Je suis journaliste et j'étais jusqu'à il y a quelques mois rédacteur en chef de la rubrique « Étranger » de L'Express. Je préside l'association, où je suis bénévole, avec 400 autres journalistes en France. L'association s'est longtemps appelée La Chance aux concours et s'appelle aujourd'hui La Chance, pour la diversité dans les médias. Le cœur de notre action consiste en une préparation (une « prépa »), qui dure huit mois et représente environ 250 heures de formation. Elle est entièrement gratuite et assortie d'aides financières. Elle est ouverte aux seuls étudiants boursiers. Nous avons chaque année près de 300 candidats étudiants boursiers qui souhaitent passer les concours des écoles de journalisme reconnues par la profession. Il existe beaucoup d'écoles de journalisme en France, et beaucoup d'écoles de journalisme qui ne sont pas très bonnes. Parmi toutes ces écoles, 14 sont reconnues par la profession et sont « réputées ».
Nous accompagnons cette année 85 étudiants, pendant huit mois, dans sept villes de France. Ils préparent ces concours. Dans la mesure où La chance a grandi d'année en année, environ un étudiant en journalisme sur dix est aujourd'hui passé par La Chance. Cet étudiant de La chance se retrouve dans une école de journalisme et va, deux ans plus tard, entrer dans la vie active. Cet étudiant boursier de La chance vient souvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville et peut aussi venir des zones rurales isolées. Notre approche de la diversité, notre recrutement, repose avant tout sur un critère social. C'est en cela que nous nous situons peut-être à la marge des travaux de votre mission.
Par ailleurs, je suis d'origine britannique. Je suis né et j'ai grandi, entre les années 1960 et le début des années 1970, au Royaume-Uni, et je suis frappé par une difficulté que je trouve très française qui est de nommer les choses. Le terme « diversité » me paraît terriblement piégeux en français, puisque l'on pense immédiatement à la couleur de peau. C'est une chose qu'il est difficile de qualifier en France puisque cela ne correspond pas à notre histoire, à nos valeurs, et cela nous complique la tâche. À La chance, le critère de cette diversité est avant tout social. En treize ans, nous avons formé des centaines de journalistes, et il est intéressant d'écouter les impressions de ces jeunes, les réactions qu'ils suscitent, à leur arrivée dans des rédactions, parfois du fait de leur couleur de peau, parfois parce qu'ils n'ont « pas les codes », comme ils le disent très souvent.
La chance aide à transformer peu à peu, « par capillarité », les médias, et en particulier les rédactions françaises. Le cœur de notre activité est la prépa, mais nous agissons aussi en amont par le biais de l'éducation aux médias. Nos anciens bénéficiaires sont de jeunes journalistes en début de carrière. Les débuts de carrière journalistiques étant assez compliqués ces temps-ci en France, nous avons mis en place une sorte de cercle vertueux destiné à nos anciens bénéficiaires en priorité. Ainsi, nous les payons pour qu'ils interviennent dans des lycées, des collèges, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans des zones rurales isolées. Ils y parlent, à la première personne du singulier, de leur parcours, des médias, de ce qui différencie les médias des réseaux sociaux, de l'intérêt du travail journalistique, etc. L'objectif est de mieux faire connaître les médias et le journalisme. Il est aussi de susciter des vocations, à terme, parmi ces lycéens et ces collégiens auxquels nous nous adressons.
En aval, nous sommes actifs dans l'aide à l'insertion professionnelle de nos anciens bénéficiaires, puisqu'il ne sert pas à grand-chose de former ces centaines de journalistes si, dans les trois, cinq ou dix ans qui suivent, ils abandonnent le journalisme. Le paysage des médias va en effet mal, et la pandémie n'a rien arrangé. Nous devons donc aussi lutter contre les abandons.