Intervention de Saïd Hammouche

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk :

. Je représente la structure nouvelle de la Fondation Mozaïk. Cette structure est issue de la transformation, grâce à la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), de l'association Mozaïk RH en une fondation actionnaire dotée d'une entreprise de mission. Notre vocation est d'aider les entreprises publiques ou privées à s'enrichir des talents issus de la diversité sociale, culturelle et ethnique. Nous employons aujourd'hui 70 collaborateurs dans 5 régions de France. Nous animons une plateforme numérique qui automatise la mise en relation entre des populations discriminées et des entreprises qui expriment le souhait de les recruter.

Un sondage récent montre que 86 % des Français estiment que la diversité ethnique est un atout dans le monde du travail. De la même manière, selon le baromètre AssessFirst, 97 % des recruteurs considèrent que la diversité est importante dans le succès d'une entreprise et est fortement corrélée à sa performance économique.

Mon point de vue est donc le suivant : le racisme existe, mais il n'est pas systémique. Nous avons créé une structure de recrutement car nous avons besoin de traiter ces questions de racisme, de préjugés et de discriminations à l'emploi, puisque cela se traduit ainsi. Nous pensons donc aujourd'hui que le racisme, s'il existe, est forcément inconscient.

Les chiffres compilés par l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) montrent que le taux de chômage des diplômés (titulaires d'un Bac+2 et davantage) des QPV est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Cela traduit les difficultés rencontrées par les jeunes disposant d'un bon niveau d'autonomie – ce sont des jeunes diplômés, insérés dans le système éducatif, qui ne nourrissent pas de complexe particulier par rapport à leur identité et qui ont confiance en la méritocratie. Pourtant, ces jeunes sont victimes du chômage et des discriminations.

Les résultats des testings menés depuis plusieurs années alertent sur le fait que la méritocratie est en danger. Il est très dommage, quand autant d'efforts sont déployés pour construire un système éducatif idéal et pour faire progresser une jeunesse issue de classes populaires et de l'immigration, que ces jeunes ne soient pas traités à compétences égales dans un processus de recrutement. Ces mécanismes sont ensuite renforcés dans les strates de l'entreprise : plus l'on progresse dans l'entreprise, plus les minorités sont absentes des échelons décisionnaires. Nous faisons face à un problème de fond sur ces questions.

Aucune politique publique relevant du droit commun ne traite des discriminations à l'emploi. Cela amène une attitude de fermeture à s'installer au sein de cette jeunesse, qui les place en rupture avec la méritocratie. Cela explique que la victimisation s'installe et qu'elle puisse rendre ces jeunes réceptifs aux discours de radicalisation qui les ciblent.

Nous avons besoin d'œuvrer à la prise de conscience des biais que nous appliquons tous à un certain moment. Il est important de se demander comment les identifier puis comment les corriger. Pourrait-on imaginer demain donner des outils à tous les citoyens afin de détecter leurs propres biais ? Cela participera à réinventer les politiques de lutte contre les discriminations qui atteignent, aujourd'hui, leurs limites. Dans les années 1970 et 1980, les populations immigrées arrivaient très nombreuses. La situation d'alors créait un rapport à l'intégration complètement différent de notre situation aujourd'hui, qui a vu naître des enfants de deuxième et troisième générations qui ne connaissent aucun problème d'intégration – ils souffrent seulement d'un problème de connexion avec le monde économique. En raison des préjugés et des dysfonctionnements du système public de l'emploi, les difficultés s'aggravent et les jeunes désœuvrés sont laissés à eux-mêmes : des standards se renforcent alors qui viennent à leur tour conforter les préjugés. Je suis favorable à l'idée de suivre un principe d'anticipation plutôt qu'un principe de réparation.

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