Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • diversité
  • racisme
  • recrutement
  • testing
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La réunion

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La mission d'information organise une table ronde réunissant M. Saïd Hammouche président de la Fondation Mozaïk ; M. Éric Cédiey, directeur général d'Inter services migrants Centre d'observation et de recherche sur l'urbain et ses mutations (ISM CORUM) ; Mme Maya Hagege déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD), et Mme Dorothée Prud'homme, responsable des études.

La séance est ouverte à 17 heures 30.

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. La présente mission d'information a été créée par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2019. À l'issue de nos travaux, nous présenterons un rapport qui dressera un état des lieux des formes de racisme et proposera des mesures et des pistes de réflexion pour rendre plus effective la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions. Votre expérience et votre recul nous seront précieux.

Nous poursuivons nos échanges sur les politiques de l'emploi. Nous aborderons les moyens de remédier aux discriminations et aux inégalités constatées en manière d'accès à l'emploi et de rémunération entre les personnes blanches et les minorités.

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. Depuis plusieurs mois, nous avons auditionné de nombreux universitaires, chercheurs, associations et acteurs institutionnels. Nous abordons maintenant un cycle d'auditions qui concerne plus particulièrement les enjeux concrets de l'emploi et de la carrière. Nous avons constaté un réel biais en matière d'accès à l'emploi et de progression de carrière – ces promesses ne se réalisent pas de la même manière selon qu'on est une personne de couleur ou que l'on ne l'est pas.

Je souhaiterais que vous nous expliquiez les solutions que vous avez déployées, et que vous insistiez sur ce que vous souhaiteriez que le législateur ou la puissance publique mette en œuvre pour faciliter vos actions. Nous accueillons toutes vos idées pour combattre le fléau de ces inégalités persistantes.

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Maya Hagege, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

. Notre association est née de la volonté de neuf managers de grandes organisations de créer un lieu d'échanges sur les questions de diversité, y compris la diversité ethno-raciale et la diversité sociale. Nous rassemblons aujourd'hui 140 organisations (entreprises, collectivités, grandes écoles, universités, ministères). Nous menons des travaux de fond sur toutes les questions de diversité, et nous nous efforçons pour cela de créer un pont entre le monde académique et le monde du travail sur ces questions.

J'illustrerai mon propos en vous présentant un outil que nous avons créé et qui a joué ce rôle de pont entre la recherche et le terrain. Notre méthodologie de travail consiste d'abord à comprendre les enjeux et à dresser un état des lieux. Nous avons pour cela rassemblé 16 organisations. Elles ont identifié les domaines dans lesquels il était possible et important d'agir s'agissant des discriminations sur le marché du travail. Nous avons alors lancé une enquête qualitative, dont je vous livrerai les principaux enseignements.

Le premier constat est la pluralité des manifestations de racisme dans le monde du travail. Celui-ci peut apparaître aussi bien dans le recrutement, la relation avec la clientèle, le travail en équipe au quotidien que l'évolution de carrière.

Nous avons également constaté que de plus en plus d'organisations mettent en place des cellules de traitement des réclamations ayant pour motif la discrimination, mais que celles-ci recueillent encore peu de remontées ayant trait au racisme et à la discrimination raciale.

Ensuite, les recours identifiés par les personnes victimes de racisme et de discrimination raciale prennent différentes formes – ils peuvent notamment être internes ou externes. S'agissant des retours internes, nous remarquons que l'existence d'une cellule d'écoute ou de traitement est essentielle pour rendre visible les situations de discrimination mais n'est pas suffisante pour lutter réellement contre le racisme. Ainsi, mettre en place des dispositifs de remontée de l'information n'est pas suffisant.

C'est pourquoi notre enquête formule, en conclusion, cinq recommandations qui prennent la forme suivante : oser, mesurer, former, réagir et sanctionner. Je vous présenterai des pratiques d'organisation qui répondent à ces cinq recommandations.

