Intervention de Nathalie Colin

Réunion du mardi 15 décembre 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Nathalie Colin, directrice générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la transformation et de la fonction publiques :

Je crois qu'il faut bien distinguer deux éléments en ce qui concerne le racisme ou les discriminations dans la fonction publique.

Tout d'abord, les agents publics ne sauraient manifester dans leur comportement professionnel, notamment à l'égard du public mais aussi d'une façon plus générale, la moindre opinion traduisant des convictions contraires à nos principes et à nos valeurs. Pour faire simple, les fonctionnaires ne sauraient exprimer, par leurs actes ou leurs paroles, des convictions à caractère raciste ou discriminatoire – il existe une obligation forte en la matière. Si cela se produit, néanmoins, des sanctions sont prises : des procédures disciplinaires, susceptibles d'aller jusqu'à la révocation, peuvent être engagées.

Il y a ensuite la question des agents ou des candidats, s'agissant des recrutements, qui s'estimeraient victimes de discriminations produites par notre système, qui écarterait à l'excès certaines personnes, pour des motifs n'ayant pas de lien avec la compétence professionnelle. Il y a aussi la question des usagers du service public. Je pense évidemment aux fonctionnaires servant dans des guichets, dans l'administration pénitentiaire ou en milieu hospitalier : ils peuvent être confrontés à des attitudes particulièrement agressives.

Ces sujets méritent d'être surveillés d'une manière attentive mais ils n'appellent pas nécessairement les mêmes réponses, car ils ne relèvent pas du même type de raisonnement.

Le problème, c'est que, dès lors qu'il existe au sein de la fonction publique un principe d'égalité selon lequel le seul critère pris en compte, tant au stade du recrutement que de la carrière, est la compétence professionnelle ou l'adéquation entre le profil et le poste, nous n'avons pas et nous ne pouvons pas avoir d'éléments statistiques qui permettraient d'identifier des biais traduisant le fait qu'on exclut tel ou tel type de personnes pour des raisons liées à leurs origines. Cela favorise, me semble-t-il, les fantasmes ou les visions déformées de la réalité. Il y a parfois beaucoup d'affect sur ces questions, notamment outre-mer. Il faut répondre par des éléments aussi objectifs et chiffrés que possible mais, malheureusement, nous ne pouvons pas réaliser de statistiques en la matière. Je vais quand même vous communiquer, s'agissant des rémunérations, des données concrètes qui montrent qu'il n'y a aucune difficulté.

Les salaires nets mensuels des fonctionnaires servant dans les départements et les territoires d'outre-mer sont globalement supérieurs à la moyenne des rémunérations versées en métropole, en raison de l'existence de dispositifs de majoration des traitements ou d'indemnités spécifiques. Ce sont des éléments bien documentés.

En 2018, le salaire net moyen était d'un peu moins de 2 300 euros dans l'ensemble des trois fonctions publiques. Il était un peu supérieur dans celle de l'État, puisqu'il s'établissait à 2 570 euros – c'est lié au fait qu'il y a plus d'agents de catégorie A dans cette fonction publique que dans les autres. Le salaire net moyen était de 1 963 euros dans la fonction publique territoriale et de 2 300 euros dans la fonction publique hospitalière. Les différences, je l'ai dit, s'expliquent par le poids relatif des catégories A, B et C, et non par le fait que les agents seraient moins bien payés, à missions égales, dans certains cas.

Dans les départements et les territoires d'outre-mer, le salaire net moyen était de 3 597 euros en Guyane, de 3 600 euros en Martinique et en Guadeloupe, et de 3 900 euros à La Réunion au sein de la fonction publique d'État. Dans la fonction publique hospitalière, le salaire net moyen s'élevait à environ 2 850 euros en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane et à 3 100 euros à La Réunion. Dans la fonction publique territoriale, il était respectivement de 2 400 euros et de 2 700 euros – j'arrondis. Les montants versés sont plus importants dans les trois versants de la fonction publique, alors que le poids relatif des différentes catégories est comparable. Cela fait partie des rares éléments chiffrés dont nous disposons.

Le BUMIDOM est un dispositif ancien, qui n'a d'ailleurs pas existé très longtemps. Il a été arrêté définitivement : il est assez surprenant de voir qu'il reste dans les esprits.

La véritable question, s'agissant de la fonction publique outre-mer, concerne la mobilité. Le principe, je le rappelle, est l'égalité d'accès. Quelles sont, ensuite, les perspectives de carrière d'une personne venant de l'outre-mer ? Elle peut y rester si elle le souhaite : on n'oblige jamais ceux qui sont affectés outre-mer à servir en métropole, sauf si c'est conditionné par les dispositifs statutaires de leur corps – cela vaut essentiellement pour la catégorie A. Les commissaires de police, par exemple, doivent faire régulièrement des mobilités géographiques, en métropole ou outre-mer – ce qui est moins fréquent – s'ils veulent avoir de l'avancement. Il en est de même pour les sous-préfets et les préfets, même si leur cas est différent – il s'agit d'emplois à la discrétion du Gouvernement. Sauf si le statut particulier du corps impose une mobilité, il n'y a pas d'obligation. Compte tenu du nombre et du type des postes proposés, néanmoins, on a parfois plus de possibilités de progresser dans sa carrière en métropole.

J'ai été la directrice des ressources humaines du ministère de l'intérieur pendant plusieurs années. Je peux vous dire que la partie la plus difficile à gérer, s'agissant des mobilités, concerne les fonctionnaires originaires de la Martinique, de la Guadeloupe et, dans une moindre mesure, de La Réunion, qui viennent faire une partie de leur carrière en métropole et veulent ensuite retourner dans leur département d'origine. Le nombre des postes offerts par rapport à celui des candidats est tel qu'on doit parfois attendre longtemps avant de pouvoir revenir, mais c'est vrai aussi pour des départements métropolitains. Quand un gardien de la paix d'abord affecté à la Préfecture de police veut retourner vivre dans le Sud-Ouest de la France, dans les Alpes-Maritimes ou dans le Var, il doit attendre des années. Sans nier la réalité du problème, il faut le replacer dans une perspective plus vaste : quelle que soit l'origine des fonctionnaires, il peut y avoir une difficulté quand on veut revenir dans son département d'origine pour y exercer ses fonctions. C'est peut-être plus difficile outre-mer, parce que le nombre des postes possibles est beaucoup moins élevé que celui des candidats, mais il en va de même ailleurs.

S'agissant de votre remarque sur les retraites, je suis très surprise ! C'est en vérité presque le contraire. Du fait de la surrémunération perçue quand on est affecté outre-mer, les cotisations sont plus importantes et, mécaniquement, les retraites plus intéressantes que si l'on a servi uniquement en métropole. Il faut déconstruire certaines idées reçues, totalement déconnectées de la réalité.

Peut‑être avez‑vous d'autres questions sur la situation particulière de l'outre‑mer ?

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