Je rejoins les propos de Mme Baron. Je ne suis pas un éminent pénaliste, mais il me semble que la chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré un certain nombre d'actes de la police judiciaire ou des corps de contrôle au motif qu'ils avaient consisté à pousser à la commission de l'infraction – pour aller vite –, en violation du principe de la loyauté dans l'administration de la preuve.
J'abonde également dans le sens de ce qui vient d'être dit concernant les résultats du testing, au moins à titre personnel, tout en soulignant que la déontologie, j'allais dire la culture professionnelle de l'inspection du travail nous conduit à agir à visage découvert. Les méthodes du testing ne sont pas les nôtres. Nous sommes un corps de contrôle dépositaire de l'autorité publique. À ce titre, nous respectons des règles de déontologie extrêmement fortes, même si, du point de vue de la lutte contre les discriminations, cela peut nuire à l'efficacité de l'action.
Le respect de la confidentialité des plaintes est une obligation déontologique qui découle de la convention no 81 de l'OIT. Cette obligation fondamentale régit les relations des agents de contrôle avec leurs interlocuteurs, en particulier les entreprises. Elle consiste non seulement à ne pas révéler la source de la plainte, autrement dit l'identité de la personne qui se plaint, mais aussi à ne pas permettre son identification.
Une grande partie de nos actions de contrôle se fait sur notre initiative, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas pour origine une plainte ou un signalement particulier. Or je puis vous dire, pour avoir vécu de telles situations pendant de nombreuses années, que l'un des premiers réflexes du chef d'entreprise faisant l'objet d'un contrôle est de se demander qui a bien pu le dénoncer. Nos interventions ont donc toujours lieu dans un contexte de suspicion qui vient « polluer » la bonne gestion du contrôle, alors même que, lorsque la visite a lieu sur notre initiative, nous n'avons ni présupposés ni a priori. Quand nous intervenons à la suite d'un signalement, la question se pose avec plus d'acuité encore, bien entendu.
Quand une personne alerte un agent de contrôle sur les différences de traitement dont elle fait l'objet, qu'il s'agisse d'un refus de promotion ou d'augmentation ou, plus généralement, d'un problème de rémunération, il faut évidemment s'intéresser à la situation de la personne en question pour trouver les éléments matériels, ce qui risque fort de révéler quelle est la source de la plainte. La parade peut consister à élargir le contrôle, par exemple à l'ensemble des rémunérations versées par l'entreprise, mais cela suppose la collecte et l'analyse d'un nombre considérable de données, ce qui pose problème, sans pour autant écarter complètement le risque que la source de la plainte soit identifiée.
Quoi qu'il en soit, le respect de la confidentialité est une obligation forte, qui vise à protéger les salariés. La consigne donnée par la direction générale du travail aux agents de contrôle est d'ailleurs de ne pas révéler la source de la plainte, fût-ce au procureur de la République et à ses services d'enquête, y compris dans le cadre d'une réquisition – au risque de nous conduire à commettre une infraction pénale. Autrement dit, c'est la quadrature du cercle.
Cette obligation est tellement puissante que même la personne qui se plaint ne peut pas nous délier de son respect. Toutefois, l'obstacle n'est pas totalement insurmontable : la solution consiste à faire en sorte que la plainte ne soit plus confidentielle. Nous conseillons donc à nos interlocuteurs de se tourner vers l'employeur en faisant état du problème, en le saisissant officiellement et en nous mettant en copie. Mais en exposant ainsi le problème sur la place publique, le salarié risque de se mettre gravement en difficulté. D'ailleurs, un certain nombre de salariés ne souhaitent absolument pas voir leur situation évoquée directement.