Avant cela, je souhaitais vous faire passer certains messages qui sont à la base de l'action de notre association. À nos yeux, les politiques publiques entretiennent un amalgame selon lequel agir dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est agir contre le racisme. Les politiques publiques entretiennent l'idée selon laquelle des actions telles que mettre en place des tutorats, organiser des actions de recrutement dans les quartiers, permettent d'intégrer ces personnes et de lutter contre le racisme. Elles orientent donc les entreprises à agir dans cette direction. Or, tout cela n'est pas lutter contre le racisme. Nous constatons, à travers nos échanges avec elles, que les entreprises commencent à comprendre que la politique de la ville, tout comme les dispositifs de mobilité internationale, permettent de diversifier le sourçage (sourcing) mais pas de lutter directement contre le racisme et la discrimination raciale. Un travail de complémentarité est essentiel afin de ne pas concentrer toutes les actions dans les QPV.

Le second message important est que contrairement aux idées reçues, et malgré le peu de remontées qu'enregistrent les cellules d'écoute, certaines organisations se sont réellement emparées du sujet du racisme et de la discrimination raciale. Elles peuvent être engagées sur ces questions de longue date aussi bien que très récemment – à cet égard, le mouvement Black lives matter a connu un réel écho dans les entreprises en France. Nous assistons donc à une prise de conscience des entreprises des difficultés auxquelles elles font face pour traiter ce sujet. Ces difficultés relèvent d'abord d'un manque d'information : très peu d'entreprises savent ce qu'elles ont le droit de faire en matière de mesure, ou ce qu'elles ont le droit de communiquer au sujet de la diversité. Par conséquent, les entreprises qui s'engagent en menant des actions dédiées communiquent peu voire ne communiquent pas, car elles ont peur d'être pointées du doigt pour diverses raisons. Nous regrettons donc une très faible communication des employeurs sur la thématique de la lutte contre le racisme et les discriminations raciales. L'AFMD occupe également le rôle d'orienter les entreprises dans leur constat, de les guider dans les réponses à y apporter et de co-construire des outils internes. Ces premiers résultats sont très encourageants.

Enfin, il est très difficile d'évaluer l'impact des initiatives, même celles mises en place de longue date, sur une baisse réelle du racisme. Ces initiatives ont permis d'affiner l'état des lieux des entreprises, d'améliorer et de renforcer leurs procédures internes – elles doivent encore être traduites à l'externe.

Je reviendrai donc sur les pratiques pertinentes (dont certaines d'entre elles sont encore expérimentales) au regard des cinq recommandations que nous avons formulées. La première recommandation consiste à oser dédier un axe à la lutte contre le racisme au sein de la politique diversité de l'entreprise. Plusieurs entreprises ont pu décider de, par exemple, créer un groupe interne de discussion entre salariés sur le sujet ou de mettre en place un plan d'actions à « 360 degrés » incluant des formations sur le racisme et les biais inconscients, un travail sur le recrutement, un soutien à des role models – et ces entreprises communiquent sur le sujet en tant que tel. Il est également possible de mettre en place une communication interne plus inclusive et plus représentative de ses salariés.

Notre deuxième recommandation porte sur la mesure du phénomène de racisme et de discrimination raciale. Beaucoup d'entreprises déploient des testings sollicités mais ne communiquent pas à ce sujet. Elles peuvent également développer des autodiagnostics, c'est-à-dire des outils de mesure qualitatifs comme des baromètres de climat social ou des baromètres spécifiquement dédiés à la question de la diversité.

S'agissant de la formation, des pratiques de formation extrêmement différentes coexistent. Certaines organisations choisissent de mener des actions de sensibilisation (par exemple par des tests d'association implicite), ou de former seulement les métiers les plus exposés à comment réagir au racisme, ou de mettre en place des cycles de conférences, ou encore de créer des réseaux internes sur le sujet des origines.

Il convient également de savoir réagir. De plus en plus de guides sont développés et mis à disposition pour savoir comment réagir aux blagues et aux comportements à caractère raciste.

