurs semaines, car les mots ont une importance. Le terme « discrimination » est-il le bon ? S'il y a des discriminations, cela veut dire qu'il existe aussi des victimes – or ces discriminations peuvent être résiduelles, involontaires, et il n'y a pas de « bourreaux ». Comment se sentir citoyen à part entière de la République quand les mots font de soi une « victime » ? En me reportant à l'intitulé de votre portefeuille, je constate qu'il ne comporte que des mots qui rassemblent, pas des mots qui divisent. Quelle est votre réflexion sur la question de la terminologie ?

Enfin, votre approche territoriale m'intéresse beaucoup. Je suis députée de l'Isère, dans une circonscription comprenant un peu de ruralité et une petite ville de 30 000 habitants, où l'on peut rapidement se sentir loin de tout, même si, heureusement, Lyon n'est pas très loin. Dans certains endroits, en France, il n'y a aucun lieu de mémoire officiel, en dehors du monument aux morts que l'on trouve dans chaque village : s'agissant de la décolonisation et de l'esclavage, il n'y a pas de musée où l'on peut emmener les jeunes pour leur expliquer ce qui s'est passé. Il n'y a pas non plus de préfet délégué pour l'égalité des chances dans tous les départements. S'agit-il de relais sur lesquels vous pouvez vous appuyer ? Comment envisagez-vous un meilleur maillage territorial ?

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée

L'exemplarité est fondamentale. L'État se doit d'être exemplaire : on ne peut prôner un principe qu'on ne respecte pas soi-même. Mon cabinet, par exemple, est parfaitement paritaire, alors que l'on m'avait dit que je n'y arriverais pas. Or, non seulement j'y suis arrivée, mais, à nous tous, nous représentons environ dix nationalités. C'est cela, l'histoire de notre pays ; c'est cela qui fait sa beauté. Quand les personnes en question vous parlent de leurs origines, elles en sont fières.

En formant un cabinet paritaire, qui reflète en outre la pluralité de notre pays, non seulement je montre à mes collègues que c'est possible, mais je fais en sorte qu'il ressemble aux personnes auxquelles nous nous adressons. Lorsque j'étais cheffe d'entreprise, je pouvais aller partout et parler avec tout le monde parce que je me reconnaissais en chacun et que chacun pouvait se reconnaître en moi. C'est la raison pour laquelle je travaille à la mise en lumière des « rôles modèles » : en tant que ministre chargée de la diversité, il est important que je montre aux gens les personnes auxquelles ils peuvent s'identifier.

Les gens croient, avez-vous dit, qu'il n'y a jamais eu de ministres noirs. Peut-être ne s'intéressent-ils pas à la politique, car il y en a eu de nombreux. Mais l'ont-ils été suffisamment et ont-ils occupé des postes importants, marquants ? Non : c'est peut-être là que réside le problème. Néanmoins, Nicolas Sarkozy a ouvert la porte à la diversité, et Emmanuel Macron a fait un travail remarquable en la matière : l'Assemblée nationale ressemble aujourd'hui à notre France, et c'est fondamental.

Il faut, comme l'a fait le Président de la République au Panthéon, célébrer les grandes figures historiques – Léon Gambetta, Marie Curie, Joséphine Baker, Félix Éboué, Gisèle Halimi… – dont nous sommes fiers et qui sont attachées à l'histoire française. Car, en célébrant les artistes et les sportifs issus de la diversité, nous faisons exister la beauté de la diversité de notre pays, qui est une véritable force. Mais nos concitoyens doivent avoir également connaissance du parcours des femmes et des hommes qui incarnent au quotidien les valeurs de la République et qui s'illustrent par leur travail et leurs mérites. Je suis en train de réfléchir à la meilleure manière de mettre en lumière ces personnalités, que ce soit dans les médias, dans la fonction publique ou dans le cadre des distinctions honorifiques de la République. Il s'agit de raconter une histoire plus positive de la diversité dans notre pays.

