Le sujet des contrôles d'identité est douloureux et donne lieu à beaucoup de réactions négatives, notamment de la part des forces de sécurité. Longtemps, les jeunes et les habitants des quartiers ont dénoncé le fait qu'ils étaient davantage soumis à ces contrôles, mais, en face, leurs propos étaient démentis. On ne disposait pas de données objectives permettant de documenter le phénomène. Seule la fondation Open Society Justice Initiative avait mené une enquête sur ce sujet, publiée en 2009.
En 2017, le Défenseur des droits a publié une enquête très précise sur un échantillon de 5 000 personnes, qui a clairement fait apparaître que ce n'était pas un fantasme. On y lit en effet que 80 % des hommes, au sein de la population générale, déclarent n'avoir jamais fait l'objet d'un contrôle de la part des forces de police au cours des cinq années précédentes. En revanche, 50 % des hommes perçus comme arabes ou noirs déclarent avoir subi un contrôle, et le pourcentage monte à 80 % pour les jeunes de 18 à 25 ans. Nous ne disons pas que les forces de sécurité procèdent à ces contrôles parce qu'elles sont racistes ; nous affirmons simplement que le sentiment qu'ont les personnes concernées, notamment les jeunes, d'être victimes d'un traitement discriminatoire repose sur une réalité factuelle.
Tant qu'on n'aura pas la possibilité de tracer précisément les comportements à l'œuvre, par le fameux récépissé ou une attestation quelconque de contrôle, on échangera opinion contre opinion, sans pouvoir vraiment faire changer les choses. J'ai appartenu à un gouvernement qui, contrairement à ses promesses, n'a pas institué le récépissé, parce que les forces de police ne l'ont pas voulu. Il serait temps de reconnaître qu'on a besoin d'une traçabilité. On ne peut pas laisser perdurer ce phénomène, qui agit comme un poison dans la vie des gens.