Pour la seule zone gendarmerie, 2 981 infractions à caractère raciste ont été constatées sur les onze premiers mois de l'année, soit une hausse de 10 % par rapport à l'an dernier. Ces infractions sont en général des injures, proférées par un auteur connu de la victime dans le cadre d'un conflit entre les parties. Le phénomène demeure sous-évalué cependant, puisque dès lors que l'auteur des faits n'est pas identifié par la victime, le report des infractions est très faible. L'âge médian des auteurs est de 42 ans, ce qui est plutôt élevé.
Outre les constatations d'infractions pénales et les troubles à l'ordre public liés au racisme, on constate une résurgence de l'activité de l'ultra-droite, notamment depuis les attentats terroristes. Deux départements au moins ont été visés par une campagne d'apposition d'autocollants de Génération identitaire dénonçant l'immigration ou l'islamisation. Sur le même secteur, deux faits à l'encontre de la religion musulmane ont été commis consécutivement à l'attentat terroriste de Conflans-Sainte-Honorine. De nombreuses inscriptions antisémites nous sont régulièrement signalées sur une grande partie du territoire, y compris en outre-mer, par exemple en septembre 2020 sur une synagogue à Nouméa.
L'action de la gendarmerie se déploie entre la répression de ces infractions, l'appui aux enquêteurs et l'attention portée aux victimes. Elle a également une dimension de formation et de prévention. Elle s'appuie sur l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), créé en 2013, qui s'était vu confier ab initio un mandat dans le domaine des infractions haineuses. L'ampleur de ce type de contentieux a conduit à créer en son sein, en août 2020, une division spécifique de lutte contre les crimes de haine, composée de gendarmes et de policiers, chargée de la coordination des enquêtes sur des infractions à caractère raciste, xénophobe, antireligieux ou commises à raison de l'orientation sexuelle. La gendarmerie est aussi impliquée dans la lutte contre la haine sur internet. L'OCLCH a d'ailleurs vocation à être l'un des interlocuteurs privilégiés du parquet spécialisé en cours de création.
L'Office central dispose de l'ensemble du réseau des enquêteurs de la gendarmerie, au sein duquel 260 spécialistes en nouvelles technologies sont chargés de la lutte contre la haine sur internet, eux-mêmes appuyés par un réseau de 4 700 correspondants. Au sein des sections de recherches, des groupes spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité travaillent également sur les problématiques de la haine en ligne.
L'Office central et la gendarmerie fournissent des outils spécifiques aux enquêteurs, tels que le guide « Sanctionner les discriminations et les infractions à caractère raciste, antireligieux et anti-LGBT », publié en 2017, enrichi et refondu cette année, et le guide méthodologique « Infractions haineuses », publié en 2020. Nous devrions pouvoir diffuser en fin d'année une infographie « Crimes et délits haineux » dans l'ensemble des unités de la gendarmerie et de la police. Le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie a également été amélioré de sorte que l'enquêteur prenne en compte l'ensemble des dispositions du code de procédure pénale et que les droits de la victime soient garantis, sans méconnaissance de l'évolution des textes.
L'Office central travaille aussi directement à la formation des gendarmes. Il intervient dans diverses formations régionales organisées au profit des gendarmes, des policiers et des magistrats, sous l'égide de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).
Enfin, l'office joue un rôle en matière d'évolution du droit, notamment au niveau international, puisqu'il est le point de contact français du groupe de haut niveau de l'Union européenne sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et d'autres formes d'intolérance, où il siège depuis sa création en 2016 aux côtés de la DILCRAH et de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).
En matière de prévention interne, nous disposons d'un réseau « égalité et diversité », composé d'un référent national, de 35 coordonnateurs au sein des formations administratives et de 248 référents de proximité. Son rôle consiste à assurer des actions de sensibilisation à destination des militaires, dans le cadre de la démarche de labellisation « égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et « diversité » que vous avez soulignée. Une plateforme « stop-discri », supervisée par l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), est également dédiée aux signalements de comportements discriminatoires.
Le réseau des référents de promotion de l'égalité et de la diversité a une vocation interne. Il s'adresse aux personnels à travers des opérations de communication et d'information, suit la mise en œuvre du plan d'action de la gendarmerie en faveur de l'égalité professionnelle, sensibilise à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations, tout cela s'inscrivant dans une démarche de prévention des risques professionnels. Tous les référents sont formés et disposent d'une mallette pédagogique. Leur activité est en hausse sensible : alors qu'en 2018, le réseau avait effectué 465 actions de sensibilisation auprès de 9 340 personnels, au seul premier trimestre 2020, et en dépit des conditions contraignantes de la crise sanitaire, il en a déjà conduit 184 auprès de 5 000 personnels.
Pour son action extérieure, la gendarmerie s'appuie sur un réseau de référents territoriaux, « Racisme, antisémitisme et discrimination », qui repose sur des officiers adjoints chargés de la prévention, au nombre de 100, répartis dans les départements au niveau des groupements de gendarmerie. Les discriminations de tous ordres, en particulier celles liées au racisme, constituent un sujet prioritaire des nouvelles maisons de confiance et de protection des familles que la gendarmerie vient de créer et qui sont en cours de déploiement sur la base de l'organisation des brigades de prévention de la délinquance juvénile. L'idée, à terme, est de créer une maison de ce type pour chaque groupement de gendarmerie, dans chaque département.
Toutes ces formations et actions de prévention sont menées étroitement avec des partenaires, tels que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) ou la DILCRAH. Actuellement, nous sommes engagés, avec l'IGGN et la Défenseure des droits, dans la construction d'un enseignement à distance sur la déontologie et la question des discriminations, qui aura vocation à être suivi de manière obligatoire par l'ensemble des élèves-gendarmes.
Tout ce que je viens de dire est repris dans un certain nombre de textes que je ne citerai pas, si ce n'est une note expresse réactualisée en 2016 relative à l'évaluation personnalisée et aux droits des victimes, qui intègre la vulnérabilité des personnes touchées par des atteintes discriminatoires et prévoit la possibilité d'un accompagnement, comme vous le suggériez dans vos questions.