Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie, rapporteure :

Merci Monsieur le président et merci chers collègues de votre présence. Je suis honorée et un peu émue de restituer les travaux de notre mission d'information. Depuis son lancement, nous n'avons pas eu une semaine sans que l'actualité ou les médias ne traitent de sujets liés au racisme. Nous avons su conserver de la sérénité dans nos travaux, sans pour autant faire de tabous.

Je considère que la lutte contre le racisme doit être replacée au premier plan de nos priorités. Dans mon exposé, je me concentrerai sur les solutions préconisées et je vous propose de passer en revue une partie des près de 60 recommandations émises dans le rapport. Je précise également que quelques ajustements ont été apportés au document qui a pu vous être transmis la semaine dernière.

Pour tenter de définir le racisme, nous pouvons nous baser sur les termes de l'universitaire Michel Wieviorka, selon lequel il « consiste à caractériser un ensemble humain par des attributs naturels, eux-mêmes associés à des caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chaque individu relevant de cet ensemble et, à partir de là, à mettre éventuellement en œuvre des pratiques d'infériorisation et d'exclusion ».

En premier lieu, je soulignerai que face au racisme persistant, nous devons avoir une réponse nécessairement universaliste. Vous trouverez dans le présent rapport des éléments d'analyse détaillés sur l'émergence du racisme et de l'antisémitisme, qui ont été dès le départ combattus au nom des valeurs universelles. Vous trouverez également une analyse de différents concepts permettant d'expliquer les formes que prend le racisme. Il peut s'appliquer à un spectre très large : des crimes, des discours mais aussi des attitudes ou des préjugés. Ainsi, le racisme peut être difficile à définir. On peut notamment revenir à la catégorisation proposée par le politologue Daniel Sabbagh lors de son audition. Selon lui, il existe : le racisme comme idéologie ; le racisme comme une série d'attitudes psychologiques négatives, qui prennent la forme de réactions affectives ou émotionnelles, telles que la peur, la haine ou le mépris ; le racisme comme « système de production et de reproduction d'inégalités, empiriquement constatables, entre membres de groupes qu'on définit conventionnellement comme raciaux ».

La société française est l'une de celles qui connaissent le plus de mariages mixtes. Comme les enquêtes d'opinion le démontrent, elle est plus tolérante. Ainsi, seuls 6 % des Français interrogés dans le cadre du baromètre Racisme de 2019 estimaient qu'il « y a des races supérieures à d'autres ». 56 % des personnes pensaient que « toutes les races humaines se valent » et 32 % que « les races humaines n'existent pas ». 60 % des sondés se déclaraient « pas racistes du tout », contre 28 % au début des années 2000. Pour autant, les actes et discours racistes et antisémites connaissent une hausse très inquiétante depuis 2018. Sur le long terme (soit depuis 1992), la tendance est même celle d'une hausse continue des actes racistes recensés par le service central du renseignement territorial (SCRT).

Les chiffres attestent que le racisme, dans ses différentes manifestations, continue de fragiliser la cohésion de notre société. Il vise par ailleurs de nombreuses minorités, selon des formes spécifiques que nous avons tenu à étudier pour réfléchir aux solutions. Si l'ensemble des chiffres disponibles n'est pas simple à appréhender et est incomplet, le croisement des éléments disponibles du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice et des études sociologiques sur les discriminations perçues permettent de dresser un tableau qui n'est pas rassurant. Tout d'abord, le racisme anti-Noirs demeure structuré par des préjugés ancrés et donne lieu à des faits discriminatoires en nombre important, dans différents domaines de la vie. L'antisémitisme connaît une hausse récente qui – avec 687 actes recensés par le SCRT – s'approche très dangereusement des niveaux des années 2000. Le racisme anti-Asiatiques a connu avec la pandémie actuelle une réactivation souvent fondée sur d'anciens clichés, et il ne doit plus être sous-estimé. Les actes de rejet et de haine envers les musulmans connaissent la plus forte hausse en valeur relative en 2019, atteignant 154 actes selon le SCRT. Enfin, le rejet des « populations Roms » – qui rassemblent différents groupes de cultures, de langues et de religions différentes – évolue malheureusement très peu et demeure largement banalisé. Alors que l'on observe pour les personnes noires, arabes, juives et musulmanes un indice de tolérance relativement élevé et qui progresse dans le temps, le rejet des Roms est massif et cette situation appelle une action résolue, une structuration et une prise en charge spécifiques dans le cadre du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Plus de 70 % des personnes pensent que les Roms forment un groupe à part et elles sont 60 % à penser que les Roms exploitent très souvent leurs enfants.

