Intervention de Sereine Mauborgne

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSereine Mauborgne, présidente :

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'on n'utilise pas suffisamment les réserves, notamment parce que les budgets qui leur sont consacrés sont insuffisants, ce qui rend difficile le maintien de leurs compétences et en réduit l'utilité. Il y a toutefois une autre raison, qui m'est apparue au cours des quatre mois que j'ai passés dans une agence régionale de santé (ARS) pendant la crise, en tant que députée et infirmière de profession : nous avons de façon générale beaucoup de mal à passer de l'identification à la formulation des besoins. Nous nous sommes tout de même retrouvés avec des militaires prêts à intervenir, mais qui n'ont pas été mobilisés tout de suite. La raison en est que, quand on ne sait pas faire, on ne sait pas demander, surtout lorsqu'on est haut fonctionnaire ! Chacun reste dans son couloir – sauf qu'avec cette attitude, les grosses difficultés arrivent vite. Pour avoir vécu beaucoup dans l'urgence concrète, dans l'enjeu physique et mortel, je sais que ne pas arriver à dire qu'on ne sait pas faire, cela met tout le monde en danger. Il serait bon d'y remédier, en liaison avec les militaires et les soignants.

Nous devons vraiment prendre de bons réflexes. Je suis assez d'accord avec M. le rapporteur, et je le dis avec tout le respect que l'on doit aux victimes : nous n'avons tout de même pas bien cher payé une crise qui aurait pu être dramatique. Face à un virus Ebola, nous aurions eu des milliers et des milliers de morts – parce que les Français n'étaient pas prêts à appliquer les gestes barrières, parce qu'ils ne comprenaient pas le sens de la crise, etc. J'entends ce que vous dites sur la question de la communication et la nécessité de trouver des personnes qui incarnent l'autorité de la parole scientifique, mais il y a des manques dans votre discours. Par exemple, qui, d'après vous, doit piloter dans les cas où plusieurs ministères sont concernés et où, à l'évidence, quelque chose ne fonctionne pas ?

Pour prendre un exemple, les professionnels des pompes funèbres ne relèvent vraiment ni du ministère de l'intérieur ni de celui de la santé. Ils ne sont pas des professionnels de santé, ce qui d'ailleurs pour moi est une hérésie, et de surcroît très significatif quant au rapport à la mort de notre société. Bref, depuis deux ans que dure la crise, ils sont systématiquement exclus de toutes les décisions visant à protéger les personnels de santé : ils n'ont pas eu d'équipements de protection individuelle, ils n'ont pas été prioritaires pour la vaccination, leurs enfants n'ont pas été prioritaires pour l'accès à l'école… Il est tout de même inouï de se dire que ces gens qui sont au bout de la chaîne de tout ce que nous n'avons pas réussi à faire n'apparaissent nulle part. Je me suis battue pour eux systématiquement, à chaque nouvelle décision, auprès du ministère de l'intérieur.

Pour moi, il aurait dû y avoir quelqu'un pour remarquer qu'on avait fait une connerie en ne mettant pas les professionnels du funéraire dans la boucle. Il faut un pilote dans l'avion, quelqu'un qui s'assure que, quand une erreur a été commise une première fois, elle ne va pas être réitérée pendant toute la crise. Je parle de choses très concrètes : qui est allé demander combien on avait de sacs pour mettre des corps, ou de certificats de décès papier ? Personne.

Au ministère de l'intérieur, tout le monde vous dira, parmi ceux qui participent d'une manière ou d'une autre à la gestion des décès massifs, qu'il n'y a pas besoin de certificat de décès papier parce que les médecins les télétransmettent. C'est faux : même pas 5 % des médecins sont équipés. Les autres remplissent en triple exemplaire un formulaire CERFA fabriqué par l'Imprimerie nationale. Dans ma commune, lorsque mon mari en rédige un, il doit le déposer à la mairie pour en obtenir un vierge. Pour 12 000 habitants, il y en a quatorze d'avance. Que fait-on lorsqu'il y a cinquante morts ? Et je ne parle même pas des situations de menace hybride, avec par exemple des problèmes informatiques qui empêcheraient la télétransmission…

Je comprends bien la nécessité de se préoccuper de grandes priorités comme les matières premières ou les médicaments, mais il faut aussi s'interroger sur la façon de faire concrètement fonctionner les choses.

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