Intervention de Nicolas de Maistre

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l'État :

Je considère que, malgré les échéances électorales, les démocraties peuvent s'équiper d'outils de temps long. Nos lois de programmation sont d'ores et déjà pluriannuelles ; peut-être faudrait-il réfléchir au développement d'autres outils offrant une vision à cinq ou dix ans. En matière d'armement nucléaire et de production d'énergie électrique nucléaire, par exemple, la réflexion se déploie à échéance de trente ans. Il convient d'examiner comment conserver les échéances démocratiques, qui nourrissent le rapport entre les élus et le peuple, tout en étant capable de conduire certaines réflexions inscrites sur des durées plus longues. Nous devons réfléchir à des programmations pluriannuelles, ainsi qu'au développement de politiques européennes permettant d'inscrire les choses dans une durée plus longue, avec une stabilité accrue.

S'agissant du rapport entre les décideurs et les spécialistes, il faut employer nos experts à la formation des membres de cabinet ministériels, ce à quoi nous travaillons. Nous souhaitons proposer des formations rapides in situ, plutôt qu'inviter les personnes concernées, dont le temps est compté. On peut aussi imaginer de nouvelles pratiques. Par exemple, le directeur de cabinet adjoint pourrait avoir systématiquement, parmi ses attributions, la gestion de crise, ce qui supposerait qu'il suive certaines formations. En matière de souveraineté, l'Europe doit jouer toute sa partie, de même que les Américains et les Chinois jouent la leur. La réflexion sur la souveraineté doit être conduite au niveau européen. Les questions relatives à la capacité de l'Europe à produire certains produits s'inscrivent d'ailleurs dans ce cadre. Ayant travaillé à Bruxelles, je connais la difficulté inhérente à l'absence de droits de douane. Si nous considérons que, pour la production de certains produits critiques, nous devons à la fois disposer d'une autonomie stratégique tout en restant compétitifs, à l'échelle mondiale, il faudra élaborer un système fondé soit sur des barrières douanières, soit sur des marchés garantissant à certains producteurs européens la capacité de produire dans le temps. Nous pourrions envisager la constitution de stocks et la définition de politiques d'achat au niveau européen, un peu comme nous le faisons dans le monde de la défense, afin de garantir la production en Europe de certains produits. C'est ce à quoi nous travaillons dans le cadre du projet de création d'une BARDA.

S'agissant de la production de médicaments en Europe, je partage votre analyse sur la difficulté qu'elle présente, monsieur le député. Si l'Europe a perdu la capacité de produire des molécules primaires, c'est surtout en raison de la contrainte environnementale. Sommes-nous capables d'imaginer le retour d'une production qui, même si elle est aux normes européennes, pollue ? Je pense que nous n'avons pas le choix. D'ailleurs, n'est-il pas meilleur pour la planète de produire aux normes européennes, ce qui certes polluera, mais nettement moins que la production dans des pays tels que l'Inde ou la Chine, où ces productions ont été délocalisées ? Bien entendu, nous ne pouvons pas procéder ainsi pour tous les produits, mais, pour certains d'entre eux, les plus critiques, nous devons absolument recouvrer une autonomie. Nous avons connu l'an dernier des difficultés d'approvisionnement en curares. On ne peut quand même pas imaginer que les pays d'Europe ne soient plus en mesure de traiter leurs populations faute de produits !

Pour vous répondre, j'estime, enfin, que le secteur nucléaire est bien géré.

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