Enfin, nous recommandons de sanctionner. L'invisibilisation du sujet du racisme et des discriminations raciales amène beaucoup de tensions et constitue un frein à davantage de progrès. Une initiative de plus en plus répandue consiste à publier un rapport éthique d'entreprise : celui-ci recense tous les signalements et permet donc de rendre visibles les situations de racisme.

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Éric Cédiey, directeur général d'Inter services migrants Centre d'observation et de recherche sur l'urbain et ses mutations (ISM CORUM)

. ISM CORUM est une association indépendante basée à Lyon, qui développe depuis plus de vingt ans des activités de bureau d'études et de formation pour l'égalité et contre les discriminations. Nous travaillons avec des employeurs privés ou publics et des intermédiaires de l'emploi, avec des collectivités territoriales sur les politiques qu'elles mènent dans leurs territoires et également en tant qu'employeurs, avec des bailleurs sociaux et des acteurs privés du logement, et dans une moindre mesure avec des acteurs de l'éducation, de la santé, des réseaux associatifs, des syndicats de salariés et patronaux.

Tous ces acteurs ont la responsabilité qu'aucune discrimination ne soit produite. Mais ils sont malgré tout confrontés au risque d'en produire, d'en alimenter ou de les laisser perdurer – qu'ils en soient conscients, ou non. Notre objectif est que ces acteurs puissent faire évoluer leurs pratiques et leurs politiques afin de mieux prévenir et de mieux lutter contre ces discriminations. Pour ce faire, ISM CORUM propose des formations, du conseil et de l'accompagnement des acteurs dans l'évolution de leurs pratiques, et souvent des exercices de mesure.

Ces mesures vont rendre visibles des discriminations dont les acteurs, souvent, n'avaient pas conscience. Cela permet de les responsabiliser et de guider leur action en les renseignant aussi précisément que possible sur les situations dans lesquelles des discriminations se manifestent dans leur organisation, ou au contraire les renseigner sur leurs éventuelles bonnes pratiques pour prévenir ces discriminations. Ces mesures, enfin, méritent d'être renouvelées pour soutenir l'action dans la durée et pour évaluer les progrès obtenus grâce à des indicateurs.

ISM CORUM produit des mesures des discriminations, y compris les discriminations en raison de l'origine réelle ou supposée des personnes, en mobilisant trois méthodes : des enquêtes de perception, menées par exemple auprès des salariés d'un employeur ; des testings, qui s'appuient le plus souvent sur la consonance des noms et des prénoms ; des analyses statistiques de données réelles comme celles issues d'un fichier du personnel ou d'un fichier de demandes de logement social, qu'ISM CORUM exploite également selon la consonance des noms et des prénoms en appliquant une méthodologie et des procédures visées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Les discriminations liées à l'origine soulèvent des questions spécifiques sur la définition et l'usage des catégories. Des réponses existent d'ores et déjà à droit constant et sont valables scientifiquement et juridiquement. Je vous en donnerai deux exemples concrets.

Une entreprise commande à ISM CORUM une grande série de tests sur les risques de discrimination raciale dans ses propres recrutements : il s'agit d'un testing sollicité. Cette entreprise nous commande des tests sur différents métiers, à différents niveaux hiérarchiques et répartis sur différents établissements de son réseau. Les résultats de ce testing ne sont pas tous bons. L'entreprise engage des actions organisationnelles et managériales qu'elle espère correctrices. Puis, trois ans après, elle nous commande un testing identique : il porte sur les mêmes métiers, les mêmes niveaux hiérarchiques et la même répartition entre les établissements. Nous mesurons que les écarts discriminatoires enregistrés se sont significativement réduits.

