Intervention de Michael Lockwood

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Michael Lockwood, directeur général de l'Independant Office for Police Conduct :

. Vous avez questionné l'indépendance de notre inspection. Cette question est de toute première importance ; elle a ses défenseurs et ses détracteurs. Ce qui nous semble le plus important est d'insuffler parmi les forces de police un sentiment de responsabilité à l'égard des communautés, principalement les communautés noires.

Comment faire savoir aux populations que les contrôles sont indépendants et impartiaux ? Il faut pour cela instaurer de la confiance, de façon à ce que si une intervention se passe mal ou si un acte délibéré est établi, le public ait la garantie que les personnes concernées soient tenues responsables de leurs actes. L'indépendance est garantie par le fait que le directeur de l'IOPC ne peut avoir travaillé pour la police et j'ai appliqué la même règle à mes équipes afin que nous n'apparaissions pas comme étant partiaux face aux affaires. Les anciens policiers travaillant pour l'institution (de 20 % à 25 % des fonctionnaires de l'IOPC, ce qui est relativement peu), qui mènent des enquêtes, n'ont pas de pouvoir de décision. Je réponds directement au Parlement, qui peut à tout moment me demander de rendre des comptes sur mon travail. Ces choix d'organisation expliquent que notre organisation bénéficie d'une grande confiance de la part du public.

La face négative de cette médaille est que nous sommes des cavaliers solitaires. Nous travaillons seuls et ne pouvons pas satisfaire tout le monde. Nos détracteurs prétendent que nos enquêteurs ne sont pas assez qualifiés. Bien sûr, l'indépendance ne signifie pas que je sois entièrement coupé des forces de police : je réfute cette idée car je suis en contact avec les directeurs généraux et les policiers pour comprendre les défis et les pressions auxquels ils sont confrontés. Il s'agit pour moi de gagner la confiance et le respect, à la fois du côté de la population et du côté de la police. Je ne veux pas être considéré comme un lointain satellite.

Vous m'avez également interrogé sur certaines pratiques soupçonnées de discriminations raciales, comme les contrôles au faciès. Au Royaume-Uni, le mouvement Black lives matter a largement relayé les préoccupations des communautés. Une majorité de policiers fait bien son travail et est soucieuse du bien-être des populations, mais je dois être informé des dysfonctionnements éventuels. Nous appliquons au Royaume-Uni le concept de la proportionnalité : les réactions des forces de police doivent être proportionnées par rapport au cas qu'elles traitent. Les discriminations raciales au sein de la police existent, j'ai pu le constater. La police est majoritairement blanche, seules 8 % à 10 % des forces de police britannique sont issues de communautés ethniques, et cette proportion est plus faible encore chez les directeurs généraux : la police ne reflète donc pas les communautés qu'elle est censée servir. Cela provoque beaucoup de mépris. Les officiers de police noirs sont plus rarement promus que les autres : seulement 9 directeurs généraux noirs occupent des postes élevés dans la hiérarchie dans tout le Royaume-Uni.

Les communautés LGBTQI (lesbiennes, gays, bi, trans, queers et intersexes), noires, Roms, les gens du voyage, peuvent être l'objet de discriminations – je ne peux pas le tolérer.

Pourquoi est-ce le cas ? Nous nous rendons compte qu'énormément de Noirs sont la cible de contrôles, de fouilles et de l'utilisation du taser. 20 % des cas d'utilisation du taser concernent les populations noires. Je crois que ces chiffres sont anormaux et disproportionnés, malgré les théories qui essaient de les expliquer de manière rationnelle. Très souvent, dans l'esprit des forces de police, les personnes noires sont associées à la délinquance et notamment au trafic de drogue. Il faut interroger ces images. Nous devons discuter avec les communautés qui sont la cible de ces pratiques et les associer aux formations qui sont dispensées aux forces de police, de manière à ce que les deux parties échangent et se comprennent. Pour cela, il ne faut pas éluder la question ni fuir la discussion, mais la traiter de front. Nous nous rendons compte qu'au Royaume-Uni, la distance s'est creusée entre la population et les forces de police au fil des années. Il faut rétablir une proximité. Il faut pour cela que les populations voient, chaque jour, le même visage. Les policiers doivent, eux, comprendre les expériences de vie des populations et leurs préoccupations. Ma première recommandation serait de voir les problèmes en face et d'associer à leur résolution les personnes qui en sont victimes.

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