J'insiste sur le fait que la réponse au racisme ne peut qu'être universelle. Il ne faut pas chercher à établir de hiérarchie entre les racismes selon qu'ils concernent telle ou telle origine. Toutes les formes de racisme sont également dommageables pour la cohésion sociale, même si elles semblent marginales ou si elles ne se traduisent pas par des discriminations.

Le modèle « multiculturaliste », opposé au modèle universaliste, ne nous a pas convaincus, parce qu'il conduit bien souvent au communautarisme voire au « séparatisme ». La communauté fondamentale des citoyens est la communauté nationale, et c'est dans ce cadre que tous les citoyens sont égaux en droit. Quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion, les citoyens sont d'abord Français avant d'être noirs, blancs, asiatiques, musulmans, chrétiens, etc. Raisonner en fonction des communautés des uns et des autres, c'est adopter une logique « racialiste », et finalement utiliser des arguments racistes pour lutter contre le racisme, au risque d'exclure certains groupes (comme l'indiquait tout à l'heure le président Reda).

Toute approche autre que l'approche universelle est susceptible d'entraîner des effets pervers et de renforcer la « conscience raciale » de certaines minorités, tout en occasionnant des frustrations chez les populations dites « majoritaires ». De même, je ne soutiens pas le déploiement de statistiques ethniques sur le modèle anglo-saxon. À droit constant, beaucoup de données sont déjà disponibles et peuvent continuer à être collectées. Les statistiques ethnoraciales, dont les auditions ont montré qu'elles pouvaient entraîner des risques réels, ne recèleraient à mon sens pas de bénéfices avérés ou suffisants.

Je rappelle à cet égard que la « diversité » n'est pas seulement ethnique. Les historiens et démographes nous ont expliqué que les discriminations ont toujours existé et qu'elles se fondent toujours sur une multiplicité de facteurs. Au Moyen Âge, il pouvait s'agir de l'origine géographique (avec des éléments comme les provinces ou les quartiers) et bien évidemment le milieu social d'origine. Une politique de lutte contre le racisme doit aussi être universelle dans le sens qu'elle lutte contre toutes les inégalités sans réduire systématiquement les écarts constatés à des préjugés ethniques.

Reconnaître et traiter durablement le racisme, l'antisémitisme et les discriminations à l'œuvre, ce n'est certainement pas alimenter la victimisation, qui n'apporte aucune solution concrète aux personnes confrontées au racisme et tend au contraire à les enfermer. Pour lutter efficacement contre le racisme, il ne faut pas tant chercher des victimes (avec le risque d'alimenter une concurrence mémorielle) que valoriser des « héros », des modèles de personnes issues des minorités qui ont réussi grâce à leurs compétences.

La lutte contre le racisme doit aussi passer par la connaissance. Si la recherche historique a connu d'importants développements ces dernières années, tant en ce qui concerne les génocides que l'esclavage ou la colonisation, il convient de poursuivre et d'accentuer ses efforts. Ces progrès se heurtent au manque d'enseignants spécialisés sur ces sujets et je propose d'augmenter le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés aux sujets des génocides, de l'esclavage et de la colonisation et de créer des postes fléchés au Centre national de la recherche scientifique.

Par ailleurs, il paraît nécessaire d'améliorer la transmission de la connaissance historique dans l'enseignement primaire et secondaire. Pour ce faire, je propose de renforcer le nombre des heures consacrées à l'histoire-géographie ainsi qu'à l'enseignement moral et civique, de faire évoluer les programmes d'histoire du lycée, de promouvoir une mise à jour plus rapide des manuels scolaires aux programmes adaptés aux histoires locales lorsqu'une réforme est mise en œuvre . C'est un besoin particulièrement vrai en ce qui concerne les DOM. Enfin, il semble indispensable d'apporter un soutien public, aux réseaux de professeurs qui se constituent en vue de diffuser des outils pédagogiques disponibles pour l'ensemble de la profession et le grand public.

Au-delà des élèves, c'est également le grand public qu'il faut toucher et les musées ont un rôle essentiel à jouer sur ce plan. Je préconise de créer un musée d'histoire de la colonisation, car aucun musée de ce type n'existe à ce jour en France. Ce musée pourrait s'appuyer, d'une part, sur des expositions itinérantes, et, d'autre part, sur des outils numériques permettant de toucher de manière pérenne un large public. Les musées sont susceptibles de jouer un rôle, non seulement en termes de transmission des connaissances mais aussi comme lieux de mémoire. Or, pour lutter efficacement contre le racisme, il faut connaître, faire connaître mais aussi reconnaître. Sur ce sujet, la France a beaucoup avancé au cours des dernières décennies, avec notamment l'instauration de journées de commémoration relatives à la mémoire de la guerre d'Algérie, à l'esclavage ou encore aux crimes racistes et antisémites commis par l'État français pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il convient de prolonger cette politique sur un autre plan : l'inscription de la mémoire dans l'espace public. Au lieu de déboulonner des statues, il semble plus judicieux d'en ériger de nouvelles ou en choisissant des noms de rue et de bâtiments qui à la fois prennent en compte la diversité et commémorent la résistance à l'esclavage ou à la colonisation. À cet égard, je salue l'initiative du Ministère des Armées, qui a mis à disposition des élus locaux un recueil de personnalités issues de la diversité ayant combattu pour la France.

