Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • racisme
  • raciste

La réunion

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La mission d'information examine le projet de rapport, et se prononce par un vote sur sa publication.

La séance est ouverte à 17 heures 35.

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Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis une dernière fois dans le cadre de la mission d'information de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Celle-ci a été créée le 3 décembre 2019 mais ses travaux n'ont réellement débuté qu'en juin 2020. En préambule de la restitution des travaux de cette mission, qui prendra la forme d'une synthèse du rapport par madame la rapporteure, je tenais à rappeler l'ampleur du travail que nous avons réalisé, qui témoigne d'un investissement à la hauteur des enjeux que nous avons eu à traiter.

Nous avons souhaité entendre très largement l'ensemble des parties prenantes impliquées dans la lutte contre le racisme. Ainsi, 81 auditions ont été menées et leurs comptes rendus écrits figurent au rapport qui a été rédigé. Elles ont permis d'entendre plus de 180 personnes dont des universitaires, des grands spécialistes de différentes disciplines, des représentants d'associations, des acteurs de la société civile, des collectivités territoriales ou encore des personnalités. Tous ces interlocuteurs ont partagé avec la mission d'information leurs connaissances, leurs expériences (parfois très personnelles) et leur expertise pour enrichir sa réflexion. Avec madame Caroline Abadie, nous tenions à les remercier vivement pour leur investissement dans ces échanges. Nous pouvons nous féliciter du très grand dynamisme de la recherche universitaire, du monde associatif, mais aussi des sphères publiques et privées qui œuvrent à lutter contre le racisme. Nous avons également eu la chance d'avoir pu auditionner nombre de personnalités publiques inspirantes, telles que Monsieur Kofi Yamgnane ou Monsieur Jean-Pierre Chevènement.

Je souligne également l'implication des autorités et institutions publiques, des ministères et tout particulièrement des ministres Jean-Michel Blanquer, Éric Dupond-Moretti et Elisabeth Moreno, qui ont été auditionnés et ont témoigné de l'importance accordée aux questions posées par la mission d'information. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le regret que nous pouvons formuler au sujet de cette mission d'information est de ne pas avoir pu mener tous les déplacements que nous aurions souhaité réaliser (que ce soit en Europe ou à l'international) compte tenu de la crise sanitaire. Madame la rapporteure a néanmoins pu effectuer un déplacement à la Martinique pour entendre de nombreux acteurs des outre-mer sur le sujet qui nous intéresse. Nous avons aussi pu entendre par visioconférence Monsieur Jean-François Colombet (préfet de Mayotte) ainsi que des acteurs européens et britanniques de premier plan.

À l'issue de la présentation que Madame la rapporteure va effectuer, nous pourrons procéder aux échanges de vues et au vote relatif à l'autorisation de la publication du rapport établi, en application de l'article 145 de notre Règlement. Au moment d'évoquer ce rapport, je tiens à remercier l'équipe administrative qui nous a accompagnés pendant la durée de la mission et qui a œuvré pour restituer les propos tenus dans le cadre des auditions.

Avant de passer la parole à madame la rapporteure, je souhaite vous faire part des principaux éléments qui figurent dans mon avant-propos au rapport. Sans omettre les faits d'actualité qui – en France comme à l'étranger – sont venus entacher la réputation d'institutions (s'agissant de la police notamment) par les faits isolés de quelques-uns, notre mission s'est prémunie de la facilité de l'émotion et de la généralisation. Il se trouve que notre mission d'information a démarré ses travaux au moment du décès tragique de George Floyd aux États-Unis. Nous avons tout de même fait en sorte de nous départir de l'émotion médiatique liée à des faits d'actualité (même si elle est légitime) pour les remettre en perspective sans céder non plus à la tentation d'importer en France des débats qui sont propres à d'autres démocraties qui ont d'autres problèmes.

L'objectif de cette mission d'information était aussi de renouveler le discours de la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions pour en refaire une cause nationale. Le racisme est une question sur laquelle nous cédons parfois à la facilité et sur laquelle certains ont pu baisser les armes. Dans une société qui se dit de plus en plus tolérante, le fait est que les actes de haine racistes ou antisémites sont encore très nombreux et souvent violents. Il faut garder à l'esprit que la recherche du conflit, l'adrénaline guerrière ou la bêtise des préjugés blessent et tuent encore.

Pour faire face à ces actes, notre arsenal judiciaire est ancien et puissant, mais il n'en reste pas moins sous-mobilisé par les victimes et il semble encore mal adapté à la lutte contre la haine en ligne. Lorsque nous abordons les nouveaux enjeux liés à la lutte contre le racisme, nous ne pouvons passer sous silence le rôle des réseaux sociaux. Ce sont des espaces où se déchaîne chaque jour la haine raciste, entre suppliciés exposés en public et bourreaux qui bénéficient encore trop souvent de l'anonymat et de la latence avec laquelle la modération s'opère sur les réseaux sociaux.