ISM CORUM conduit l'analyse statistique prenant en compte la consonance des noms et des prénoms d'un fichier de demande d'attribution des logements chez un bailleur social. Nous identifions des situations où des écarts discriminatoires se manifestent. Le bailleur met en place une grille et un logiciel de cotation automatisée des logements ainsi qu'une règle d'anonymisation des demandes présentées en commission d'attribution. ISM CORUM reproduit les mêmes analyses statistiques et mesure que les écarts discriminatoires se sont fortement réduits.

Les difficultés que peuvent rencontrer ces travaux ne sont pas tant techniques, scientifiques ou juridiques (bien qu'ils requièrent, sur ces trois domaines, de l'expertise et beaucoup de rigueur) – elles sont bien plutôt d'ordre politique. Les résultats de ces mesures interpellent la responsabilité d'agir contre les discriminations. Elles appellent à un portage politique fort des responsables à la tête de l'entreprise, de la collectivité territoriale ou de l'organisation en question, à de la clarté dans l'identification du problème, à une responsabilité forte pour le traiter et à de la constance dans le temps. Ces organisations, si elles peuvent améliorer leurs résultats de mesure par des solutions d'organisation et de management internes, restent pour partie dépendantes d'un contexte. Il faut donc que les discours et les politiques publics et privés d'ordre général soient eux aussi clairs, responsables et constants sur le sujet.

Une seconde limite provient du fait que les démarches liées aux discriminations doivent changer d'échelle. Il faut trouver les voies d'une généralisation et aller au-delà du volontariat de certaines organisations – cela passe aussi sans doute par l'intervention des pouvoirs publics et du législateur. L'on peut tirer des perspectives et des enseignements sur ce sujet des réussites de la lutte contre les discriminations dans l'emploi entre les femmes et les hommes (par exemple, les rapports de situation comparée et l'index de l'égalité professionnelle). L'on peut rendre plus prégnant le sujet des discriminations liées à l'origine dans les normes d'action et de reporting de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et plus généralement des organisations.

Pour conclure, les outils existent, ils prouvent des résultats et votre mission peut sans doute proposer un cadre pour mieux les déployer.

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Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk

. Je représente la structure nouvelle de la Fondation Mozaïk. Cette structure est issue de la transformation, grâce à la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), de l'association Mozaïk RH en une fondation actionnaire dotée d'une entreprise de mission. Notre vocation est d'aider les entreprises publiques ou privées à s'enrichir des talents issus de la diversité sociale, culturelle et ethnique. Nous employons aujourd'hui 70 collaborateurs dans 5 régions de France. Nous animons une plateforme numérique qui automatise la mise en relation entre des populations discriminées et des entreprises qui expriment le souhait de les recruter.

Un sondage récent montre que 86 % des Français estiment que la diversité ethnique est un atout dans le monde du travail. De la même manière, selon le baromètre AssessFirst, 97 % des recruteurs considèrent que la diversité est importante dans le succès d'une entreprise et est fortement corrélée à sa performance économique.

Mon point de vue est donc le suivant : le racisme existe, mais il n'est pas systémique. Nous avons créé une structure de recrutement car nous avons besoin de traiter ces questions de racisme, de préjugés et de discriminations à l'emploi, puisque cela se traduit ainsi. Nous pensons donc aujourd'hui que le racisme, s'il existe, est forcément inconscient.

Les chiffres compilés par l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) montrent que le taux de chômage des diplômés (titulaires d'un Bac+2 et davantage) des QPV est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Cela traduit les difficultés rencontrées par les jeunes disposant d'un bon niveau d'autonomie – ce sont des jeunes diplômés, insérés dans le système éducatif, qui ne nourrissent pas de complexe particulier par rapport à leur identité et qui ont confiance en la méritocratie. Pourtant, ces jeunes sont victimes du chômage et des discriminations.

Les résultats des testings menés depuis plusieurs années alertent sur le fait que la méritocratie est en danger. Il est très dommage, quand autant d'efforts sont déployés pour construire un système éducatif idéal et pour faire progresser une jeunesse issue de classes populaires et de l'immigration, que ces jeunes ne soient pas traités à compétences égales dans un processus de recrutement. Ces mécanismes sont ensuite renforcés dans les strates de l'entreprise : plus l'on progresse dans l'entreprise, plus les minorités sont absentes des échelons décisionnaires. Nous faisons face à un problème de fond sur ces questions.

