Intervention de Jean-Luc Primon

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Jean-Luc Primon, sociologue, maître de conférences à l'université Côte d'Azur, chercheur et directeur adjoint de l'unité mixte de recherches Migrations et société (URMIS), chercheur associé à l'Institut national d'études démographiques (INED) :

. Je souhaite d'abord rappeler un certain nombre d'éléments factuels sur les écarts de situation qu'accusent certaines catégories de descendants d'immigrés dans l'accès à l'emploi. Je m'appuie pour cela sur des données d'enquêtes du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) sur l'insertion professionnelle. Depuis les années 1990, ces enquêtes introduisent progressivement des questions sur l'origine migratoire et nationale des personnes en remontant aux parents par la méthode généalogique – le Céreq a joué un rôle précurseur en la matière.

Les résultats de ces enquêtes montrent des écarts importants de formation et de diplôme en fin d'études selon les origines. Les descendants d'immigrés sont surreprésentés parmi les élèves sortant du système éducatif non diplômés – ce résultat est une constante depuis 25 ans, c'est-à-dire depuis que ces enquêtes existent. De la même manière, les descendants d'immigrés, notamment nord-africains, accèdent moins rapidement à l'emploi. En conséquence de ces difficultés, ces jeunes souffrent d'une situation de sur-chômage.

Très tôt à la fin des années 1990 a été formulée l'hypothèse d'une discrimination sélective à l'entrée sur le marché du travail. Les observations menées par la suite (notamment via les testings ) ont conforté cette hypothèse. Les descendants d'immigrés ne sont pas tous victimes de ces barrières – elles concernent certaines catégories d'entre eux, majoritairement les descendants d'immigrés d'origine nord-africaine et subsaharienne.

Au début des années 2010 a été avancée l'hypothèse d'une double pénalité : non seulement ces jeunes font face à des difficultés d'accès à l'emploi, mais ils subissent également une différenciation importante en termes de qualité des emplois.

Enfin, les jeunes descendants d'immigrés accusent une forte vulnérabilité aux variations de conjoncture économique et à la raréfaction de l'emploi – cela a été notamment révélé par la crise de 2008.

Je projetterai quatre graphiques pour illustrer mes propos. Ces graphiques représentent le taux d'emploi des hommes non diplômés sortis du système éducatif. Les graphiques des années 1992, 1998 et 2004 montrent des écarts très importants entre le taux d'emploi des Français d'origine et celui des descendants d'immigrés, qui ne convergent pas sur le temps long. Au contraire, l'on remarque un décrochage en fin de période (après 3 ou 4 ans) en raison d'effets de conjoncture et de la fin des dispositifs d'aide à l'emploi dont ces jeunes bénéficiaient. Le graphique de 2010 donne à voir l'effondrement des taux d'emploi des jeunes non diplômés suivant la crise de 2008. Cette fois-ci, les taux d'emplois de toutes les catégories se rejoignent. La difficulté de l'accès à l'emploi est bien durable et relève d'un phénomène structurel.

Pour conclure, le Céreq enquête régulièrement sur le ressenti des personnes en matière de discrimination à l'embauche. Ce graphique de 2016 donne à avoir le ressenti des jeunes diplômés en 2013, c'est-à-dire trois ans après la fin des études : près d'un quart des descendants d'immigrés dont les deux parents sont étrangers se sentent discriminés au moment de leur insertion professionnelle.

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