En deuxième lieu, nos travaux nous ont également conduits à examiner l'efficacité de la réponse pénale aux infractions à caractère raciste, c'est-à-dire à étudier le cadre juridique applicable et le rôle des différents acteurs de la chaîne pénale, policiers comme magistrats. Pour avoir une réponse pénale, il faut que des plaintes soient déposées. A cet égard, je souhaite souligner que l'image de « racisme » souvent associée à la police de la part de certains militants est largement infondée. Il existe sans doute du racisme dans la police comme dans le reste de la société, mais nous avons pu constater qu'il existe de nombreux dispositifs permettant de lutter contre les éventuels comportements racistes ou discriminatoires au sein de la police et de la gendarmerie. Eu égard à l'importance du rôle qu'elles jouent dans la réponse pénale et dans la confiance qu'ont nos concitoyens dans nos institutions, le devoir d'exemplarité de nos forces de l'ordre doit être infaillible.

Le cadre légal du contrôle d'identité permet trop souvent d'effectuer des contrôles discrétionnaires qui peuvent être vécus – à tort ou à raison – comme discriminatoires. Le rapport propose de clarifier le cadre applicable aux contrôles d'identité et de renforcer son efficacité pour la prévention et la répression des infractions. De manière générale, il conviendrait de donner à la hiérarchie des moyens plus effectifs de contrôler ce qui se passe sur le terrain. Enfin, si les services d'inspection (IGPN et IGGN) jouent pleinement leur rôle, il pourrait être judicieux de leur adjoindre un représentant du Défenseur des droits pour prévenir certaines critiques injustifiées. Il faudrait aussi renforcer le rôle de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en matière d'audit, de conseil et d'analyse afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie. À cet égard, le Beauvau de la sécurité semble propice à approfondir ces réflexions.

Concernant le cadre légal réprimant les infractions à caractère raciste, force est de constater qu'il est globalement satisfaisant, et même plutôt sévère par rapport à ce qui existe dans les autres grandes démocraties. La loi semble avoir trouvé un équilibre entre la nécessité d'incriminer certains propos et comportements racistes et l'exigence de préserver la liberté d'expression et la présomption d'innocence. Au-delà de ces exigences constitutionnelles, la loi pénale fait face à la difficulté d'apporter la preuve matérielle de certains propos ou de certains comportements. Il ne sera jamais possible de réprimer la totalité des comportements répréhensibles, mais les chiffres montrent que la réponse pénale progresse. Elle peut encore progresser en améliorant l'accueil des victimes et en étendant aux victimes d'infractions à caractère raciste la possibilité de porter plainte en ligne. La formation des policiers et magistrats devrait encore être renforcée pour mieux faire connaître les droits des victimes et pour mieux faire appliquer le cadre légal en vigueur.

En revanche, le sujet de la « haine en ligne » est particulièrement préoccupant. La lutte contre la haine en ligne se heurte, là encore, au principe fondamental – et auquel je suis également très attachée – de la liberté d'expression. Il ne paraît à ce stade pas possible de restreindre davantage la liberté d'expression (même en ligne) sans prévoir de solides garanties pour les droits de la défense et un contrôle du juge. Mais comme nous le savons bien, ces procédures ne sont souvent pas adaptées à la spécificité de la parole en ligne ni à son effet massif. Dans ce contexte, les dispositions nouvelles du projet de loi confortant les principes républicains seront très utiles, car elles permettent de répondre à la problématique des « sites miroirs » et d'accélérer le processus de sanction par la possibilité de recours à la comparution immédiate. Le rapport recommande par ailleurs de renforcer les moyens de la plateforme PHAROS, qui est spécialisée dans le signalement de certaines infractions commises en ligne.

