Intervention de Christine Kelly

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Christine Kelly, journaliste, présidente de la Villa Média :

Premièrement, s'il s'agit de faire le procès d'Éric Zemmour, il faut prendre contact avec lui. Deuxièmement, s'il s'agit de réduire mes trente ans de carrière professionnelle à mon actualité, je trouve cela très malhonnête de votre part à tous. Troisièmement, si l'intitulé de la table ronde était « Pourquoi travaillez-vous avec Éric Zemmour ? », je n'aurais pas pris de mon temps ce matin. Quatrièmement, auriez-vous posé ces mêmes questions à Yves Calvi lorsqu'il travaillait avec Éric Zemmour tous les matins ? Non, vous ne l'auriez pas fait. Auriez-vous posé ces questions à Anaïs Bouton, qui travaille sur Paris Première avec Éric Zemmour une fois par semaine ? Non, vous ne l'auriez pas fait.

La question que je vous renvoie en conséquence, c'est : pourquoi me demander à moi « Pourquoi travaillez-vous avec Éric Zemmour ? » Pourquoi m'interroger sur des questions de déontologie de journaliste que l'on ne pose pas à d'autres ? La question sous-jacente qui est : « Est-ce que parce que je suis noire, je n'ai pas le droit de travailler avec quelqu'un qui a des propos qui peuvent parfois être choquants ? », m'interpelle. Le simple fait d'être stigmatisée par ma couleur de peau par rapport à la fonction que j'exerce aujourd'hui m'interpelle. On doit ici se poser des questions. Si l'on pose la question de la déontologie du journaliste, il faut aussi la poser à tous ceux qui travaillent avec Éric Zemmour. Avez-vous cherché à les joindre ? Les avez-vous interpellés ? Les avez-vous invités à participer à cette table ronde ?

Si vous voulez faire une émission spéciale sur « pourquoi et comment on travaille avec Zemmour », je pense que ma réponse a été très claire dans les propos que j'ai tenus. La base du racisme est là. Le racisme ne va pas que dans un sens, il est aussi caché à travers certaines questions qui sont posées et indirectement c'est aussi du racisme. Pour finir, je le répète : le racisme est caché. Oui, on semble parfois justifier, monsieur le président, le fait que je sois insultée dans tout ce que je fais ; cela ne m'est jamais arrivé de ma vie. Mais dans mon propos liminaire, j'ai dit que pour éradiquer le racisme il faut écouter l'autre, apprendre à écouter l'autre, apprendre à travailler avec l'autre. Il ne faut pas forcément stigmatiser l'autre parce qu'on n'est pas d'accord avec ses propos, avec sa vision de la vie et sa vision des choses. C'est peut-être quelque chose que vous n'avez pas entendu ou pas voulu entendre, mais ça, c'est la base du racisme. Ce n'est pas parce que quelqu'un qui est noir écoute quelqu'un qui peut avoir des propos violents qu'il faut forcément stigmatiser la personne qui travaille avec ce dernier. Je trouve donc ces questions déplacées, parce que vous ne les auriez jamais posées à Yves Calvi ou à Anaïs Bouton.

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