Pour mieux endiguer le racisme que peuvent subir certains de nos concitoyens, la France doit en revenir urgemment à sa tradition universaliste. L'universalisme républicain est un principe issu de l'article premier de notre Constitution, qui souligne que la République est indivisible et qu'elle ne reconnaît pas autre chose que des êtres humains, quelles que soient les différences physiques ou culturelles. Cet universalisme républicain est un rempart face à l'importation de luttes, auxquelles une partie de nos concitoyens – particulièrement parmi les plus jeunes – sont sensibles. Ces nouveaux antagonismes que sont le décolonialisme ou le différentialisme cherchent à introduire une lecture ethnique et différentialiste de la société et essayent parfois de dresser les identités les unes contre les autres, en jouant sur des identités blessées par le passé ou par l'histoire. Nous devons regarder notre histoire en face pour aller dans le sens d'un renouvellement du discours de lutte contre le racisme et du rétablissement de notre idéal d'universalisme.

Il convient de s'assurer que les lois sont bien mises à exécution et qu'elles fonctionnent. Les deux piliers que sont l'universalisme et l'arsenal législatif ne peuvent pas fonctionner si nous ne donnons pas une direction et un horizon au travers d'un modèle républicain qui doit renouer avec sa promesse d'émancipation des individus, quelles que soient leurs origines et leur couleur de peau. À ce titre, il faut notamment renouveler le travail de mémoire, mais aussi mettre en œuvre des mesures très concrètes que présentera madame la rapporteure. Il ne faut pas laisser nos concitoyens qui n'ont pas eu les mêmes chances dans un statut de victimes, qui pourrait ensuite être exploité par d'autres individus qui cherchent à jouer sur les identités blessées pour mener un conflit civil à l'intérieur de notre pays. La mission d'information avait pour but d'explorer les différentes formes de racisme, dont de nouvelles qui peuvent venir des communautarismes qui, finalement, font du racisme « à l'envers ». C'est ce que nous avait d'ailleurs indiqué Monsieur Jean-Pierre Chevènement lors de son audition, en soulignant que « l'universalisme républicain ne s'accommode pas de ce renversement et qu'il faut combattre ceux qui veulent créer ce racisme à l'envers ».

La responsabilité des femmes et hommes politiques a été rappelée au cours de nos auditions. Ce travail parlementaire est aussi l'occasion de réaffirmer avec force et lucidité le combat commun des élus de la République contre les tentations toujours latentes d'entacher l'image de la France en faisant référence à un prétendu racisme d'État ou au fait que la laïcité serait un outil de domination, alors qu'elle est historiquement un outil de libération. En tant que femmes et hommes politiques de ce pays, nous nous devons de ne pas encourager les concurrences entre les mémoires et les revendications de droits supplémentaires au motif d'un passé, qu'il nous faut cependant regarder avec ses lumières mais aussi avec ses parts d'ombre, sans faire d'anachronisme.

La République doit à notre sens se montrer exemplaire dans la lutte contre les discriminations, dans l'accès aux services publics, à l'emploi ou encore au logement. Cette exemplarité est aussi portée par ceux qui maintiennent l'autorité publique et font fonctionner nos institutions judiciaires. Nous devons nous prémunir des erreurs d'appréciation et des comportements incompatibles avec l'égal traitement auquel chacun a le droit sur notre sol. Cette remobilisation contre toutes les formes de racisme dans une logique universaliste conduit à repenser les structures éducatives, nos services publics et les entreprises. Contre le racisme, nous devons mener un combat de tous les jours qui ne doit pas être relégué au rang de la fatalité.

Merci à tous les collègues qui ont participé aux auditions et à l'élaboration du rapport de cette mission d'information. Je cède la parole à Madame le rapporteure.

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Merci Monsieur le président et merci chers collègues de votre présence. Je suis honorée et un peu émue de restituer les travaux de notre mission d'information. Depuis son lancement, nous n'avons pas eu une semaine sans que l'actualité ou les médias ne traitent de sujets liés au racisme. Nous avons su conserver de la sérénité dans nos travaux, sans pour autant faire de tabous.

Je considère que la lutte contre le racisme doit être replacée au premier plan de nos priorités. Dans mon exposé, je me concentrerai sur les solutions préconisées et je vous propose de passer en revue une partie des près de 60 recommandations émises dans le rapport. Je précise également que quelques ajustements ont été apportés au document qui a pu vous être transmis la semaine dernière.

Pour tenter de définir le racisme, nous pouvons nous baser sur les termes de l'universitaire Michel Wieviorka, selon lequel il « consiste à caractériser un ensemble humain par des attributs naturels, eux-mêmes associés à des caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chaque individu relevant de cet ensemble et, à partir de là, à mettre éventuellement en œuvre des pratiques d'infériorisation et d'exclusion ».

