Intervention de Michael Lockwood

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Michael Lockwood, directeur général de l'Independant Office for Police Conduct :

. Tout d'abord, permettez-moi de retracer la genèse de l'IOPC. En avril 1993, la confiance du public envers la police a été mise à mal à la suite de la mort de Stephen Lawrence dans le cadre d'un contrôle de police. À l'époque, le ministre de l'intérieur avait mis en place une commission d'enquête parlementaire. Son rapport avait souligné un certain nombre de dysfonctionnements au sein des services de police, aboutissant notamment à la recommandation de créer un organe indépendant. En 2004 a été mise en place l' Independent Police Complaints Commission, mais cette structure s'est rapidement révélée insuffisante malgré le renforcement des financements.

Depuis cette époque, le nombre de dossiers traités a augmenté. La structure de base de l'IPCC, composée de 6 commissaires, s'est révélée trop restreinte. Elle était dépassée et ne fonctionnait plus.

En 2018, nous avons décidé de revoir complètement cet organe et de concentrer les pouvoirs aux mains d'un directeur général. En tant que directeur général, je suis entouré d'un comité exécutif composé de six membres et d'un bureau dont le rôle est de m'aider et de remettre en question mon travail. L'IOPC émet ses recommandations dans un cadre réglementé. La compétence de l'IOPC couvre toutes les forces de police de Grande-Bretagne et du Pays de Galles, soit environ 130 000 policiers. Nous employons plus de 1 000 salariés et disposons de bureaux locaux dans tout le territoire national.

Nous sommes compétents pour traiter toutes les accusations de dommages corporels ou de blessures perpétrées par les forces de police, en cas de décès des suites d'interventions policières, et, de manière générale, pour tous les comportements déplacés et pratiques illicites au sein de la police (corruption, etc.). L'année dernière, nous avons ouvert 718 nouveaux dossiers. Chaque enquête se conclut par un rapport. Si nous estimons que les pièces du dossier donnent matière à engager une poursuite pénale, nous le transférons à une institution judiciaire qui décidera, en toute indépendance, de l'opportunité d'engager des poursuites. Il nous arrive aussi de renvoyer l'affaire à la police pour qu'elle applique elle-même des sanctions disciplinaires (un blâme ou un licenciement, par exemple). La personne poursuivie est alors auditionnée par les services de police. Quelquefois, nous constatons que le policier n'a pas véritablement agi de manière répréhensible, mais il doit être rééduqué, remis sur le droit chemin.

Aux yeux de l'IOPC, une plainte est l'expression d'une insatisfaction envers les services rendus par les forces de police. Le périmètre des plaintes est très conséquent. La faculté de faire appel est ouverte aussi bien au plaignant qu'aux forces de police. Chaque plainte, dont il est établi qu'elle est fondée, bénéficie ainsi d'une enquête et d'un droit d'appel. Près d'un tiers des plaintes déposées l'année dernière a abouti à une enquête et à des poursuites.

L'IOPC est aussi composée de représentants de la police (environ un quart des effectifs), mais ceux-ci n'occupent aucun des postes exécutifs et décisionnaires. J'ai été nommé par la reine d'Angleterre et je suis indépendant du gouvernement. Cela ne nous empêche pas de passer du temps sur le terrain, dans les commissariats, afin de discuter avec des officiers de police et de comprendre de l'intérieur la pression à laquelle ils sont confrontés. Cela permet de resituer les incidents dans leur contexte.

Il est important que la police discute avec les jeunes, avec les Noirs et les personnes issues des communautés ethniques pour instaurer un climat de confiance réciproque. Il existe aussi au Royaume-Uni ce que l'on appelle le « délit de sale gueule ». Les policiers arrêtent des personnes sans raison valable, simplement parce qu'elles se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment – surtout quand elles sont issues de l'immigration. Ce sont ces mêmes personnes qui sont aussi plus souvent victimes du taser. Quand un dysfonctionnement se produit de manière intentionnelle, les policiers doivent rendre des comptes ; il est important que ce processus soit caractérisé par la transparence et la responsabilisation des forces de police. Nous remplissons également une mission préventive, permettant aussi d'éviter l'usure morale des forces de police qui se traduit par un taux de suicides très élevés en leur sein.

Depuis deux ans, je fais en sorte que l'IOPC passe plus de temps auprès des jeunes issus des communautés notamment ceux qui sont connus des services de police et de la justice, pour comprendre leurs préoccupations et instaurer un climat de confiance avec la police. Nous avons notamment travaillé avec les jeunes des communautés africaines. Nous avons évoqué ensemble la confiance, les contrôles, les fouilles et la question du « racisme institutionnel ». En deux ans, nous sommes parvenus à de très bons résultats et à regagner un certain niveau de confiance des populations, en particulier d'origine africaine. Nous partions quasiment de zéro. Nous avons également amélioré la rapidité de nos actions. Les retours de nos personnels sont aussi excellents. Depuis, l'autorité de la police est mieux respectée qu'auparavant.

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