Je reviendrai sur le racisme découlant des discriminations évoquées par M. Kirszbaum. Nous souhaitons identifier toutes les formes de racisme et comprendre si les difficultés relèvent de la morale ou du droit et ce que nous pouvons combattre culturellement et juridiquement.
Je souhaite m'inscrire en faux contre l'idée d'un séparatisme à l'envers. Je n'ignore pas, et je vous en donne crédit, les stratégies de maintien de positions sociales et territoriales relayées par certains élus sous la pression électorale notamment, mais ce que vous décrivez ressemble fort à une attaque de l'ascenseur social et de la méritocratie. On ne saurait empêcher quiconque, français depuis plusieurs générations ou issu de l'immigration, de s'inscrire dans un parcours d'ascension en vue d'avoir accès à un meilleur logement, à un niveau de vie plus confortable ou d'adopter une stratégie résidentielle l'éloignant de ce qu'il perçoit comme une zone paupérisée. C'est bien l'idéal d'un certain nombre de personnes, y compris issues de la diversité.
On ne peut ignorer que nombre de territoires et d'élus sont confrontés à l'inquiétude de la paupérisation liée à l'immigration subie, laquelle a agi dans certains quartiers comme un repoussoir – vous dites repoussoir à Blancs. Il est vrai que derrière certains discours et volontés de remettre des classes moyennes dans les quartiers populaires ou de maintenir l'équilibre dans une ville, c'est un équilibre vis-à-vis des personnes issues de l'immigration qui est recherché. Mais quand on a été maire comme moi et quand on est élu local d'un territoire de banlieue populaire confronté à ces difficultés, on ne peut ignorer le racisme intrinsèque qui s'exprime dans la concurrence des générations issues de l'immigration et dans la concurrence territoriale. Vous parlez de la préférence communale comme outil de discrimination. Pour rencontrer régulièrement des personnes confrontées à des difficultés de logement et pour avoir été attributaire, en tant que maire, de logements sociaux, je peux dire que les premiers à vouloir échapper à une logique de peuplement visant à concentrer les personnes issues de l'immigration ou de la diversité, sont bien ces personnes-là. Elles ne s'expliquent pas pourquoi, par la procédure du droit au logement prioritaire ou par les redistributions liées aux destructions de quartiers dits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), on donne la « préférence » (en réalité les procédures d'attribution, vous les connaissez, sont plus complexes) à des personnes venues de l'extérieur, alors que celles qui habitent la ville ont le sentiment d'avoir suivi un parcours d'intégration leur ouvrant droit à l'accès à ce logement.
J'aurais une question, peut-être plus spécifiquement adressée à monsieur Kirszbaum, car vous avez beaucoup travaillé sur ces questions. Je ne sais pas si vous vous êtes intéressé à la problématique du refus de logements sociaux. Dans ma ville, 40 % des propositions de logements faites à des personnes en attente de logement social depuis en moyenne cinq ans sont refusées pour des motifs divers, mais en discutant avec ces personnes souvent issues de la diversité, vous comprenez qu'elles obéissent à des stratégies d'évitement d'autres « ethnies » ou « communautés » même si ces termes sont toujours complexes à utiliser. Il y a – osons le terme – un évitement racial, parce qu'on ne veut pas vivre à côté d'une famille noire ou d'une famille musulmane, cela en dehors de tout système de privilégié blanc.
Vous soulignez des stratégies territoriales de certains élus que l'on aime conspuer parce qu'ils ne respectent pas la loi SRU. Je suis membre de la commission nationale chargée d'examiner le respect des taux SRU dans les communes dites carencées et j'étais le premier, en tant qu'élu local, à promouvoir ce respect. Mais il existe aussi à l'inverse la stratégie d'élus qui surfent sur le clientélisme d'une communauté électorale à choyer. Ma circonscription englobe la cité de La Grande Borne, à cheval sur Grigny et d'autres communes. Quel que soit leur profil sociologique, les habitants de ma circonscription me répètent qu'ils ne veulent pas voir leur ville ressembler à celle d'à côté, où on a concentré la misère dans des quartiers, où on continue à le faire et où on refuse de changer de stratégie de peuplement.