En premier lieu, je soulignerai que face au racisme persistant, nous devons avoir une réponse nécessairement universaliste. Vous trouverez dans le présent rapport des éléments d'analyse détaillés sur l'émergence du racisme et de l'antisémitisme, qui ont été dès le départ combattus au nom des valeurs universelles. Vous trouverez également une analyse de différents concepts permettant d'expliquer les formes que prend le racisme. Il peut s'appliquer à un spectre très large : des crimes, des discours mais aussi des attitudes ou des préjugés. Ainsi, le racisme peut être difficile à définir. On peut notamment revenir à la catégorisation proposée par le politologue Daniel Sabbagh lors de son audition. Selon lui, il existe : le racisme comme idéologie ; le racisme comme une série d'attitudes psychologiques négatives, qui prennent la forme de réactions affectives ou émotionnelles, telles que la peur, la haine ou le mépris ; le racisme comme « système de production et de reproduction d'inégalités, empiriquement constatables, entre membres de groupes qu'on définit conventionnellement comme raciaux ».

La société française est l'une de celles qui connaissent le plus de mariages mixtes. Comme les enquêtes d'opinion le démontrent, elle est plus tolérante. Ainsi, seuls 6 % des Français interrogés dans le cadre du baromètre Racisme de 2019 estimaient qu'il « y a des races supérieures à d'autres ». 56 % des personnes pensaient que « toutes les races humaines se valent » et 32 % que « les races humaines n'existent pas ». 60 % des sondés se déclaraient « pas racistes du tout », contre 28 % au début des années 2000. Pour autant, les actes et discours racistes et antisémites connaissent une hausse très inquiétante depuis 2018. Sur le long terme (soit depuis 1992), la tendance est même celle d'une hausse continue des actes racistes recensés par le service central du renseignement territorial (SCRT).

Les chiffres attestent que le racisme, dans ses différentes manifestations, continue de fragiliser la cohésion de notre société. Il vise par ailleurs de nombreuses minorités, selon des formes spécifiques que nous avons tenu à étudier pour réfléchir aux solutions. Si l'ensemble des chiffres disponibles n'est pas simple à appréhender et est incomplet, le croisement des éléments disponibles du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice et des études sociologiques sur les discriminations perçues permettent de dresser un tableau qui n'est pas rassurant. Tout d'abord, le racisme anti-Noirs demeure structuré par des préjugés ancrés et donne lieu à des faits discriminatoires en nombre important, dans différents domaines de la vie. L'antisémitisme connaît une hausse récente qui – avec 687 actes recensés par le SCRT – s'approche très dangereusement des niveaux des années 2000. Le racisme anti-Asiatiques a connu avec la pandémie actuelle une réactivation souvent fondée sur d'anciens clichés, et il ne doit plus être sous-estimé. Les actes de rejet et de haine envers les musulmans connaissent la plus forte hausse en valeur relative en 2019, atteignant 154 actes selon le SCRT. Enfin, le rejet des « populations Roms » – qui rassemblent différents groupes de cultures, de langues et de religions différentes – évolue malheureusement très peu et demeure largement banalisé. Alors que l'on observe pour les personnes noires, arabes, juives et musulmanes un indice de tolérance relativement élevé et qui progresse dans le temps, le rejet des Roms est massif et cette situation appelle une action résolue, une structuration et une prise en charge spécifiques dans le cadre du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Plus de 70 % des personnes pensent que les Roms forment un groupe à part et elles sont 60 % à penser que les Roms exploitent très souvent leurs enfants.

J'insiste sur le fait que la réponse au racisme ne peut qu'être universelle. Il ne faut pas chercher à établir de hiérarchie entre les racismes selon qu'ils concernent telle ou telle origine. Toutes les formes de racisme sont également dommageables pour la cohésion sociale, même si elles semblent marginales ou si elles ne se traduisent pas par des discriminations.

Le modèle « multiculturaliste », opposé au modèle universaliste, ne nous a pas convaincus, parce qu'il conduit bien souvent au communautarisme voire au « séparatisme ». La communauté fondamentale des citoyens est la communauté nationale, et c'est dans ce cadre que tous les citoyens sont égaux en droit. Quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion, les citoyens sont d'abord Français avant d'être noirs, blancs, asiatiques, musulmans, chrétiens, etc. Raisonner en fonction des communautés des uns et des autres, c'est adopter une logique « racialiste », et finalement utiliser des arguments racistes pour lutter contre le racisme, au risque d'exclure certains groupes (comme l'indiquait tout à l'heure le président Reda).

Toute approche autre que l'approche universelle est susceptible d'entraîner des effets pervers et de renforcer la « conscience raciale » de certaines minorités, tout en occasionnant des frustrations chez les populations dites « majoritaires ». De même, je ne soutiens pas le déploiement de statistiques ethniques sur le modèle anglo-saxon. À droit constant, beaucoup de données sont déjà disponibles et peuvent continuer à être collectées. Les statistiques ethnoraciales, dont les auditions ont montré qu'elles pouvaient entraîner des risques réels, ne recèleraient à mon sens pas de bénéfices avérés ou suffisants.

Je rappelle à cet égard que la « diversité » n'est pas seulement ethnique. Les historiens et démographes nous ont expliqué que les discriminations ont toujours existé et qu'elles se fondent toujours sur une multiplicité de facteurs. Au Moyen Âge, il pouvait s'agir de l'origine géographique (avec des éléments comme les provinces ou les quartiers) et bien évidemment le milieu social d'origine. Une politique de lutte contre le racisme doit aussi être universelle dans le sens qu'elle lutte contre toutes les inégalités sans réduire systématiquement les écarts constatés à des préjugés ethniques.