En troisième lieu, nous devons impérativement répondre aux discriminations interdites par la loi et restaurer l'égalité républicaine. J'estime qu'il nous faut analyser précisément les freins limitant l'impact de l'action de groupe en matière de lutte contre les discriminations en fonction de l'origine, et mener une concertation avec les partenaires sociaux et les associations sur les moyens d'atteindre une réelle effectivité. Le redéploiement de la lutte contre le racisme et les discriminations est impératif et ce doit être une priorité politique de tout premier plan. Il est nécessaire de porter ce message politiquement, de relever les crédits de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et de disposer d'une meilleure visibilité sur les crédits consacrés par les différents ministères à ces questions.

Les risques de discriminations constatés dans certaines études et dans des testings (s'agissant notamment de l'accès à l'emploi et au logement) démontrent que nous avons un travail collectif à mener sur ces questions qui sont complexes à aborder, pour les entreprises en particulier. Nous devrions renforcer le recours aux tests de discrimination organisés selon un plan de déploiement précis et prévoyant des contrôles répétés par les pouvoirs publics, qui doivent en assurer un suivi dans le temps.

Il apparaît nécessaire de fixer, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2021-2023, la priorité de la professionnalisation de l'ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte (que ce soit dans le secteur public comme dans le secteur privé), notamment par un déploiement très vaste de mesures en faveur de la formation. Naturellement, il existe un devoir d'exemplarité du secteur public, et les membres de la fonction publique d'État comme les agents des collectivités territoriales doivent être particulièrement sensibilisés à ce sujet, notamment lorsqu'ils remplissent une fonction d'accueil.

Il conviendrait à la fois d'élargir les obligations des entreprises, notamment de formation, et de mettre à leur disposition – comme à celle de tous les acteurs publics et privés – une plateforme nationale de pilotage de la lutte contre le racisme et les discriminations dans les organisations car beaucoup manquent d'informations précises. Une concertation avec l'ensemble des branches devrait être menée. La lutte contre les discriminations dans les entreprises devrait faire l'objet d'un volet du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

Plusieurs mesures sont proposées à destination des plus grandes entreprises (avec entre autres des obligations d'autodiagnostics réguliers) et des plus petites (avec la désignation d'un référent au sein des comités sociaux et économiques). La logique est bien celle d'une coopération avec les entreprises et d'une démarche de progrès, et c'est d'ailleurs l'esprit de l'index de la diversité annoncé en janvier dernier par la ministre Elisabeth Moreno. L'absence d'engagement et de progrès constatés dans la durée, après des testings, devrait en revanche faire l'objet de sanctions de type « name and shame ».

Plusieurs mesures sont également proposées en matière de suivi des discriminations dans l'emploi public, et je préconise en particulier le renforcement des classes préparatoires intégrées – qui a été annoncé par le président de la République et la ministre Amélie de Montchalin – pour élargir le recrutement des écoles de service public et favoriser l'égalité des chances dans l'accès à la fonction publique.

Il convient de souligner que nous devons entreprendre un très grand travail de déconstruction des préjugés et qu'il faudra dédramatiser la charge morale pesant sur les biais cognitifs que nous avons tous. Compte tenu du fait que nous pouvons tous être victimes de nos propres préjugés, nous pouvons nous poser la question de savoir en quoi notre comportement peut entraîner des discriminations et en quoi il peut être modifié. Cette déconstruction des stéréotypes racistes passera en particulier par une action commune en faveur de la promotion des modèles de réussite et des parcours inspirants et pouvant servir d'exemples. Les pouvoirs publics doivent communiquer largement sur ces questions. Les actions menées par les associations en vue de faire émerger et faire connaître les modèles de réussite doivent être soutenues et diffusées. Les députés devraient à cet égard jouer un rôle renforcé sur tout le territoire, en lien avec ces associations.

Enfin, l'école joue un rôle essentiel dans la lutte contre le racisme et les discriminations sur deux plans. Tout d'abord, par le biais des enseignements qui y sont délivrés et des actions pédagogiques qui y sont menées. En particulier, il est nécessaire d'accompagner le développement de l'usage des réseaux sociaux et d'internet, et d'aider les jeunes à avoir un recul critique vis-à-vis des contenus qu'ils regardent et véhiculent. C'est pourquoi je propose de renforcer l'éducation aux outils numériques par la délivrance, à l'issue de l'école primaire et du collège, d'une attestation certifiant que les élèves ont bénéficié d'une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux. Pour rappel, il s'agit d'une proposition qui a été adoptée en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, en janvier, dans notre hémicycle.

