Intervention de Laurent Michel

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 15h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) :

Je répondrai d'abord sur le pétrole, relativement déconnecté des deux autres vecteurs, alors qu'il existe une connexion entre gaz et électricité.

Premièrement, depuis des décennies, la stratégie française repose sur la diversification des sources d'approvisionnement en pétrole, encouragée auprès des opérateurs puisque l'État n'est pas un acheteur. De mémoire, il est très rare qu'un seul pays représente plus de 20 % de l'approvisionnement annuel. Il est très souvent fait appel à quatre ou cinq pays – Russie, Norvège, Arabie Saoudite, Kazakhstan –, qui représentent chacun 10 à 20 % des approvisionnements, suivis par une myriade de pays approvisionnant.

Alors que, dans les années 70, 75 à 80 % des approvisionnements provenaient du Moyen-Orient, ceux-ci représentent désormais moins de 30 %. Cette part est relativement stable.

Deuxièmement, la politique adoptée par certains pays sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) suppose la disponibilité minimale d'un stock stratégique de pétrole – brut et produits raffinés – au moins équivalent à quatre-vingt-dix jours. En moyenne, ce stock stratégique approche plutôt cent-vingt jours, auxquels s'ajoutent quinze jours de stock commercial. L'objectif est d'abord géostratégique, en cas de grande rupture internationale : les stocks de pétrole brut permettent un raffinage si l'importation est arrêtée et les stocks de produits raffinés permettent de faire face aux problèmes d'importation ou d'arrêt fortuit d'une raffinerie. Ces éléments permettent tout de même une résilience considérable.

Lors de la crise du covid-19, nous avons réalisé des calculs sur d'éventuelles difficultés dans les champs de production ou sur un arrêt des importations par voie maritime. Nous disposions de six à neuf mois de « tranquillité », le temps que les champs pétroliers fonctionnent à nouveau. Évidemment, la consommation était moindre du fait de la pandémie, car si elle empêchait de produire, elle empêchait également de consommer.

La résilience pétrolière est donc relativement satisfaisante grâce à la diversité des points d'entrée sur le territoire – ports et réseau d'oléoducs – et à des stocks stratégiques.

Pour le gaz, la situation est relativement semblable, mais avec des leviers techniques et réglementaires légèrement différents. Une diversification des sources d'approvisionnement est également prônée. Si Gaz de France a longtemps été le seul acteur, plusieurs sont désormais fournisseurs. Nous disposons de plusieurs points d'entrée par gazoducs et par quatre terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL). Ils sont plutôt complémentaires, les gazoducs pouvant acheminer depuis l'Algérie, l'est de l'Europe, la Norvège ou les Pays-Bas alors que les terminaux d'importation accueillent des navires en provenance d'Afrique, d'Océanie, d'Asie, d'Amérique depuis quelques années et du Moyen-Orient. Ce réseau d'infrastructures garantit donc la diversité des sources d'approvisionnement.

Un ensemble de moyens physiques et règlementaires fait peser sur les fournisseurs de gaz une obligation de délivrer calculée en fonction du volume de clients. Chaque fournisseur doit être capable de prouver à l'administration, par des réservations fermes dans les interconnexions ou des stocks souterrains, qu'il est en mesure de passer les pointes d'hiver. L'absence de preuve se traduit par des pénalités financières extrêmement importantes, donc très dissuasives, ce qui garantit un bon remplissage des stockages de gaz.

Nous en avons la preuve par l'exemple actuellement. En effet, le prix du gaz est relativement élevé en Europe et n'incite donc pas à stocker. Par cette réglementation, la France dispose de l'un des taux de remplissage les plus élevés d'Europe puisqu'elle a pratiquement atteint le niveau normal attendu en début d'automne.

Par conséquent, nous avons besoin de ces moyens de stockage et d'une règlementation allant au-delà des simples intérêts de court terme du marché.

Par ailleurs, l'État garantit aux sociétés de stockage un revenu minimal couvrant l'absence de stock par les fournisseurs. Cette situation créerait des difficultés économiques aux sociétés de stockage, qui ont besoin de visibilité au regard de leurs coûts fixes. Ce mécanisme n'a jamais été mis en œuvre, mais constitue une sorte d'assurance.

Pour l'électricité enfin, à court terme, nous pensons être dans une situation moins tendue qu'en 2020 lors de la crise du covid-19, qui a provoqué un inévitable décalage des programmes de maintenance des centrales nucléaires, impactés par des difficultés de travail au printemps et à l'été. Normalement, la disponibilité du parc nucléaire sera plus élevée à l'automne 2021, car des réacteurs à l'arrêt depuis longtemps sont revenus sur le réseau. Nous suivons avec EDF et RTE les calendriers de maintenance des réacteurs afin de nous assurer que les délais ne dépassent pas outre mesure les délais de retour sur le circuit.

De même, nous suivons l'état des barrages et du parc de production à gaz qui assure la pointe. Par ailleurs, si les énergies renouvelables ne sont certes pas toujours en fonctionnement, statistiquement, elles apportent une sécurité d'approvisionnement. Le volume de ce parc a également augmenté.

L'hiver 2021-2022 fera évidemment l'objet d'une surveillance, mais la situation est plutôt meilleure qu'en 2020. Et nous avons renforcé, via des appels d'offres, les capacités d'effacement que le gestionnaire du réseau peut activer en cas de trop forte consommation.

À l'avenir, il s'agira de mener à bien une planification et un renouvellement des réseaux et de la production. Les décisions prises dans les trois à quatre ans devront établir un programme pour les vingt ans à venir.

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