Reconnaître et traiter durablement le racisme, l'antisémitisme et les discriminations à l'œuvre, ce n'est certainement pas alimenter la victimisation, qui n'apporte aucune solution concrète aux personnes confrontées au racisme et tend au contraire à les enfermer. Pour lutter efficacement contre le racisme, il ne faut pas tant chercher des victimes (avec le risque d'alimenter une concurrence mémorielle) que valoriser des « héros », des modèles de personnes issues des minorités qui ont réussi grâce à leurs compétences.

La lutte contre le racisme doit aussi passer par la connaissance. Si la recherche historique a connu d'importants développements ces dernières années, tant en ce qui concerne les génocides que l'esclavage ou la colonisation, il convient de poursuivre et d'accentuer ses efforts. Ces progrès se heurtent au manque d'enseignants spécialisés sur ces sujets et je propose d'augmenter le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés aux sujets des génocides, de l'esclavage et de la colonisation et de créer des postes fléchés au Centre national de la recherche scientifique.

Par ailleurs, il paraît nécessaire d'améliorer la transmission de la connaissance historique dans l'enseignement primaire et secondaire. Pour ce faire, je propose de renforcer le nombre des heures consacrées à l'histoire-géographie ainsi qu'à l'enseignement moral et civique, de faire évoluer les programmes d'histoire du lycée, de promouvoir une mise à jour plus rapide des manuels scolaires aux programmes adaptés aux histoires locales lorsqu'une réforme est mise en œuvre . C'est un besoin particulièrement vrai en ce qui concerne les DOM. Enfin, il semble indispensable d'apporter un soutien public, aux réseaux de professeurs qui se constituent en vue de diffuser des outils pédagogiques disponibles pour l'ensemble de la profession et le grand public.

Au-delà des élèves, c'est également le grand public qu'il faut toucher et les musées ont un rôle essentiel à jouer sur ce plan. Je préconise de créer un musée d'histoire de la colonisation, car aucun musée de ce type n'existe à ce jour en France. Ce musée pourrait s'appuyer, d'une part, sur des expositions itinérantes, et, d'autre part, sur des outils numériques permettant de toucher de manière pérenne un large public. Les musées sont susceptibles de jouer un rôle, non seulement en termes de transmission des connaissances mais aussi comme lieux de mémoire. Or, pour lutter efficacement contre le racisme, il faut connaître, faire connaître mais aussi reconnaître. Sur ce sujet, la France a beaucoup avancé au cours des dernières décennies, avec notamment l'instauration de journées de commémoration relatives à la mémoire de la guerre d'Algérie, à l'esclavage ou encore aux crimes racistes et antisémites commis par l'État français pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il convient de prolonger cette politique sur un autre plan : l'inscription de la mémoire dans l'espace public. Au lieu de déboulonner des statues, il semble plus judicieux d'en ériger de nouvelles ou en choisissant des noms de rue et de bâtiments qui à la fois prennent en compte la diversité et commémorent la résistance à l'esclavage ou à la colonisation. À cet égard, je salue l'initiative du Ministère des Armées, qui a mis à disposition des élus locaux un recueil de personnalités issues de la diversité ayant combattu pour la France.

En deuxième lieu, nos travaux nous ont également conduits à examiner l'efficacité de la réponse pénale aux infractions à caractère raciste, c'est-à-dire à étudier le cadre juridique applicable et le rôle des différents acteurs de la chaîne pénale, policiers comme magistrats. Pour avoir une réponse pénale, il faut que des plaintes soient déposées. A cet égard, je souhaite souligner que l'image de « racisme » souvent associée à la police de la part de certains militants est largement infondée. Il existe sans doute du racisme dans la police comme dans le reste de la société, mais nous avons pu constater qu'il existe de nombreux dispositifs permettant de lutter contre les éventuels comportements racistes ou discriminatoires au sein de la police et de la gendarmerie. Eu égard à l'importance du rôle qu'elles jouent dans la réponse pénale et dans la confiance qu'ont nos concitoyens dans nos institutions, le devoir d'exemplarité de nos forces de l'ordre doit être infaillible.

Le cadre légal du contrôle d'identité permet trop souvent d'effectuer des contrôles discrétionnaires qui peuvent être vécus – à tort ou à raison – comme discriminatoires. Le rapport propose de clarifier le cadre applicable aux contrôles d'identité et de renforcer son efficacité pour la prévention et la répression des infractions. De manière générale, il conviendrait de donner à la hiérarchie des moyens plus effectifs de contrôler ce qui se passe sur le terrain. Enfin, si les services d'inspection (IGPN et IGGN) jouent pleinement leur rôle, il pourrait être judicieux de leur adjoindre un représentant du Défenseur des droits pour prévenir certaines critiques injustifiées. Il faudrait aussi renforcer le rôle de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en matière d'audit, de conseil et d'analyse afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie. À cet égard, le Beauvau de la sécurité semble propice à approfondir ces réflexions.