Aucune politique publique relevant du droit commun ne traite des discriminations à l'emploi. Cela amène une attitude de fermeture à s'installer au sein de cette jeunesse, qui les place en rupture avec la méritocratie. Cela explique que la victimisation s'installe et qu'elle puisse rendre ces jeunes réceptifs aux discours de radicalisation qui les ciblent.

Nous avons besoin d'œuvrer à la prise de conscience des biais que nous appliquons tous à un certain moment. Il est important de se demander comment les identifier puis comment les corriger. Pourrait-on imaginer demain donner des outils à tous les citoyens afin de détecter leurs propres biais ? Cela participera à réinventer les politiques de lutte contre les discriminations qui atteignent, aujourd'hui, leurs limites. Dans les années 1970 et 1980, les populations immigrées arrivaient très nombreuses. La situation d'alors créait un rapport à l'intégration complètement différent de notre situation aujourd'hui, qui a vu naître des enfants de deuxième et troisième générations qui ne connaissent aucun problème d'intégration – ils souffrent seulement d'un problème de connexion avec le monde économique. En raison des préjugés et des dysfonctionnements du système public de l'emploi, les difficultés s'aggravent et les jeunes désœuvrés sont laissés à eux-mêmes : des standards se renforcent alors qui viennent à leur tour conforter les préjugés. Je suis favorable à l'idée de suivre un principe d'anticipation plutôt qu'un principe de réparation.

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. Je vous remercie. Selon vous, faudrait-il encourager le recrutement des minorités par les mêmes moyens qui ont encouragé le recrutement des femmes ? Je pense notamment à l'obligation d'inclure un certain pourcentage de personnes issues des minorités au sein des conseils d'administration, comme cela est le cas pour les femmes – en d'autres mots, il s'agit de mettre en place une discrimination positive. Connaissez-vous des exemples positifs de cette initiative à l'étranger ?

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. Vous avez évoqué le testing. Celui-ci devrait-il être rendu obligatoire ? Une association qui mène une opération de testing ne pourrait-elle pas conduire une action en justice pour faire peser un risque de sanction sur le comportement discriminant qu'elle constate ?

Nous avons évoqué le CV anonyme lors de notre table-ronde de ce matin sur l'emploi. Qu'en pensez-vous ? Il me semble que vous préférez persuader de la richesse que représente la diversité en entreprise.

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Éric Cédiey, directeur général d'Inter services migrants Centre d'observation et de recherche sur l'urbain et ses mutations (ISM CORUM)

Plusieurs types de testings existent, dont découlent des différences techniques de réalisation. Le type de testing que j'ai évoqué dans ma présentation et que pratique ISM CORUM ne peut pas donner lieu à une utilisation judiciaire. Sa pratique est encadrée par le droit français : les candidatures sont fictives et n'ouvrent pas à une victime physique le droit de porter plainte.

Votre question appelle à un autre type de testing, le testing à visée judiciaire. Des associations comme SOS Racisme ou la Maison des potes ont déployé cette pratique qui apporte la preuve d'une discrimination. La puissance publique apporte des financements au développement des testings du premier type. Qu'elle apporte un soutien financier au testing du second type pourrait être une bonne chose – bien que cette solution puisse sans doute soulever des questions légales qu'il sera nécessaire d'explorer. Le testing à visée judiciaire fait partie des outils à notre disposition pour faire reculer les discriminations – il y a toute sa place, utilisé en complémentarité avec d'autres outils. Allouer davantage de moyens pour développer toute la gamme de ces outils serait bienvenu.

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Maya Hagege, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

Il convient également de trouver des moyens d'encourager les entreprises à mesurer les écarts de traitement par différents outils ( testings sollicités, diagnostics ou autodiagnostics).