Le travail de la DILCRAH est très important. L'appel à projets local, qui complète le travail accompli sur le terrain par les comités opérationnels de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT présidés par les préfets, a fait émerger plus de 800 projets, notamment dans des territoires où l'on n'a pas la possibilité de parler de ces sujets de manière aisée. Pour cela, nous devons nous appuyer sur les associations, qui peuvent se déplacer dans l'ensemble de la France et qui prennent en compte les particularités locales. Nous avons été très impressionnés par la créativité des projets suscités dans ce cadre.

Les préfets délégués à l'égalité des chances sont rattachés à la politique de la ville ; je ne peux donc répondre précisément à votre question. En tout état de cause, il est fondamental de lutter contre le racisme au plus près du terrain, avec les associations. La DILCRAH soutient ces actions et nous continuerons de les soutenir, car il ne faut pas que les mesures diffèrent selon les territoires.

Enfin, la discrimination est un délit puni par le code pénal. Cette qualification pénale n'est, hélas ! pas encore suffisamment connue de tous. Nous devons donc travailler avec le ministère de l'intérieur et celui de la justice pour nous assurer, premièrement, que les sanctions, lorsqu'elles sont justifiées, sont exemplaires et, deuxièmement, que chacun sait qu'il peut être puni pour avoir commis un acte raciste ou discriminant. De fait, si certaines discriminations sont volontaires, d'autres ne le sont pas. Lorsque le patron d'une PME refuse, par exemple, de recruter une femme enceinte parce qu'il a besoin de quelqu'un d'immédiatement opérationnel, il ne s'en aperçoit pas mais il discrimine. Nous devons donc former, sensibiliser à ces questions ; le rôle de l'école est très important à cet égard. Ce travail ne sera jamais achevé, car de nouvelles questions surgiront toujours.

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Madame la ministre, comme beaucoup d'autres, notamment à l'Assemblée nationale, je partage votre engagement. Parce qu'il est difficile de faire vivre la diversité dans les territoires, nous avons besoin de la mobilisation de tous les acteurs.

Il y a, d'un côté, la théorie, le droit, les principes qui fondent notre République et, de l'autre, la réalité, qui est souvent douloureuse. Malgré tous les efforts consentis, le combat pour l'égalité des chances devra encore être mené durant de nombreuses années. À situation professionnelle ou sociale équivalente, tout le monde n'a pas toujours le même accès à l'emploi ou à certaines fonctions. Certains, Zinedine Zidane le disait, doivent faire beaucoup plus d'efforts que d'autres.

Que pensez-vous de la généralisation des testings de grande ampleur ? Comment lutter contre les discriminations si l'on ne peut pas lutter contre les discours de haine ? Par ailleurs, l'arsenal juridique actuel vous paraît-il suffisant pour lutter contre les discriminations liées à l'origine ? On constate parfois que c'est l'effectivité des droits qui pose problème. Quelles mesures comptez-vous prendre en la matière ?

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée

Votre préoccupation est chère à mon cœur. Vous avez raison, l'égalité des chances est un combat permanent. Combien de jeunes Français ai-je rencontrés qui, issus de la diversité et hyper-diplômés, ne parvenaient pas à trouver un travail en raison de la consonance de leur nom ou de leur adresse ! Du reste, certains d'entre eux, blessés et désespérés de ne pas trouver leur place dans notre pays, sont partis à l'étranger où ils sont devenus des inventeurs extraordinaires. Combien de fois ai-je entendu des personnes issues de la diversité ayant un bon travail et un bon salaire se plaindre de ne pas réussir à louer un appartement ! Il y a quelques semaines, nous avons d'ailleurs signé avec plusieurs agences immobilières une charte qui leur rappelle la loi et leurs responsabilités en la matière.

Ce qui me donne un peu d'espoir néanmoins, c'est l'engagement du Président de la République, notamment dans le domaine de l'éducation. Je ne serais pas devant vous aujourd'hui si je n'avais pas eu la chance d'aller à l'école de la République. Plus nous éduquerons notre jeunesse et plus nous formerons et sensibiliserons nos concitoyens aux questions liées au racisme et à l'antisémitisme, plus nous aurons de chances de faire reculer ces discriminations.