Concernant le cadre légal réprimant les infractions à caractère raciste, force est de constater qu'il est globalement satisfaisant, et même plutôt sévère par rapport à ce qui existe dans les autres grandes démocraties. La loi semble avoir trouvé un équilibre entre la nécessité d'incriminer certains propos et comportements racistes et l'exigence de préserver la liberté d'expression et la présomption d'innocence. Au-delà de ces exigences constitutionnelles, la loi pénale fait face à la difficulté d'apporter la preuve matérielle de certains propos ou de certains comportements. Il ne sera jamais possible de réprimer la totalité des comportements répréhensibles, mais les chiffres montrent que la réponse pénale progresse. Elle peut encore progresser en améliorant l'accueil des victimes et en étendant aux victimes d'infractions à caractère raciste la possibilité de porter plainte en ligne. La formation des policiers et magistrats devrait encore être renforcée pour mieux faire connaître les droits des victimes et pour mieux faire appliquer le cadre légal en vigueur.

En revanche, le sujet de la « haine en ligne » est particulièrement préoccupant. La lutte contre la haine en ligne se heurte, là encore, au principe fondamental – et auquel je suis également très attachée – de la liberté d'expression. Il ne paraît à ce stade pas possible de restreindre davantage la liberté d'expression (même en ligne) sans prévoir de solides garanties pour les droits de la défense et un contrôle du juge. Mais comme nous le savons bien, ces procédures ne sont souvent pas adaptées à la spécificité de la parole en ligne ni à son effet massif. Dans ce contexte, les dispositions nouvelles du projet de loi confortant les principes républicains seront très utiles, car elles permettent de répondre à la problématique des « sites miroirs » et d'accélérer le processus de sanction par la possibilité de recours à la comparution immédiate. Le rapport recommande par ailleurs de renforcer les moyens de la plateforme PHAROS, qui est spécialisée dans le signalement de certaines infractions commises en ligne.

En troisième lieu, nous devons impérativement répondre aux discriminations interdites par la loi et restaurer l'égalité républicaine. J'estime qu'il nous faut analyser précisément les freins limitant l'impact de l'action de groupe en matière de lutte contre les discriminations en fonction de l'origine, et mener une concertation avec les partenaires sociaux et les associations sur les moyens d'atteindre une réelle effectivité. Le redéploiement de la lutte contre le racisme et les discriminations est impératif et ce doit être une priorité politique de tout premier plan. Il est nécessaire de porter ce message politiquement, de relever les crédits de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et de disposer d'une meilleure visibilité sur les crédits consacrés par les différents ministères à ces questions.

Les risques de discriminations constatés dans certaines études et dans des testings (s'agissant notamment de l'accès à l'emploi et au logement) démontrent que nous avons un travail collectif à mener sur ces questions qui sont complexes à aborder, pour les entreprises en particulier. Nous devrions renforcer le recours aux tests de discrimination organisés selon un plan de déploiement précis et prévoyant des contrôles répétés par les pouvoirs publics, qui doivent en assurer un suivi dans le temps.

Il apparaît nécessaire de fixer, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2021-2023, la priorité de la professionnalisation de l'ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte (que ce soit dans le secteur public comme dans le secteur privé), notamment par un déploiement très vaste de mesures en faveur de la formation. Naturellement, il existe un devoir d'exemplarité du secteur public, et les membres de la fonction publique d'État comme les agents des collectivités territoriales doivent être particulièrement sensibilisés à ce sujet, notamment lorsqu'ils remplissent une fonction d'accueil.

Il conviendrait à la fois d'élargir les obligations des entreprises, notamment de formation, et de mettre à leur disposition – comme à celle de tous les acteurs publics et privés – une plateforme nationale de pilotage de la lutte contre le racisme et les discriminations dans les organisations car beaucoup manquent d'informations précises. Une concertation avec l'ensemble des branches devrait être menée. La lutte contre les discriminations dans les entreprises devrait faire l'objet d'un volet du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

Plusieurs mesures sont proposées à destination des plus grandes entreprises (avec entre autres des obligations d'autodiagnostics réguliers) et des plus petites (avec la désignation d'un référent au sein des comités sociaux et économiques). La logique est bien celle d'une coopération avec les entreprises et d'une démarche de progrès, et c'est d'ailleurs l'esprit de l'index de la diversité annoncé en janvier dernier par la ministre Elisabeth Moreno. L'absence d'engagement et de progrès constatés dans la durée, après des testings, devrait en revanche faire l'objet de sanctions de type « name and shame ».

Plusieurs mesures sont également proposées en matière de suivi des discriminations dans l'emploi public, et je préconise en particulier le renforcement des classes préparatoires intégrées – qui a été annoncé par le président de la République et la ministre Amélie de Montchalin – pour élargir le recrutement des écoles de service public et favoriser l'égalité des chances dans l'accès à la fonction publique.

