Intervention de Laurent Michel

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 15h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) :

Je vous propose une première réflexion générale sur le cadre de l'action climatique tant en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) que d'adaptation.

Il ne fait plus de doute que les émissions de GES d'origine humaine induisent une très forte augmentation de C02 et autres GES dans l'atmosphère. Leur conséquence est un réchauffement croissant et en bonne partie irréversible, bien que l'objectif soit de le limiter. Ce réchauffement entraîne des changements extrêmement rapides sur le niveau des océans ou les régimes hydrologiques. Selon les latitudes, il a davantage pour conséquences des sécheresses, des précipitations intenses ou des événements climatiques extrêmes.

Dans ce cadre, un ensemble d'actions de la communauté internationale, européenne et nationale visent à réduire les émissions de GES.

Par une série de lois-cadres – loi pour la transition énergétique pour une croissance verte en 2015, loi relative à l'énergie et au climat en 2019 – et opérationnelles – loi d'orientation des mobilités, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets –, nous disposons d'un cadre d'actions visant à fixer les objectifs et les orientations, et à réaliser le suivi de leur mise en œuvre. Il s'agit en particulier des objectifs de neutralité carbone en 2050 et de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et sa déclinaison par une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fixe par périodes successives de cinq ans les objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Ainsi, la loi relative à l'énergie et au climat adoptée par le Parlement en 2019 prévoit une loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) qui devra fixer les grands objectifs de la PPE et de la SNBC, et être votée avant le 1er juillet 2023.

Cet enjeu des prochains mois précèdera les documents opérationnels avec un rôle renforcé du Parlement.

Évidemment, les appréciations peuvent varier tant le sujet est large et complexe. Avec l'ensemble des lois et plans d'action votés ainsi que les lois thématiques précitées, nous estimons suivre à peu près les objectifs fixés pour 2030. Une étude indépendante menée par le cabinet Boston Consulting Group début 2021 à la demande du Gouvernement considère que la mise en œuvre exhaustive de l'ensemble des mesures législatives permettrait presque d'atteindre les objectifs fixés pour 2030 (– 40 % d'émissions de GES), avec une estimation de – 38 %. Cette étude ne prenait évidemment pas en compte les effets de la loi dite « climat et résilience » – loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Néanmoins, le triomphalisme n'est pas de mise tant le chemin nécessite une grande « dédication » dans l'application très pointue et dans la diffusion de l'ensemble des mesures et orientation sur tous les secteurs et tous les territoires.

Par ailleurs, dans le cadre d'une accélération des enjeux et de la trajectoire vers la neutralité carbone, l'Union européenne a adopté un objectif de réduction de 55 % des émissions entre 1990 et 2030. La Commission a déposé le 14 juillet 2021 des propositions législatives qui seront discutées dans les prochains mois pour fournir des outils et objectifs sectoriels et thématiques. Le passage à – 55 % d'émissions en 2030 induit évidemment des défis encore plus importants à relever.

L'enjeu de la résilience a été perçu plus récemment et mérite une meilleure intégration dans les politiques publiques et les actions de tous les acteurs. Un premier plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) a été adopté en 2011 pour une période de cinq ans. Les évaluations de ce premier plan ont permis d'élaborer en 2018 le second PNACC qui définit un ensemble d'actions selon six axes, afin de répondre aux enjeux d'adaptation qu'ils soient transversaux – gestion de l'eau et des milieux naturels – ou plus économiques – vulnérabilité des filières économiques –. Le plan fait l'objet d'un suivi régulier et d'un rapport annuel rendu public avec un avis du Conseil national de la transition écologique (CNTE).

Si les actions sont dans l'ensemble correctement lancées, nous nous situons à un point de bascule où l'appropriation et la mise en œuvre, tant territoriale que dans les secteurs économiques, doivent s'accélérer. Les ministres Barbara Pompili et Julien Denormandie et la secrétaire d'État chargée de la biodiversité Bérangère Abba ont ainsi lancé le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, afin d'identifier les impacts, les solutions et leurs leviers. Au-delà de la question de la ressource en eau pour l'agriculture, se pose celle des calamités.

Par ailleurs, M. Denormandie et Mme Abba ont annoncé des Assises de la forêt et du bois, qui devraient débuter en octobre 2021 et qui aborderont la question de la résilience de la forêt face au changement climatique et autres phénomènes pouvant se cumuler – comme l'affaiblissement de la forêt par des parasites renforcés par les effets du changement climatique et pouvant amener à des dépérissements rapides, voire irréversibles. L'objectif est de réaliser un travail d'ensemble traitant de la forêt, du bois, de ses usages aval – levier possible de réduction des émissions de GES – et de la filière bois – du sciage à la transformation en passant par l'énergie.

Ces exemples montrent que nous devons encore démultiplier par des initiatives publiques ou privées la prise en compte des enjeux d'adaptation dans la sphère économique et au-delà. La forêt est ainsi au carrefour de visions spatiales, territoriales, de biodiversité et économiques.

La sécurité d'approvisionnement énergétique en France repose de longue date sur des principes confortés par l'enjeu climatique : la maîtrise des consommations d'énergie, la résilience autour de la diversification des sources d'approvisionnement extranationales, la mise en œuvre de réseaux maillés, de politiques et plans de préparation à la gestion de crise.

L'enjeu climatique implique que la sécurité de l'approvisionnement soit prise en compte dans les décisions de la PPE et dans les schémas de développement des infrastructures – électriques, gaz, et hydrogène dans le futur.

Des décisions relativement lourdes seront à prendre au début des prochains mandats sur l'évolution de notre parc de production électrique face à un besoin croissant. En effet, après une période de stabilité, une croissance de la consommation d'électricité est attendue à l'horizon 2030 en lien avec les enjeux climatiques, qui coïncidera avec le renouvellement de parcs nucléaires, d'énergies renouvelables (EnR) et hydroélectriques.

Ces décisions porteront également sur l'adaptation des réseaux, entre autres électriques, et les questions de flexibilité et de stockage. Elles seront sûrement l'occasion de s'interroger sur les impacts du changement climatique. Le Réseau de transport d'électricité (RTE) remettra au Gouvernement en octobre 2021 les résultats d'une étude portant sur la moindre disponibilité d'eau pour refroidir les moyens de production et sur la résistance des réseaux à davantage de chaleur.

Le développement de productions renouvelables nationales est un facteur de résilience en soi, dans la mesure où il diminue notre exposition aux éventuelles crises internationales d'approvisionnement et augmente notre indépendance. Les réseaux sont l'un des enjeux clés, y compris en termes d'adaptation au changement climatique.

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