Intervention de Sébastien Vieille

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 15h45
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Sébastien Vieille, secrétaire national à la pédagogie du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) :

Je vais d'abord vous dresser un état des lieux de ce que constate le SNALC. Le SNALC est une organisation indépendante, apolitique et laïque et ne parle que d'éducation. Dans l'éducation nationale, il existe déjà beaucoup de choses. En géographie, en EMC, nous avons des programmes et, les débats existent. Dans le cadre du Conseil supérieur de l'éducation, nous avions d'ailleurs fait ajouter dans les programmes du lycée la question de l'homophobie. Le français et les langues vivantes participent à la même dynamique.

Je suis professeur d'anglais et, à travers les documents, dans les axes que je choisis de traiter, je travaille la question du racisme, du harcèlement, du sexisme et de l'homophobie – quitte parfois à choquer, à aller chercher l'élève dans les certitudes qu'il a construites dans ses préconçus, pour tenter de faire évoluer. Toutes les disciplines concourent donc à la lutte contre le racisme et les discriminations. Les études de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) montrent que, plus on élève le niveau d'éducation d'une population, plus on lutte contre les discriminations. Pour nous, c'est peut-être le travail central que doit faire l'école.

Par ailleurs, des modifications de la carte scolaire permettent d'assurer une mixité sociale. Je viens d'un bassin ouvrier relativement défavorisé. Il a connu des évolutions de la carte scolaire et celles-ci sont salutaires, parce qu'elles permettent plus de mixité sociale.

Le travail sur l'orientation est un autre point important. On voit une ébauche de signal : des places sont réservées pour les professions ou catégories « socio-professionnelles moins (CSP−) » dans certaines filières sélectives.

Pour ce qui est des points de résistance, ils ne sont pas toujours où on les attend. On peut les retrouver à l'intérieur d'une même classe et ils peuvent s'exprimer de façon très différente selon l'âge des élèves. On a par exemple pu voir des courses organisées dans une école où les Français étaient contre « le reste du monde », et c'était « le reste du monde » qui organisait ces courses. Les professeurs des écoles font alors un travail admirable pour expliquer que nous faisons tous partie d'une même société, d'une même entité, et c'est une des réponses essentielles. Dans ces situations, l'adulte se doit de se poser en pédagogue, sans surréagir mais en expliquant.

À l'intérieur d'une même classe, on voit aussi des résistances si l'on observe la façon dont se placent les élèves. D'eux-mêmes ils recréent une forme de ségrégation au sein de la salle de classe. L'enseignant se doit alors d'imposer la mixité.

Nous observons encore des points de résistance sociaux. Les conflits de la société sont en effet importés dans l'école, et se manifestent différemment selon l'âge. Les autres discriminations sociales importées dans la classe concernent l'intolérance envers les « cas soc' ».

Par rapport à toutes ces résistances, l'éducation nationale agit déjà, à travers ses programmes. L'inclusion peut permettre de lutter contre les discriminations si elle est bien menée. Telle qu'elle est mise en œuvre à l'heure actuelle, elle va nous mener vers un échec, parce que l'on fait de l'inclusion sans y mettre les moyens. Ainsi, l'on crée des crispations chez les enseignants, mais aussi entre les élèves, et même entre les familles. Des familles en viennent en effet à se plaindre car le cours ne va pas assez vite parce que dans la classe il y a tels ou tels élèves. Nous sommes en train d'en rajouter et de créer un ressentiment avec une inclusion qui est mal menée.

Parallèlement à cela, nous ne sommes pas favorables à une augmentation des dispositifs ou des expérimentations sur le plan national. En revanche, des choses sont très bien faites localement par des équipes motivées qui travaillent sur des situations sur le terrain. Nous disons donc qu'il faut donner à ces équipes les moyens de continuer à faire ce qu'elles font, mais il ne faut pas généraliser des pratiques au prétexte qu'elles marchent sur le plan local. Ce serait une erreur, parce qu'il faut des personnes pour s'en emparer et les faire vivre.

Il reste donc des choses à faire, mais il en existe déjà un certain nombre. L'école mène un travail, mais, en lycée, on constate un enfermement croissant des élèves dans une forme d'entre-soi qui évolue en microcommunautés. Ces microcommunautés se mettent à fonctionner en vase clos et à se fermer de plus en plus aux autres. En tant que pédagogues, nous travaillons sur ces aspects mais, face aux réseaux sociaux qui se multiplient et enferment encore davantage les jeunes entre eux, nous avons du mal à faire le poids.

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