Il convient de souligner que nous devons entreprendre un très grand travail de déconstruction des préjugés et qu'il faudra dédramatiser la charge morale pesant sur les biais cognitifs que nous avons tous. Compte tenu du fait que nous pouvons tous être victimes de nos propres préjugés, nous pouvons nous poser la question de savoir en quoi notre comportement peut entraîner des discriminations et en quoi il peut être modifié. Cette déconstruction des stéréotypes racistes passera en particulier par une action commune en faveur de la promotion des modèles de réussite et des parcours inspirants et pouvant servir d'exemples. Les pouvoirs publics doivent communiquer largement sur ces questions. Les actions menées par les associations en vue de faire émerger et faire connaître les modèles de réussite doivent être soutenues et diffusées. Les députés devraient à cet égard jouer un rôle renforcé sur tout le territoire, en lien avec ces associations.

Enfin, l'école joue un rôle essentiel dans la lutte contre le racisme et les discriminations sur deux plans. Tout d'abord, par le biais des enseignements qui y sont délivrés et des actions pédagogiques qui y sont menées. En particulier, il est nécessaire d'accompagner le développement de l'usage des réseaux sociaux et d'internet, et d'aider les jeunes à avoir un recul critique vis-à-vis des contenus qu'ils regardent et véhiculent. C'est pourquoi je propose de renforcer l'éducation aux outils numériques par la délivrance, à l'issue de l'école primaire et du collège, d'une attestation certifiant que les élèves ont bénéficié d'une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux. Pour rappel, il s'agit d'une proposition qui a été adoptée en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, en janvier, dans notre hémicycle.

La lutte contre le racisme et les discriminations passe également par la mise en œuvre d'une politique scolaire qui garantisse l'égalité des chances et favorise la mixité sociale. Les bienfaits des dédoublements de classes de CP et de CE1 en REP et REP+ ont été soulignés à plusieurs reprises dans le cadre de nos auditions. Il paraît indispensable d'entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, qui associe les collectivités territoriales, le ministère de l'éducation nationale et les parents d'élèves. Cette démarche doit s'accompagner d'un développement des options dans les collèges et lycées qui sont jugés moins attractifs que d'autres. Cette politique doit être accompagnée de dispositifs remédiant aux inégalités dans l'accès à l'enseignement supérieur. Il convient ainsi de favoriser l'entrée dans l'enseignement supérieur (et notamment dans les grandes écoles) par le développement du tutorat et du mentorat, et d'encourager l'alternance (qui permet de réduire le coût de la scolarité). Enfin, pour éviter les discriminations à l'entrée dans l'enseignement supérieur, les solutions déployées par certaines grandes écoles pour admettre davantage de boursiers sont essentielles. Je propose également d'anonymiser le nom du lycée d'origine du candidat dans Parcoursup.

Mes chers collègues, les évolutions apportées au projet de rapport depuis que vous en avez eu connaissance porteront, suite aux échanges que j'ai pu avoir avec plusieurs d'entre vous, sur : la reformulation de la recommandation n° 26 afin qu'elle englobe bien une formation initiale et continue renforcée pour les agents de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics ; une précision de la recommandation n° 36 pour spécifier que la plateforme de pilotage de la question du racisme, initialement visée à la recommandation n° 37, serait bien un outil à destination de l'ensemble des acteurs (publics comme privés) ; l'ajout d'une recommandation visant à renforcer le rôle des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté dans les établissements du second degré en matière de lutte contre le racisme et à systématiser la création de comités interdegrés et interétablissements. Sont également insérées une précision relative au fait que la proposition de résolution de notre collègue Sylvain Maillard n'a pas été adoptée à l'unanimité et a fait l'objet de réserves, la mention expresse des concours talents qui seront organisés dès 2021 dans cinq écoles de service public pour les élèves issus des classes préparatoires intégrées (qui seront rebaptisées classes talents), la mention de la nouvelle plateforme anti-discriminations, permettant une saisine en ligne par les particuliers et portée par le Défenseur des droits, ainsi qu'une précision relative au rôle de la médiation par l'art à l'école.

En conclusion, je souhaiterais rappeler que, si beaucoup a été fait, beaucoup reste encore à faire. Même s'il l'a été à de nombreuses reprises dans le cadre de nos auditions, je me permets de citer de nouveau le paradoxe de Tocqueville : plus une situation s'améliore, plus l'écart avec la situation idéale est ressenti subitement comme intolérable par ceux-là mêmes qui bénéficient de cette amélioration. Objectivité et subjectivité sont donc étroitement liées.

Éducation et mémoire constituent la colonne vertébrale de la connaissance, du respect de l'autre et du développement de l'esprit critique, en particulier face aux théories qui tentent de diffuser en France l'idée d'un racisme d'État, que nous récusons totalement.

Les enseignants, dont je tiens à souligner l'extraordinaire implication, doivent davantage bénéficier de formations spécifiques et des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission. Les policiers, les gendarmes et les magistrats mettent en œuvre la réponse pénale, dont l'efficacité doit être améliorée, en particulier s'agissant de la haine en ligne mais pas uniquement. Il apparaît également indispensable, au regard des enjeux attachés aux contrôles d'identité, de mener une large concertation en vue d'une réforme du cadre légal applicable à ces contrôles.