Proposer des quotas, comme il en existe sur la base du genre, me paraît aventureux. Cela suppose de définir des catégories d'origine ethnique : parle-t-on de la nationalité ? Parle‑t‑on du niveau de descendance – et si oui, de quel niveau parle-t-on ? Il me semble que s'engager dans ce genre de débats ne contribuerait pas à faire reculer le racisme.

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Dorothée Prud'homme, responsable des études de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

. Il est certain que les organisations qui mettent en place des testings sur le critère de l'origine bénéficient d'un état des lieux enrichissant qui leur permet d'orienter efficacement leurs actions. Il faut cependant garder en tête que les testings ne concernent que le processus de recrutement – et qui plus est, seulement la première partie du processus de recrutement. Or, le racisme et les discriminations raciales au travail se manifestent tout au long de la carrière et de différentes façons. Le recours aux testings à visée judiciaire ne permettrait donc pas de mettre un terme au racisme et aux discriminations raciales vécus par les personnes déjà en emploi.

Le principal enseignement de notre enquête est que les manifestations du racisme au travail sont invisibilisées. La plupart du temps, les personnes victimes de racisme et de discriminations raciales s'adressent à leurs supérieurs hiérarchiques pour en discuter. Or, ceux-ci ont peur d'être considérés comme de mauvais managers s'ils font état d'un problème de racisme ou de discrimination raciale dans leur équipe. Ils se retrouvent donc seuls à gérer ce type de situations qu'ils connaissent mal car ils ne sont que très rarement formés à les gérer. Les managers ne sont d'ailleurs jamais évalués que négativement sur la gestion de ce type de situations – il n'y a jamais de prime au bon management d'une situation conflictuelle au motif de racisme ou de discrimination raciale.

À mon sens, la proposition de systématiser les testings ainsi que de mettre en place des quotas ethniques revient – encore une fois – à prendre le problème sous l'angle du sourcing plutôt que de le traiter sous l'angle du racisme et de la discrimination raciale tels qu'ils se manifestent dans les organisations.

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Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk

. J'ai constaté qu'il était très difficile de sortir du déni sans avoir recours à un outil. Le fait de constater l'existence d'un problème permet de mettre en lumière les dysfonctionnements existants puis d'y répondre. Je suis favorable à la généralisation du testing des processus de recrutement – il constitue un outil fondamental qui permet de faire bouger les lignes. Mais il est très important, en parallèle, de mettre en lumière les bonnes pratiques : elles constituent une source d'inspiration et permettent d'activer une dynamique positive autour des questions de diversité. Il faut donc à la fois mettre la lumière sur les solutions qui fonctionnent et aider les entreprises à prendre conscience de leurs dysfonctionnements.

Je remarque que les questions de racisme et de discrimination sont éminemment dépendantes de l'agenda politique. Il faut créer une méthode qui permet de pérenniser ces actions. Nous devons en priorité capitaliser sur toutes les initiatives et la littérature déjà existantes en la matière afin de mieux les diffuser. Il faut également continuer à développer les outils de diagnostic et d'autodiagnostic pour en équiper les parties prenantes. Nous devons faire émerger une politique nationale, appuyée par un outil de pilotage, en matière de racisme et de discriminations. Une cellule devrait agréger la réflexion, la documentation, la méthode sur ces sujets et apporter une visibilité à un mouvement. Je constate que tous les acteurs ont envie d'avancer sur le sujet – mais en l'absence d'une structure et d'outils de pilotage, nous n'arriverons jamais à conduire un changement profond.

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Dorothée Prud'homme, responsable des études de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

Deux testings gouvernementaux menés au cours de ces quatre dernières années ont démontré l'existence de racisme et de discriminations raciales au travail. Personne n'a été très surpris de ces résultats. Sur quelles actions débouchent ces enseignements ? Quand une entreprise sollicite un testing et qu'elle prend connaissance de ses résultats, elle met en œuvre un plan d'action pour corriger la situation. L'impact d'un testing gouvernemental est très différent. Les constats ne débouchent sur aucune action.

