Intervention de Buon Tan

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBuon Tan :

Monsieur le préfet, je vous remercie pour votre très intéressante présentation. Je vais essayer néanmoins de vous « challenger » un peu.

Vous avez dit que les décideurs situés au sommet de la pyramide devaient connaître en détail les plans mis en œuvre. Je souscris à l'idée qu'une planification est nécessaire. Je l'appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Je me réjouis de la nomination d'un haut-commissaire au plan, tout en considérant qu'il faut aller plus loin. Toutefois, notre système politique n'en limite-t-il pas la possibilité ? Le Président de la République est élu pour cinq ans, les élus locaux pour six, et les membres du Gouvernement sont nommés au plus pour cinq ans. Pouvons-nous, sur cette base, construire un système dans lequel les décideurs connaissent en détail les plans de réaction ?

Ma deuxième question porte sur l'alliance dont nous sommes membres depuis plusieurs décennies, et avec raison compte tenu de notre histoire. Ne faut-il pas se demander s'il est judicieux de continuer à raisonner dans ce cadre ? Lorsque les États-Unis ont eu besoin de vaccins, nous leur avons envoyé une part de notre production. En revanche, au plus fort de la crise sanitaire, lorsque nous en manquions et qu'ils en produisaient, ils ont gardé pour eux 100 % de leurs doses de vaccin. S'agit-il toujours d'alliés solidaires auxquels nous pouvons faire confiance les yeux fermés ? Pouvons-nous bâtir notre stratégie de défense militaire sur cette base ?

D'autre part, existe-t-il une stratégie coordonnée à l'échelle de l'Europe ? Nous gérons très bien les risques afférents à nos centrales nucléaires, grâce à des organismes qui suivent ces questions de près, mais qu'en sera-t-il demain si un autre Tchernobyl survient ? L'Ukraine, pays en guerre à trois heures d'avion, compte cinq ou six centrales nucléaires. En Croatie, le risque d'une deuxième invasion du territoire n'est pas nul. Quant au stock de missiles balistiques, il a assez de puissance pour faire exploser trois fois la planète. En cas de dérapage, que ferons-nous ? Sans aller jusqu'à imaginer une guerre déclenchée de propos délibéré, si demain un sous-marin nucléaire a un accident au large de nos côtes, que ferons-nous ? Avons-nous pris des dispositions pour gérer cela aux niveaux français, européen et international ?

Enfin, j'ai proposé, lorsque nous avons souffert d'une pénurie de masques, de réfléchir à la constitution d'un stock européen de médicaments, de respirateurs et de masques, réparti dans cinq ou six pays. Je n'ai pas l'impression que cette idée ait été retenue. Quoi qu'il en soit, il ne me semble pas viable de rapatrier la production de tous les produits dont nous pourrions avoir besoin en cas de crise. L'exemple des masques le prouve ; j'avais d'ailleurs dit d'emblée qu'en rapatrier la production était une hérésie. Une fois la crise passée, nous ne savons plus quoi en faire. De toute façon, si demain une crise plus forte survenait, notre production ne suffirait pas à couvrir nos besoins. S'agissant des médicaments, dont nous ne maîtrisons pas la production des ingrédients primaires, rapatrier leur production oblige à rapatrier la pollution qui va avec et à en accepter le surcoût. Même si cela semble nécessaire, notre société est-elle prête à l'accepter ?

Toutes ces questions sont liées entre elles. Dernière observation, sur la nécessité de disposer d'une force vive capable de réagir à une crise : la réserve citoyenne – je fais partie de celle de la gendarmerie – est insuffisamment sollicitée. Certes, il faudrait construire un système avec plus de personnes en réserve, mais si nous n'y faisons pas appel, c'est inutile.

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