Intervention de François-Pierre Constant

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 16h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

François-Pierre Constant, adjoint à la cheffe du bureau du cadre de légalité et des modalités d'action du système d'inspection du travail, direction générale du travail du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Je vais pour ma part vous présenter le cadre d'intervention de l'inspection du travail en matière de discrimination. Mon propos sera volontairement large, afin de couvrir, autant que possible, toute la thématique de la discrimination.

L'inspection du travail exerce d'abord une action de contrôle proprement dit. L'inspection du travail étant un corps de fonctionnaires dépositaires de l'autorité publique et investis d'une mission de police judiciaire, elle a pour rôle de relever les infractions pénales à la législation du travail – c'est ce qu'on appelle l'action pénale. Pour ce qui concerne les discriminations, son champ d'action est un peu plus étroit que les vingt-cinq critères fixés par le code du travail, puisque l'inspection du travail a plus particulièrement pour mission de relever les infractions mentionnées par l'article 225-2 du code pénal. L'inspection du travail agit dans son cadre de légalité, à savoir ses prérogatives, ses droits et ses obligations.

On relèvera avec intérêt qu'en matière de discrimination, l'inspection du travail dispose de pouvoirs élargis, puisqu'il lui est permis de solliciter tout document, alors que dans d'autres domaines d'application de la législation du travail, elle ne peut demander que les registres et documents dont la mise à sa disposition est rendue obligatoire par des dispositions légales.

L'inspection du travail exerce aussi ses prérogatives dans le cadre de ses obligations et de ses règles déontologiques. Il est, de ce point de vue, essentiel de noter qu'elle est tenue de respecter un principe supralégislatif issu de la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT), celui de la confidentialité des plaintes : il convient de garder absolument secrètes toutes les sources des plaintes, ce qui n'est pas sans conséquence sur les modalités d'enquête.

À côté de cette action de contrôle et de ses éventuels leviers coercitifs, c'est-à-dire le fait de relever les infractions par voie de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire et sont transmis au procureur dans la République en vue de l'engagement de l'action publique, le système d'inspection du travail mène une action en matière d'accès au droit, d'information et d'accompagnement du public, notamment sur les questions de discrimination et de prévention des discriminations dans le monde du travail. À cet égard, le système d'inspection du travail est composé, non seulement des agents du corps de contrôle de l'inspection du travail, mais également des agents des services de renseignement, qui accueillent le public – employeurs et salariés – et l'orientent, en fonction des thèmes évoqués, vers les interlocuteurs idoines.

Pour des raisons liées aux difficultés des enquêtes et à la confidentialité des plaintes, les saisines de l'inspection du travail donnent majoritairement lieu à ce que l'on appelle des observations écrites, qui sont des sortes de rappels à la loi ; il s'agit, en l'espèce, de rappeler les employeurs à leurs obligations en matière de lutte contre les discriminations, puisque ce sont en premier lieu les employeurs qui sont chargés de veiller à ce qu'il n'y ait pas de discriminations dans le monde du travail.

L'inspection du travail agit aussi dans le cadre de la lutte contre les discriminations de manière volontariste, par le moyen de législations spécifiques ; j'en citerai deux.

La première consiste à promouvoir l'égalité réelle entre les femmes et les hommes par la mise en œuvre de l'ensemble des règles qui obligent les entreprises à conduire de véritables politiques d'égalité dans les conditions générales d'emploi, notamment l'obligation d'être couvertes par un accord ou un plan d'action en matière d'égalité et, plus récemment, l'obligation de mener une action volontariste en matière d'égalité des rémunérations par la publication d'un index de l'égalité professionnelle. Sur ces questions, l'inspection du travail dispose de moyens coercitifs spécifiques, qui relèvent davantage de l'action administrative que de l'action pénale : la faculté de mettre en demeure l'employeur de se conformer à ses obligations ; des sanctions administratives en cas d'absence de couverture par un accord ou un plan d'action, d'absence de publication de l'index ou de refus de prendre les mesures susceptibles de rehausser celui-ci.

La seconde législation spécifique que je souhaite mentionner est celle relative au licenciement des salariés protégés : toute rupture de contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat désignatif ou électif au sein de l'entreprise doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l'inspection du travail. L'inspecteur du travail rend sa décision sur la base d'une grille de contrôle à appliquer en fonction du mandat détenu. L'objet de cette législation – qui découle de principes constitutionnels – est d'éviter que le licenciement ne soit discriminatoire.

Je voudrais souligner l'existence, du fait de cette interaction entre les services de renseignement et les services de contrôle, d'un véritable savoir-faire des agents de l'inspection du travail en matière d'accueil et d'écoute des victimes de discriminations, ainsi que d'orientation, le cas échéant, vers les structures d'aide aux victimes, les organisations syndicales, les représentants du personnel à l'intérieur de l'entreprise, voire les autorités judiciaires compétentes dès lors que le problème relève du juge civil plutôt que de l'action pénale. Il importe en effet de préciser que l'inspection du travail, compte tenu du principe de neutralité qui la régit, n'a pas vocation à accompagner un salarié par exemple dans une action contentieuse au civil. Informer et orienter le plaignant concernant les modalités d'action, on peut et on doit le faire – et, à mon sens, on le fait plutôt bien –, mais l'inspection du travail et les services de renseignement n'ont pas vocation, déontologiquement, à porter l'action d'un plaignant auprès de la juridiction.

En dernier lieu, je voudrais appeler votre attention sur le fait que l'inspection du travail est intrinsèquement, fondamentalement l'administration chargée du contrôle de la relation individuelle et collective de travail, donc de la bonne exécution du contrat de travail. Pour ce qui concerne l'embauche, en revanche, et compte tenu du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, notre intervention requerrait des outils dont nous ne disposons pas. Du reste, les plaintes portant sur la discrimination à l'embauche ne sont pas celles dont nous sommes le plus fréquemment saisis – c'est en tout cas mon expérience d'ancien agent de contrôle.

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