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. S'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, un index de l'égalité professionnelle a été mis en œuvre. Il permet d'objectiver très clairement les politiques salariales au sein des entreprises en la matière. Ne pourrait-on pas conduire une réflexion pour traiter le racisme en entreprise de la même manière ?

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Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk

. Nous avons besoin d'accélérer la création d'un index qui permettrait d'objectiver les faits. Je suis absolument favorable à la création d'un index. Pour que les choses bougent, nous devons convoquer de manière simultanée : des dynamiques de mobilisation d'écosystèmes, des outils d'appui au recrutement, des opérations de sensibilisation et de formation, l'accompagnement des candidats en vue d'améliorer leur employabilité et le développement d'un outil de mesure de la diversité accompagné de la définition d'objectifs à atteindre. Il est fondamental de faire émerger un index sur la diversité le plus vite possible.

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Maya Hagege, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

À mon sens, le constat du manque d'outils de pilotage n'intervient pas tant au stade du recrutement que dans les phases suivantes de la vie en entreprise.

L'index présente à mes yeux les mêmes limites que les quotas. Quelles variables utilise-t-on ? S'agit-il de la nationalité, de la couleur de peau, du patronyme, des origines ?

Nous constatons que l'obligation de formation des salariés des entreprises de plus de 300 salariés a été globalement bien suivie par les entreprises mais soulève beaucoup d'interrogations. Quel est le contenu de la formation ? Qui doit y participer ? Plutôt que de créer un outil nouveau, il serait possible de partir des dispositifs existants pour les affiner et les enrichir.

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. Je trouve que l'outil d'autodiagnostic est très intéressant, en ce sens qu'il permet de dresser un état des lieux à la fois du recrutement et des phases suivantes de la vie en entreprise. Je défends l'idée d'intégrer la réalisation d'un autodiagnostic, dont les résultats déboucheront sur des mesures correctives, puis d'un second autodiagnostic pour en vérifier les effets, dans un parcours de progression des entreprises.

Pour conclure, je souhaite recueillir votre avis sur les labels. Il semblerait que ceux-ci s'attachent davantage à mesurer les moyens mis en œuvre que les résultats.

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Maya Hagege, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

L'AFMD a été un fervent défenseur du label « diversité ». Il constitue un outil extrêmement utile pour structurer la politique d'entreprise. Dans le même temps, il est un outil très lourd qui n'est pas à la portée de petites organisations.

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Dorothée Prud'homme, responsable des études de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

Décrocher le label nécessite beaucoup de temps et beaucoup d'argent. Pour cette raison, le label diversité ne s'adresse pas à toutes les organisations.

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Maya Hagege, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité (AFMD)

J'ajoute que le label diversité concerne tous les critères de discrimination et qu'en ce sens, il n'est pas perçu comme un outil de lutte contre le racisme.

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Éric Cédiey, directeur général d'Inter services migrants Centre d'observation et de recherche sur l'urbain et ses mutations (ISM CORUM)

Le label diversité propose un véritable cahier des charges. Il concerne essentiellement, cela est vrai, les moyens à mettre en œuvre et manque d'indicateurs de résultats. Il pourrait également bénéficier d'une vision plus large qui ne se concentrerait pas seulement sur les testings au moment du recrutement – il pourrait, par exemple, s'intéresser aux fichiers de registre du personnel et en mesurer les écarts discriminatoires. Nous devons retenir le principe général du souhait d'évoluer vers des indicateurs et vers un index. Mais un réel travail reste à faire pour considérer l'utilité réelle de ces mesures pour l'action.

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Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk

. J'apporterai un chiffre de conclusion : 50 % des ministères ont adopté le label diversité. Tout est dit.

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. Merci à tous pour cette audition qui nous a apporté des éléments très concrets.

La séance est levée à 18 heures 40.