Intervention de Kofi Yamgnane

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d'État aux affaires sociales et à l'intégration :

. Je ne suis pas un spécialiste du racisme, je ne suis pas sociologue, je ne suis pas un homme politique. Je suis un technicien, je suis un ingénieur diplômé de l'École des mines. Je vivais et travaillais dans le Finistère. Les habitants m'ont demandé de me présenter à l'élection municipale – je n'y ai d'abord pas cru. Ils m'ont convaincu et j'ai été élu maire de ce village. Je ne peux parler que de ce que j'ai vécu.

J'ai toujours vécu en campagne. Je n'ai pas vécu en ville et je n'ai pas fait l'expérience du racisme de manière aussi dure que les gens la racontent. Je suis fils de paysans venus du Togo. Je vis dans une région agricole et je crois en les civilisations paysannes. Si j'observe mes administrés travailler, ils n'ont pas besoin de venir m'expliquer leurs problèmes – je les connais car je suis issu de la même culture agricole qu'eux. Cela a beaucoup participé à mon intégration, une intégration douce qui a pris son temps. J'ai épousé une Bretonne et je suis chrétien baptisé. Tout cela a dû contribuer, chaque élément en ses moyens, à cette intégration.

Je continue à dire et à penser, contrairement à ce que les indigènes de la République et d'autres veulent dire de la France, que la France n'est pas un pays raciste, j'insiste. Dire qu'il y a des racistes en France – rien n'est plus normal. Il y a aussi des racistes au Togo, en Algérie, en Turquie ou en Chine. Dire que la France est un pays raciste est une injure. La République Française est construite sur la diversité. La France est un carrefour géographique, historique et culturel. Aucune institution en France n'est raciste.

Il y a des racistes en France, oui. J'en ai connu quelques-uns quand je résidais en ville. J'ai vécu une expérience navrante lorsque j'étais étudiant à l'École des mines. Mes camarades de promotion me disaient : « Dans les couloirs noirs de la cité universitaire, on ne te voit pas, sauf quand tu souris ». Ce n'est pas spécialement injurieux. J'ai été suffisamment formé à l'école de la République et je dispose d'une force mentale suffisante pour tourner en dérision ce genre de situations. Cela n'est pas extrêmement grave.

Qu'un Blanc soit surpris de rencontrer une personne noire – cela ne m'étonne pas. J'en ai fait l'expérience dans un village reculé du Finistère. J'ai poussé la porte d'un bistrot ; la patronne s'est précipitée pour refermer la porte sur moi et m'empêcher d'entrer. Elle venait de voir le diable en personne ! Elle n'avait jamais vu de Noir. Les habitants de ce village ont ensuite voté pour m'élire député ! La première fois que ma femme est venue dans mon village natal, là-aussi, les enfants couraient et pleuraient, stupéfaits. Ce genre d'étonnement, de situation, n'est pas grave et ne doit pas être stigmatisé comme le mépris que l'on peut théoriser. C'est quand il devient un comportement systématique qu'il est grave.

C'est en effet quand j'ai été élu maire que j'ai compris ce qu'était le racisme. J'ai lu les courriers que m'adressaient les administrés : « Espèce de sale nègre », « Espèce de singe », « Gros singe noir », « Remonte dans tes arbres », « Retourne chez toi, crois-tu pouvoir commander dans un pays de Blancs ?». J'ai reçu six cartons de courriers comme ceux-là. J'ai alors compris qu'il y avait des racistes en France. Puisqu'il s'agissait de courriers anonymes, je n'ai pas pu leur répondre et confronter mes idées avec les leurs. C'est pourquoi j'ai décidé cet été d'écrire un livre pour adresser une réponse collective à toutes ces personnes racistes qui m'ont écrit. Ce livre sera édité très bientôt. Je lutte, comme je peux, avec les moyens à ma disposition, pour que les hommes apprennent à accepter celui qui est différent. Je ne veux pas convertir tous les Français à la conduite non-raciste. Mais je veux apporter ma part. Pour cela, je suis très heureux de participer à votre mission.

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