La lutte contre le racisme et les discriminations passe également par la mise en œuvre d'une politique scolaire qui garantisse l'égalité des chances et favorise la mixité sociale. Les bienfaits des dédoublements de classes de CP et de CE1 en REP et REP+ ont été soulignés à plusieurs reprises dans le cadre de nos auditions. Il paraît indispensable d'entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, qui associe les collectivités territoriales, le ministère de l'éducation nationale et les parents d'élèves. Cette démarche doit s'accompagner d'un développement des options dans les collèges et lycées qui sont jugés moins attractifs que d'autres. Cette politique doit être accompagnée de dispositifs remédiant aux inégalités dans l'accès à l'enseignement supérieur. Il convient ainsi de favoriser l'entrée dans l'enseignement supérieur (et notamment dans les grandes écoles) par le développement du tutorat et du mentorat, et d'encourager l'alternance (qui permet de réduire le coût de la scolarité). Enfin, pour éviter les discriminations à l'entrée dans l'enseignement supérieur, les solutions déployées par certaines grandes écoles pour admettre davantage de boursiers sont essentielles. Je propose également d'anonymiser le nom du lycée d'origine du candidat dans Parcoursup.

Mes chers collègues, les évolutions apportées au projet de rapport depuis que vous en avez eu connaissance porteront, suite aux échanges que j'ai pu avoir avec plusieurs d'entre vous, sur : la reformulation de la recommandation n° 26 afin qu'elle englobe bien une formation initiale et continue renforcée pour les agents de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics ; une précision de la recommandation n° 36 pour spécifier que la plateforme de pilotage de la question du racisme, initialement visée à la recommandation n° 37, serait bien un outil à destination de l'ensemble des acteurs (publics comme privés) ; l'ajout d'une recommandation visant à renforcer le rôle des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté dans les établissements du second degré en matière de lutte contre le racisme et à systématiser la création de comités interdegrés et interétablissements. Sont également insérées une précision relative au fait que la proposition de résolution de notre collègue Sylvain Maillard n'a pas été adoptée à l'unanimité et a fait l'objet de réserves, la mention expresse des concours talents qui seront organisés dès 2021 dans cinq écoles de service public pour les élèves issus des classes préparatoires intégrées (qui seront rebaptisées classes talents), la mention de la nouvelle plateforme anti-discriminations, permettant une saisine en ligne par les particuliers et portée par le Défenseur des droits, ainsi qu'une précision relative au rôle de la médiation par l'art à l'école.

En conclusion, je souhaiterais rappeler que, si beaucoup a été fait, beaucoup reste encore à faire. Même s'il l'a été à de nombreuses reprises dans le cadre de nos auditions, je me permets de citer de nouveau le paradoxe de Tocqueville : plus une situation s'améliore, plus l'écart avec la situation idéale est ressenti subitement comme intolérable par ceux-là mêmes qui bénéficient de cette amélioration. Objectivité et subjectivité sont donc étroitement liées.

Éducation et mémoire constituent la colonne vertébrale de la connaissance, du respect de l'autre et du développement de l'esprit critique, en particulier face aux théories qui tentent de diffuser en France l'idée d'un racisme d'État, que nous récusons totalement.

Les enseignants, dont je tiens à souligner l'extraordinaire implication, doivent davantage bénéficier de formations spécifiques et des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission. Les policiers, les gendarmes et les magistrats mettent en œuvre la réponse pénale, dont l'efficacité doit être améliorée, en particulier s'agissant de la haine en ligne mais pas uniquement. Il apparaît également indispensable, au regard des enjeux attachés aux contrôles d'identité, de mener une large concertation en vue d'une réforme du cadre légal applicable à ces contrôles.

La lutte contre les discriminations fondées sur l'origine doit être plus résolue et mieux diffusée. Produites le plus souvent de manière indirecte et involontaire, ce sont aussi elles qui, au quotidien, sapent l'idéal républicain.

Il me paraît enfin utile de faire part de quelques mots de Monsieur Pap Ndiaye, qui nous a indiqué au cours de son audition : « Le racisme a effectivement une histoire. Il n'est pas, comme on pourrait le penser ou comme on peut le lire parfois, "de tout temps". Il n'est pas essentiellement lié à l'humanité. Dans le monde occidental, il apparaît à un moment donné dans l'histoire des hommes. Il peut aussi évoluer et disparaître ».

Je vous remercie pour votre assiduité lors des nombreuses auditions que nous avons menées et pour l'esprit qui a régné dans le cadre de nos travaux. J'adresse un remerciement particulier au président Robin Reda, avec qui j'ai apprécié de travailler ces dix derniers mois. Que nous ayons été dans la concorde ou pas, le respect, l'exigence et la bonne humeur ont toujours été présents dans nos échanges. Je souhaite également faire part de ma gratitude à nos trois administrateurs pour cette mission.

J'ai été particulièrement fière de vous présenter aujourd'hui le fruit de notre travail.

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