Certains dispositifs peuvent d'ores et déjà être très utiles. Je pense, par exemple, aux internats d'excellence. Je me souviens avec émotion d'une jeune fille absolument brillante, lorsque j'habitais Athis-Mons : issue d'une famille d'immigrés maghrébins, elle ne pouvait pas être aidée par ses parents et, en tant que bonne élève, elle était parfois un peu chahutée. Les internats d'excellence – il devrait y en avoir un par département d'ici à 2022 – permettront à des jeunes comme elle, qui ne bénéficient pas de l'entourage et de l'accompagnement nécessaires pour continuer de développer leurs talents, de profiter d'un cadre dans lequel ils sont guidés, soutenus, pour aller le plus loin possible dans leurs études supérieures. C'est fondamental pour l'égalité des chances !

Je pense également aux Cordées de la réussite. J'ai rencontré récemment, à Tours, des jeunes qui ont eu la chance de réussir leurs études et qui sont très heureux de tendre la main à ceux qui n'ont pas eu cette chance, en les conseillant, en les aidant à faire leurs devoirs, en leur ouvrant leurs réseaux. Je pense au Collectif mentorat, qui rassemble plusieurs associations dont l'objectif est d'accompagner des jeunes issus des quartiers populaires et des zones rurales.

D'aucuns diraient que je suis trop optimiste. Pourtant, cela marche : j'ai vu ces dispositifs fonctionner. Le combat pour l'égalité des chances passe par l'éducation, la formation. Ainsi, les solutions d'apprentissage et les aides exceptionnelles offertes aux entreprises pour qu'elles recrutent davantage de jeunes en apprentissage dès la première année nous seront d'une grande aide.

Il est primordial d'effectuer des testings, mais encore faut-il en tirer les conclusions. Nous avons donc discuté avec des entreprises qui, lorsque les résultats de ces testings ne sont pas bons, se sont engagées à nous présenter des plans d'action correctifs. Non seulement nous les incitons à élaborer ce type de plans, mais nous contrôlerons leur application. Car nous nous sommes aperçus qu'en matière de logement, par exemple, les actions de correction mises sur pied par certaines agences immobilières prises en flagrant délit de discrimination étaient appliquées pendant six mois mais qu'un an après, un certain laxisme avait repris le dessus. Il ne faut pas baisser la garde.

Quant à l'arsenal juridique, je dois vous avouer que j'ai été très étonnée par le nombre des lois, décrets et dispositifs divers destinés à lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Le problème ne réside donc pas tant dans l'arsenal législatif lui-même que dans son application, son exécution. De fait, les gens n'osent même pas porter plainte lorsqu'ils sont victimes d'actes racistes parce qu'on va leur demander de le prouver. Quant aux sanctions prononcées par les magistrats, elles ne sont pas toujours suffisamment sévères, de sorte que les victimes sont dissuadées de s'adresser à la justice et ont le sentiment qu'elles n'ont pas de droits, qu'elles ne sont pas écoutées. Nous devons donc inciter les forces de l'ordre à prendre en considération les plaintes déposées et les magistrats à prononcer des sanctions plus sévères en considérant le racisme, l'antisémitisme ou les discriminations comme une circonstance aggravante. Plutôt qu'à de nouvelles lois, c'est à l'application effective des dispositifs actuels qu'il nous faut travailler.

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Nous aussi, parlementaires, nous nous inquiétons régulièrement de l'application effective des lois, en cette matière comme en d'autres. Nous vous remercions donc, madame la ministre, de porter cette parole au sein du Gouvernement.

Je vous remercie pour ces témoignages et ces éléments qui nous seront fort utiles lorsque nous rédigerons notre rapport, que nous ne manquerons pas de vous envoyer lorsqu'il aura été adopté par nos collègues.

Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée

J'espère que vous pourrez me le remettre en mains propres ! Je vous sais gré de vous intéresser à ce sujet si important. Sachez que nous sommes à vos côtés ; il y va de vies humaines, de personnes blessées, désabusées, à qui il est très important que nous témoignions notre soutien.

La séance est levée à 19 heures 10.