. Monsieur le président, votre responsabilité est tout aussi importante que l'ambition que vous poursuivez est noble. Mme la rapporteure a raison de parler de victimisation. Dans son discours sur le séparatisme, le Président de la République disait : ni naïveté, ni stigmatisation. J'ajouterai : ni victimisation, ni indifférence. Il faut garder à l'esprit les discriminations qui traversent les politiques publiques comme celles du logement et de l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous sommes autour de la table.
Les discours mal maîtrisés contribuent non seulement à la discrimination mais plus encore au racisme. Prononcés au plus haut niveau, ils créent dans l'esprit de nos concitoyens de la confusion, du ressentiment et de la défiance. Quand un ministre de l'éducation nationale dit que les petits musulmans ne s'assoient pas sur des chaises rouges, parce que c'est la couleur du diable, cela peut passer dans un bistrot, mais quand il le dit sur une chaîne de télévision, cela rend une résonance particulière. Quand le même ministre dit que les petits musulmans ne serrent pas la main des petites filles dans les écoles, cela aussi a une résonance et ajoute de la confusion dans l'esprit de nos concitoyens. Considérer la fréquentation accrue de la mosquée par nos compatriotes musulmans pendant le mois de ramadan comme un signe faible de radicalisation, c'est contribuer aussi à la confusion dans l'esprit de nos concitoyens.
Il faut faire preuve de vigilance dans la parole publique. Un député ou un ministre est grandement responsable de son expression. C'est vrai aussi pour les médias. Au-delà de son rôle de gendarme du secteur de l'audiovisuel public, le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourrait se pencher sur un certain nombre de chaînes privées qui relaient des discours de haine ou de défiance qui contribuent à élargir ces fractures.
Le Gouvernement a raison d'envisager certaines dissolutions. Dès lors qu'apparaissent des doutes importants sur l'honnêteté intellectuelle et la probité d'un groupe, la République doit être ferme et définitive. Mais elle ne peut être ferme et définitive pour certains et laisser en prospérer d'autres. Il conviendrait de regarder d'autres groupes identitaires avec la plus grande attention et, le cas échéant, d'en dissoudre.
Le Président de la République a souhaité une plateforme dédiée aux discriminations. Il me semble qu'elle existe déjà : il y a un numéro vert et le Défenseur des droits s'est emparé de la question. Dans quelle mesure pouvons-nous lui donner davantage de contenu afin qu'elle soit institutionnalisée et non plus soutenue par une association ? Je n'ai rien contre la ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) ou SOS racisme, qui font très bien leur travail, mais un sujet aussi important appelle immédiatement les bonnes décisions. Si aujourd'hui la terre tremble, elle risque de trembler bien plus demain.
J'ai voulu pointer du doigt avec humilité la responsabilité de certains de nos politiques, de certains groupes d'influence ou identitaires et de certains médias. Nous devons être attentifs à la manière de nous adresser à nos concitoyens, car notre objectif, c'est bien la réconciliation nationale. Sinon, les discriminations et le racisme nauséabond qui en résulte s'empareront de plus en plus de nos concitoyens. L'association des maires Ville et banlieue a publié une tribune pour dénoncer la montée du racisme et dire que, nous, élus locaux, notons dans l'ensemble du territoire une recrudescence du ressentiment et de la défiance de nos concitoyens vis-à-vis de certaines populations, nos concitoyens, qui doivent être considérés comme tels.