L'association Bleu blanc zèbre est un réseau d'environ 500 associations agissant dans différents registres, dont la discrimination.
Je concentrerai mon propos sur l'éducation. Titulaire de la chaire innovation et entrepreneuriat de l'ESSEC, j'ai créé en 2002 le programme « Une grande école, pourquoi pas moi ? », un des premiers programmes d'égalité des chances pour l'accès à l'enseignement supérieur, à l'origine du dispositif des Cordées de la réussite.
Je partage peu des points de vue de M. Kirszbaum. Élu de Cergy-Saint-Christophe, quartier particulièrement cosmopolite, j'ai été pendant quinze ans vice-président du conseil départemental du Val-d'Oise et j'ai siégé durant dix ans à la commission d'attribution des logements de Val-d'Oise Habitat, mais je n'évoquerai pas ce sujet, faute d'en être spécialiste. Néanmoins d'accord avec M. Kirszbaum sur le fait que mélanger discrimination et racisme crée de la confusion, je me limiterai à la discrimination. Le racisme est un sujet si complexe, si chargé en culpabilité émotionnelle que juxtaposer les deux fermerait la voie à tout espoir de solution.
De nombreux acteurs du réseau Bleu blanc zèbre sont engagés dans l'accompagnement des jeunes gens vers les grandes écoles et dans l'accès à l'éducation. L'association Startup for Kids, l'institut Télémaque, l'association Article 1 sont très impliqués dans le soutien à des jeunes issus de milieux défavorisés ou dont les origines ne les prédestinent pas à s'orienter vers les grandes écoles, contrairement à d'autres pour lesquelles elles constituent un univers de référence. C'est loin d'être le cas de nombreuses familles habitant Cergy, à trois kilomètres de l'ESSEC.
Mme Seddiki a rappelé que la première discrimination est le handicap. M. Kirszbaum ne l'a pas mentionné mais il est une des toutes premières causes de discrimination pour l'accès au logement. Les logements adaptés n'étant pas gérés comme tels mais attribués à des personnes non handicapées, eh bien, quand un dossier de personne handicapée arrive, le logement adapté n'est plus disponible.
En matière d'accès à l'enseignement supérieur, il faut regarder le verre à moitié vide et à moitié plein. Certes, un travail considérable reste à faire, des blocages restent à lever, mais l'accès à l'enseignement supérieur dépend de la situation de départ. La proportion de jeunes gens issus de milieux défavorisés réussissant les concours d'accès aux grandes écoles est comparable à celle des jeunes issus de milieux favorisés, mais très peu de jeunes gens issus de milieux défavorisés se présentant au concours, le nombre de ceux qui sont admis dans nos écoles reste restreint. Si trois sur dix, d'un côté, et 250 sur 1 000, de l'autre côté, réussissent, cela représente respectivement 30 % et 25 %, mais l'écart entre 3 et 250 est considérable et ne reflète pas la répartition des jeunes gens au sein de la population globale.
L'accompagnement vers l'accès à l'enseignement supérieur est aussi un enjeu d'ambition collective, car l'ambition individuelle est parfois contestée par le groupe. On entend parfois dire : « À quoi bon aller dans une grande école ? », « Tu ferais mieux d'aller travailler », « Tu te vois plus beau que tu n'es ». À l'ESSEC, le sujet est documenté et suivi, car j'avais choisi d'en faire un thème de travaux, puisqu'un dispositif de tutorat et d'accompagnement à partir de la seconde est destiné à stimuler l'ambition individuelle de jeunes.
À cela s'ajoute le problème financier, même si l'on peut le régler par une bonne politique publique et par la volonté d'un maire ou d'un président de conseil départemental. Changer les mentalités dans l'éducation nationale ou parmi des jeunes demande beaucoup plus de temps et exige quasiment une génération. On a beaucoup reproché à l'ESSEC de ne pas s'ouvrir directement à des jeunes gens issus de quartiers populaires, contrairement à des établissements ayant opté pour des quotas. Mais nous considérions que le concours devait être le même pour tout le monde et qu'il fallait s'y préparer en amont, même s'il existe d'autres voies d'admission aux grandes écoles, comme l'admission parallèle intervenant après un cursus dans des établissements d'enseignement supérieur moins sélectifs. Mais là aussi, le nombre de jeunes gens entrant en première année à l'université de Cergy, où j'ai également enseigné, ou dans les universités de Saint-Denis ou d'ailleurs, est très supérieur au nombre de ceux qui en sortent au bout de trois ou de cinq ans, car si, dans les grandes écoles, la difficulté est d'y entrer, l'enjeu des universités est d'en sortir par le haut et non, comme beaucoup trop de jeunes, faute d'avoir réussi.
Je veux enfin mentionner l'association bien connue « Nos quartiers ont des talents », qui n'est pas dans le réseau Bleu blanc zèbre mais qui pourrait l'être et qui joue un rôle important dans l'accompagnement à l'accès à l'enseignement et à la culture.