La lutte contre les discriminations fondées sur l'origine doit être plus résolue et mieux diffusée. Produites le plus souvent de manière indirecte et involontaire, ce sont aussi elles qui, au quotidien, sapent l'idéal républicain.

Il me paraît enfin utile de faire part de quelques mots de Monsieur Pap Ndiaye, qui nous a indiqué au cours de son audition : « Le racisme a effectivement une histoire. Il n'est pas, comme on pourrait le penser ou comme on peut le lire parfois, "de tout temps". Il n'est pas essentiellement lié à l'humanité. Dans le monde occidental, il apparaît à un moment donné dans l'histoire des hommes. Il peut aussi évoluer et disparaître ».

Je vous remercie pour votre assiduité lors des nombreuses auditions que nous avons menées et pour l'esprit qui a régné dans le cadre de nos travaux. J'adresse un remerciement particulier au président Robin Reda, avec qui j'ai apprécié de travailler ces dix derniers mois. Que nous ayons été dans la concorde ou pas, le respect, l'exigence et la bonne humeur ont toujours été présents dans nos échanges. Je souhaite également faire part de ma gratitude à nos trois administrateurs pour cette mission.

J'ai été particulièrement fière de vous présenter aujourd'hui le fruit de notre travail.

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Merci beaucoup Madame la rapporteure. Je partage largement les remerciements dont vous avez fait part, et je me permets d'y associer nos collaborateurs parlementaires respectifs.

Je propose à celles ou ceux d'entre vous d'exprimer leurs réactions ou propos complémentaires par rapport à l'exposé qui vient d'être fait.

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Je remercie les personnes ayant participé à l'élaboration de ce rapport, notre président Robin Reda et notre rapporteure Caroline Abadie. Les membres de la mission d'information couvraient un spectre politique assez large et nous avons pu avoir une façon de voir les choses qui pouvait être divergente. Je crois cependant que nous avons eu à cœur d'avoir des auditions suffisamment riches pour avancer dans nos réflexions et arriver à des propositions qui – il faut l'espérer – pourront contribuer à une amélioration de la situation par rapport au racisme. Si l'état de la société peut nous laisser à penser que le racisme n'est plus partagé par une majorité de nos concitoyens, les actes de racisme semblent augmenter. Cette contradiction fait que les solutions à apporter ne sont pas simples. Caroline Abadie a évoqué ce qui relevait de l'école et a insisté sur la déconstruction des préjugés (qui sont plus simples à voir chez les autres que chez soi-même).

Pour en revenir aux points du rapport sur lesquels nous avions des divergences, je tiens à saluer le travail de concorde qui a été effectué. J'ai un regret qui est que nous n'ayons pas pu auditionner Bernard Cazeneuve, qui avait travaillé sur le sujet de la formation des forces de l'ordre lorsqu'il était ministre de l'intérieur et qui aurait pu faire des propositions en la matière.

Il reste un point sur lequel nos différences sont plus importantes, mais il a bien été annexé au rapport. Je suis satisfaite de cette mission et je souhaite qu'elle nous permette d'avancer à petits pas dans un esprit d'intelligence collective et législative. Il faut se garder d'être pris par l'instantanéité et faire en sorte que la mémoire ne prenne pas le pas sur l'histoire, même si l'équilibre n'est pas toujours facile à trouver en la matière.

Merci à tous les participants à cette mission d'information.

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J'ai rejoint cette mission d'information après la phase d'auditions, et j'étais donc d'autant plus intéressé par la restitution qui a été effectuée. En tant que commissaire aux affaires culturelles et à l'éducation, je souhaitais parler de l'importance de l'audiovisuel dans la représentation et la déconstruction des stéréotypes qui peuvent souvent être liés à une forme d'assignation identitaire. Vous précisez dans le rapport que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) produit chaque année depuis 2009 un rapport sur la diversité dans l'audiovisuel. Vous avez fait part de votre opposition aux statistiques ethniques, et je la partage largement. Si aujourd'hui le CSA fait l'évaluation des personnes perçues comme « non blanches » à la télévision et à la radio, la loi Léotard consacrait la responsabilité des chaînes audiovisuelles dans la juste représentation de la société française dans toute sa diversité. Le rapport du CSA a le mérite d'exister, mais cette autorité n'a pas de pouvoir coercitif pour sanctionner les chaînes qui ne respecteraient pas cette obligation de représentation sur leurs antennes de la diversité de la société française. Aussi, il pourrait de mon point de vue être intéressant de créer sur le plan législatif une obligation pour les opérateurs de fournir au CSA des indicateurs qualitatifs et quantitatifs rendant compte des actions qu'ils mettent en œuvre pour promouvoir cette bonne représentation de la société française. Je m'appuierai à ce titre sur l'exemple de l'initiative mise en place par France Télévisions en interne, en définissant des indicateurs pour mesurer la visibilité des outre-mer et des cultures ultramarines sur ses antennes. Ils permettent de se fixer des objectifs et de les évaluer, pour ensuite rendre compte au CSA de leur atteinte. Il s'agit à mon sens d'un dispositif gagnant-gagnant qui donnerait la possibilité aux sociétés audiovisuelles de faire un exercice sur elles-mêmes, sur la manière dont elles montrent la diversité sur leurs antennes, tout en gardant la main sur ces indicateurs, à l'instar de ce que vous mettiez en avant avec le plan annoncé par la Ministre Elisabeth Moreno pour le monde de l'entreprise.

