Intervention de Thomas Kirszbaum

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Thomas Kirszbaum, sociologue, chercheur associé à l'Institut des sciences sociales du politique à l'École normale supérieure de Cachan :

. Cette proposition ne peut que figer le paysage de la ségrégation à la française.

J'entends bien entendu parler des refus de logements sociaux dans mes entretiens avec les acteurs du monde HLM. J'ajouterai, à l'appui de votre raisonnement cette fois, que même les minorités se détournent de certains quartiers. C'est bien la preuve qu'on a affaire à un mécanisme qui ne relève pas nécessairement du racisme mais de stratégies rationnelles de ménages qui préfèrent choisir des quartiers où les enfants ont davantage de chances de recevoir une meilleure éducation, compte tenu de la qualité des écoles.

En termes de proposition, on ne peut contrarier ces logiques d'évitement résidentiel en réinstaurant une mixité raciale, c'est-à-dire en essayant d'attirer dans ces quartiers des ménages blancs, comme on a parfois cherché à le faire, mais plutôt en y consacrant davantage de moyens afin d'améliorer leur attractivité résidentielle, à commencer par l'école. Tout l'enjeu de la gestion urbaine et sociale de ces quartiers, ce sont les commerces, la sécurité des transports, etc.

Deuxième coup de baguette magique, si l'on veut se mettre en règle avec le droit de la non-discrimination en matière de logement, il n'y a pas d'autre solution que de dissocier, jusqu'à un certain point, la notion de mixité sociale de la notion de mixité raciale. Si on continue allègrement de confondre les deux, on s'exposera à ouvrir des espaces de choix discrétionnaires. Jusqu'à un certain point, parce que, par rapport aux quartiers de la politique de la ville, la mixité sociale devrait être comprise stricto sensu, hors de toute connotation ethnique ou raciale. En revanche, dans les territoires où les minorités ne sont pas, pour des raisons qui tiennent non pas à la méritocratie républicaine mais à des stratégies pragmatiques et de mobilisation associative de gens qui refusent le logement social parce qu'ils ne veulent pas de Noirs et d'Arabes, la mixité pourrait avoir une connotation un peu plus raciale, au bon sens du terme, dans la mesure où elle serait un outil pour favoriser les parcours de ceux qui sont refoulés vers ces territoires. Cela passe par le choix des types et de la taille de logements construits dans les communes SRU et par des politiques beaucoup plus actives de mutation des organismes HLM pour favoriser la fluidité des parcours, indépendamment des origines des ménages.

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