Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 17h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Pierre-Franck Chevet, président de l'IFPEN :

Les aides devraient davantage accompagner les mises au point industrielles ou quasi industrielles. Prenons l'exemple du captage ou stockage du carbone, technologie qui sera disponible pour un déploiement massif à échéance de trois ans. Actuellement, pour se développer, elle ne bénéficie que des crédits carbone générés par le système européen d'échange de quotas, qui valorise le carbone à une cinquantaine d'euros la tonne de C02. Si les procédés sont à moins de 50 euros, vous avez intérêt à les mettre en œuvre et il n'est nul besoin d'intervenir. Or, pour des technologies telles que le captage et le stockage de carbone, nous n'avons pas terminé l'ensemble des déploiements, et nous nous situons à environ 200 euros par tonne. Aucun industriel ne franchira seul la phase d'essais de mise au point finale s'il n'y a pas d'encouragement public. Il n'y a pas de raison de le faire si d'autres utilisent ensuite la technologie toute faite. Un accompagnement public est nécessaire.

Pour l'instant, le décalage entre le coût du carbone de marché et le coût de ces technologies est encore trop important. Il n'existe aucune incitation particulière de la puissance publique.

Je reviens à la question de savoir où nous en sommes. Cela dépend des énergies. Nous ne sommes pas en retard sur toutes. Sur les hydrocarbures, les entreprises françaises sont plutôt leaders mondiaux et se répartissent le fruit du travail mené historiquement sur ces sujets. Dans le domaine des énergies renouvelables, nous sommes globalement en retard s'agissant de l'éolien et du photovoltaïque. Les Chinois ont un marché interne qui leur permet de rentabiliser leurs investissements beaucoup plus rapidement. Il n'existe aucun fabricant français de turbine et de mât d'éolienne.

En revanche, les industriels français ont des perspectives dans l'éolien offshore flottant. Les développements électriques de l'éolien seront tout à fait considérables. Mais le territoire français n'est pas infini et les projets offshore posés au droit des côtes se heurtent à quelques questionnements. La nouvelle frontière en cours d'exploration est l'éolien flottant, qui permet de s'éloigner des côtes et d'éviter les conflits d'usage – pêche, tourisme, nautisme. La technologie est en train de monter en puissance. Le projet est notamment porté par EDF en Méditerranée. C'est probablement un moyen pour la France de revenir dans la course sur ce segment d'avenir, compte tenu des contraintes d'espace évoquées.

La France doit également se lancer dans le domaine des biocarburants avec la ressource qui est à sa disposition, à savoir les résidus de production agricole. L'IFPEN, en tant qu'organisme de référence, dispose d'un vrai savoir-faire. Le monde agricole peut tout à fait s'organiser – et s'organise déjà – pour collecter les déchets de première génération permettant de fabriquer des biocarburants. À terme, il conviendra de développer la deuxième génération, conformément à la nouvelle directive européenne sur le sujet. Les nouvelles technologies sont disponible, elles attendent simplement d'être déployées et prises en main.

Pour le moment, alors même que les procédés existent et sont validés, il n'existe aucun projet en France de construction d'une raffinerie de biocarburant de seconde génération. En termes de résilience, la ressource est sur le territoire et il est tout à fait imaginable de construire les usines qui produiront les carburants bios. C'est une opportunité à saisir.

Enfin, la France a des atouts pour développer la production d'hydrogène. Ce qu'elle sait faire en termes de production nucléaire relève de décisions éminemment politiques. L'hydrogène est l'un des moyens de stocker l'excédent d'électricité. Il permettrait d'assurer une stabilité globale des réseaux, complètant le renforcement des interconnexions aux frontières électriques.

L'hydrogène peut également servir à fabriquer des carburants de synthèse qui s'apparentent à des biocarburants. Il peut également être utilisé directement dans les véhicules. Deux types de technologies sont tout à fait à notre portée : la pile à combustible et le moteur alimenté à 100 % par de l'hydrogène. Des essais sont en cours, car cette technologie est beaucoup plus accessible et capable de faire l'objet de rétrofit. Le gain environnemental serait beaucoup plus rapide et moins onéreux que celui de la pile à combustible, ce qui nous renvoie à la question de l'acceptabilité des coûts des solutions pour la transition énergétique.

La situation est relativement contrastée. Sur certains sujets, nous avons un peu perdu la main. Le travail sur la prochaine génération de batteries qui, avec les giga factories, devrait nous permettre de rattraper notre retard.

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