Intervention de Sarah Massoud

Réunion du mardi 8 décembre 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature :

À défaut de pouvoir supprimer l'article 78-2, on pourrait modifier plusieurs alinéas qui se révèlent sans lien avec la recherche d'une infraction. En effet, cet article prévoit que l'on peut procéder à des contrôles d'identité « quel que soit le comportement » de la personne. Le procureur de la République pourra décider que, durant quarante-huit heures, par exemple le vendredi et le samedi autour de la gare du Nord, sur la place de la République ou dans une rue lyonnaise, et pour près de la moitié des infractions du code pénal, les policiers auront comme un blanc-seing pour contrôler l'identité, sans aucun critère particulier. En pratique, le contrôle n'est encadré par aucun objectif précis et il ne suppose aucun comportement suspect.

On peut considérer l'intérêt qu'en raison d'un travail policier en amont, dans un quartier ou un immeuble, si des informations permettent de penser que des individus s'adonneraient à certaines infractions telles que le trafic de stupéfiants, alors dans un tel cas, pour arriver à de la flagrance ou des interprétations possibles, on ne vise qu'une infraction et on évite de mener des contrôles d'identité de manière extrêmement vaste pour tout autre motif. Sur 100 personnes contrôlées en 48 heures, il y en aura peut-être une qui n'aura rien à voir avec la commission d'une infraction à la législation sur les stupéfiants, mais qui sera contrôlée parce qu'elle est sans papier.

Il conviendrait donc de trouver un équilibre où l'on ne serait pas encore dans le commencement d'exécution d'une infraction (sinon cela relève du régime de la flagrance), mais un peu en amont. En Allemagne, les contrôles d'identité n'interviennent que dans le cadre d'enquêtes préliminaires, ou quand des investigations ont déjà été menées sur une zone ou des personnes identifiées en amont. Ils sont totalement corrélés à l'enquête.

Actuellement, en France, les contrôles d'identité permettent seulement de justifier la présence policière sur la voie publique. On montre la capacité de contrôler les identités, même sans intention de rechercher la détention de stupéfiants ou de détecter des infractions. Pour la population, la présence policière n'est pas nécessairement rassurante sur la voie publique, surtout dans certains quartiers. Au contraire, quand un policier s'adresse à une personne, elle se sent coupable. Les contrôles d'identité sont tellement massifs dans certains quartiers – des dizaines de milliers en Seine-Saint-Denis – qu'ils aggravent les problèmes de confiance entre certaines catégories de la population et la police. Si nous parvenions à rattacher la pratique de l'article 72-2 du code de procédure pénale à des infractions particulières et des investigations menées en amont, nous arriverions à rendre le processus bien moins discriminatoire et à pouvoir recentrer le travail policier sur l'enquête.

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