Je vous remercie d'avoir invité des représentants des deux directions d'administration centrale du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion que sont la direction générale du travail et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, compétentes pour mener les politiques publiques de lutte contre les discriminations aux côtés d'autres directions du ministère, au premier rang desquelles la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), qui développe les outils à même d'appréhender le phénomène discriminatoire au travail mais, aussi, de conceptualiser ceux qui peuvent les prévenir.
Nous avons structuré notre propos liminaire en trois temps.
Tout d'abord, nous présenterons d'une manière assez approfondie le cadre juridique applicable en matière de lutte contre les discriminations au travail, c'est-à-dire à l'embauche, à l'accès au travail, mais, aussi, dans le cadre du déroulement de carrière. Ensuite, M. Lhérault, chef du département Pôle emploi au sein de la DGEFP, vous présentera le label diversité que le ministère délivre aux entreprises mais, également, aux entités publiques. Enfin, M. Constant, adjoint à la cheffe du bureau du cadre de légalité et des modalités d'action du système d'inspection du travail au sein de la direction générale du travail, vous présentera la mission de conseil et d'appui que l'inspection du travail mène pour lutter contre les discriminations.
Dans le treizième baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi du Défenseur des droits, on constate une baisse significative de sept points, entre 2013 et 2020, du nombre de personnes se déclarant victimes de discriminations ou de harcèlements discriminatoires dans l'emploi, ainsi qu'une augmentation du nombre de celles se déclarant témoins de tels comportements. Près des trois quarts des actifs confrontés à une discrimination affirment avoir entrepris des démarches – vingt points de plus qu'en 2012 –, ce qui laisse à penser que nous assistons à une véritable prise de conscience de ces enjeux dans le monde du travail.
En droit, la discrimination consiste en la différence de traitement défavorable fondée sur un critère distinctif sur la base duquel le droit interdit de fonder des distinctions juridiques. On distingue les discriminations directes, qui supposent la démonstration de l'intention de discriminer, c'est-à-dire de prendre une mesure en considération d'un critère prohibé, et les discriminations indirectes, sans doute plus fréquentes, qui supposent de démontrer l'effet discriminant d'une mesure en apparence neutre mais qui conduit à désavantager une personne en raison des caractéristiques qui sont les siennes.
En droit du travail, est prohibé un ensemble de mesures discriminantes qui concerne tous les actes de gestion du personnel : recrutement, formation professionnelle, politiques de rémunération, de reclassement, d'affectation, de promotion, de mutation mais, aussi, de renouvellement de contrat et, bien sûr, de licenciement.
Toute mesure discriminatoire prise en raison d'un critère prohibé – notamment, l'origine – sera frappée de nullité. Dans ce cas, le mécanisme de plafonnement des indemnités que les juges prudhommaux allouent en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne s'applique pas et le juge retrouve toute sa plénitude d'appréciation pour accorder l'indemnisation qui lui semble la plus juste.
Le code du travail reconnaît vingt-cinq critères de discrimination, au premier rang desquels l'origine de la personne, mais, également, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race. Pour la plupart, ces critères sont issus d'une loi de 2008 portant diverses adaptations au droit communautaire. J'ajoute que cette liste a été récemment complétée par une proposition de loi adoptée par votre assemblée à la fin du mois de novembre et défendue par le député Euzet. Le code pénal prohibe également les discriminations lorsqu'elles s'exercent au travail.
Le ministère du travail est attentif aux acteurs chargés d'appliquer ce droit dans le monde du travail, au premier rang desquels les agents de contrôle du système d'inspection du travail, compétents pour constater les infractions commises dans l'entreprise et les faire sanctionner. Les instances représentatives du personnel ont également un rôle à jouer puisque le comité social et économique, dont l'institution est obligatoire pour les entreprises de plus de onze salariés, dispose, au-delà de son rôle de négociateur, d'un droit d'alerte en matière de discrimination.
L'action de groupe, introduite par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, permet à des personnes subissant un dommage de la part d'une même personne d'exercer une action commune devant la justice. Elle est ouverte aux syndicats représentatifs ou aux associations qui ont une certaine ancienneté, qui sont compétentes pour lutter contre les discriminations en matière d'accès à l'emploi.
Enfin, le droit est très protecteur car dérogatoire s'agissant de l'administration de la preuve en cas de litige opposant un salarié à son employeur ou à son recruteur. Dans la lignée des règles européennes, le code du travail prévoit en effet un aménagement du régime de preuve : incombe à la victime alléguée uniquement qu'elle démontre non l'intention de discriminer mais la seule apparence de la discrimination. C'est à l'employeur de démontrer que les allégations sont insuffisantes ou injustifiées par des éléments objectifs.
Le corpus juridique étant très complet, le ministère du travail concentre son action sur une meilleure appréhension de ces phénomènes afin de mieux identifier et sanctionner les pratiques discriminatoires et, surtout, de les prévenir et d'assurer la promotion de l'égalité au travail.