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Je souhaitais m'associer aux remerciements formulés et à la reconnaissance du travail effectué dans le cadre de cette mission d'information. Le sujet traité était ambitieux et il a été abordé avec ambition. Les nombreuses propositions formulées au travers de ce rapport témoignent du sérieux du travail accompli. Je remercie d'ailleurs madame la rapporteure d'avoir été attentive à mes remarques tardives sur ce qui a trait à la promotion, à la mise en avant et au partage de vécu positif. Nous avons en France une culture qui est – à juste titre – très centrée sur la dénonciation, la réprobation, la sanction et l'encadrement de ce qui ne va pas, mais il me semble nécessaire de favoriser les échanges, le partage et le vécu commun. C'est l'objet des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté inter-établissements.

Je terminerai par une remarque en soulignant le fait que le rapport fait entre l'accueil de l'étranger et la peur des migrants est un pan à ne pas négliger lorsqu'il est question de lutte contre le racisme. Ce point a peut-être néanmoins été abordé lors de certaines auditions, sachant que je n'ai pas pu assister à toutes.

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Madame la rapporteure, je vous propose de réagir aux interventions qui viennent d'être effectuées.

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Je partage le constat de Michèle Victory sur le fait que nous n'avons pas été épargnés par les contradictions dans le cadre de cette mission. Les idées exprimées contribuent à la richesse du rapport qui a été produit. La notion de charge morale me semble fondamentale à prendre en compte. Elle a été évoquée à plusieurs reprises pendant les auditions, non seulement par des sociologues mais aussi par les représentants de la Fondation Thuram. Il faut admettre que nous pouvons tous avoir des préjugés et faire en sorte de travailler dessus, notamment en soutenant les associations qui travaillent sur ces sujets. Professionnaliser la lutte contre le racisme permettrait à ces associations d'agir tout en « embarquant » d'autres acteurs (du professeur d'histoire-géographie à l'adjoint à la culture, ou des entreprises de l'audiovisuel aux petites sociétés en passant par des associations sportives). Chacun à son niveau peut agir contre les préjugés racistes. Comme ils sont partout, ils peuvent également être combattus partout.

Pour répondre à Raphaël Gérard, les statistiques ethniques ne sont pas autorisées dans notre pays mais il existe toutefois des dérogations dans des situations particulières (moyennant une garantie de l'anonymat). En tout état de cause, des statistiques ethnoraciales ne peuvent pas être utilisées à un niveau gouvernemental, ce qui est la crainte que tout un chacun peut avoir. Il peut être fait recours à des statistiques à l'échelle des entreprises, en particulier dans des démarches d'autoperception, ce qui peut aussi éviter d'enfermer des personnes dans des catégories. Nous avons encore eu hier soir des discussions avec Michèle Victory au sujet du pacte de visibilité de France Télévisions. Si la fermeture de France Ô a pu susciter des craintes, ce pacte a déjà permis des évolutions.

Je souligne en outre la diffusion, au mois d'octobre, en prime time, d'un documentaire dont Pascal Blanchard est co-auteur, sur la décolonisation.

Je remercie Marie Tamarelle-Verhaeghe pour les commentaires apportés. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée de parler des comités inter-établissements dans le rapport.

La question particulière de l'accueil des étrangers a été traitée dans le rapport. Il a entre autres été souligné que leur accueil au niveau des préfectures pouvait être difficile s'ils étaient seuls et beaucoup plus courtois s'ils étaient accompagnés. Il semble donc possible de faire évoluer le regard de l'administration sur ces personnes.

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Concernant les enjeux de mixité sociale dans la politique de la ville, il est à espérer que ce rapport pourra permettre de retravailler un certain nombre d'aspects. Dans le cadre d'une audition, un intervenant avait souligné le fait que les enjeux de mixité sociale pouvaient être visibles à l'échelle d'un quartier mais aussi parfois d'un immeuble. La politique de la ville peut avoir un impact sur l'accès au logement et à l'emploi, et il faut parvenir à remettre à plat ce type de sujets, en lien avec les élus locaux.

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Comme tout bon rapport, il dresse un état des lieux et peut être vu comme un point de départ. Je ne doute pas que les sujets qu'il aborde pourront faire l'objet de nouveaux échanges dans les mois qui viennent. J'espère que les éclairages et les recommandations qu'il porte permettront à notre mission d'information d'avoir été utile.

Avec Madame la rapporteure, nous aurons l'occasion de reparler du travail conséquent qui a été mené et de mettre au débat certaines propositions. Merci encore à toutes et tous.

Compte tenu de nos échanges et en l'absence d'expression d'opposition ou d'abstention, je considère que la publication du présent rapport est autorisée par notre mission d'information à l'unanimité.

La mission d'information autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

La séance est levée à 18 heures 45.