J'évoquerai moi aussi le double défi auquel nous faisons face actuellement dans le domaine de l'énergie et élargirai le débat puisque c'est TotalEnergies qui s'exprime, et non plus Total, et que l'équation générale de TotalEnergies est désormais multiénergétique.
Considérons le double défi qui s'offre à nous : d'un côté le défi lié au changement climatique, qui est une réalité et pour lequel la société entière doit se mobiliser. Pour atteindre l'objectif de limitation du réchauffement à 1,5°C, la société doit être neutre en carbone dès 2050, objectif qu'il nous faut tenir collectivement.
Le deuxième défi doit nous amener à assurer un accès à l'énergie responsable pour une population mondiale croissante : en 2050, nous compterons 2 milliards d'individus de plus. Il s'agit de leur apporter une énergie fiable, abordable, propre et de faire en sorte qu'une partie de la population mondiale qui n'a pas accès à l'énergie puisse y avoir accès.
La raison d'être de TotalEnergies est de fournir au plus grand nombre une énergie abordable, disponible, plus propre. Nous nous sommes donc fixé des objectifs très clairs pour devenir un des acteurs majeurs de la transition énergétique. Trois axes ont été définis pour ce faire.
D'une part, atteindre la neutralité carbone pour nos activités opérées au niveau mondial dès 2050, voire avant. Dans son industrie, l'objectif de TotalEnergies pour 2030 est de réduire les émissions de scope 1 et 2, les émissions de nos propres opérations, de 40 % par rapport à la référence 2015, 2050 étant une échéance relativement lointaine.
Le deuxième axe d'action a pour objet l'atteinte de la neutralité carbone au niveau mondial pour les émissions indirectes, c'est-à-dire les émissions liées à la consommation de nos clients – le scope 3. Un travail sera à mener avec nos clients afin qu'ils réduisent leur propre consommation, et donc leurs propres émissions directes – leurs scopes 1 et 2 – ce qui sous-entend de viser la neutralité carbone pour eux-mêmes. TotalEnergies travaillera avec eux pour les aider à atteindre cet objectif. Pour 2030, il s'agit de faire en sorte que les émissions de scope 3 ne dépassent pas celles que nous constations en 2015 à l'échelle mondiale.
Le troisième objectif sera d'atteindre la neutralité carbone en Europe en 2050 pour l'ensemble de nos émissions, qu'elles soient directes ou indirectes. L'Europe s'est en effet fixé des objectifs très ambitieux en matière de neutralité carbone avec une route de transition énergétique très construite. La compagnie TotalEnergies a décidé d'accompagner spécifiquement ces objectifs pour l'Europe. Pour 2030 également, des cibles précises ont été fixées : réduire les émissions de scope 1, 2 et 3, les émissions directes et indirectes de 30 % par rapport à la référence 2015.
Ces objectifs sont réalisables par la transformation de TotalEnergies en une compagnie multiénergie, ce qui est tout à fait en rapport avec la discussion de cette mission d'information. Soulignons tout d'abord que le mix de TotalEnergies évoluera fortement. En 2020, nous avions une part de 55 % de pétrole dans notre mix de production-vente. Nous la ferons évoluer à 30 % d'ici à 2030. Parallèlement, nous ferons progresser la part du gaz et du gaz vert de 40 % en 2020 à 50 % en 2050. La part de l'électricité, qui était de 5 % seulement en 2020, sera portée à 15 %, avec une électricité majoritairement renouvelable. Enfin, nous aurons en 2030 5 % de production sous forme de biocarburant et d'hydrogène.
Le mix énergétique de TotalEnergies change fondamentalement. Ces évolutions demandent d'importants efforts. Nous ambitionnons de faire partie du top 5 mondial des producteurs d'électricité renouvelable, ce qui suppose que 60 milliards de dollars soient financés sur la décennie afin de constituer une capacité de production de 100 gigawatts en 2030. Nous partons de 7 gigawatts en 2020 et nous aurons une étape intermédiaire à 35 gigawatts en 2025. La capacité de production de 100 gigawatts représente 500 000 barils par jour par rapport à un mix énergétique total d'environ 3 000 barils par jour, ce qui explique la croissance significative de l'électricité dans le mix énergétique de TotalEnergies.
Par ailleurs, la part de bio augmente de façon marquée dans le mix de production, ce qui passe par la transformation de raffineries en France. Deux raffineries de produits pétroliers, La Mède et Grandpuits, ont ainsi été transformées en raffineries de biocarburant. Le système énergétique se transforme pour accompagner cette transition énergétique.
Pour parvenir à ces objectifs, nous aspirons à être un acteur très engagé en matière de développement durable autour de quatre axes.
Premièrement, l'énergie durable : l'équation combinant à la fois le changement climatique et les besoins des populations.
Deuxièmement, le bien-être des personnes : employeur de référence, aussi bien pour le personnel interne que pour le personnel des sociétés que nous contractons.
Troisièmement, l'excellence environnementale : avoir une utilisation exemplaire des ressources de la planète selon le principe d'action « éviter, réduire, compenser ». Il s'agit d'éviter autant que possible l'impact environnemental, de le réduire par ailleurs et, si ces deux actions n'ont pas pu être suffisantes, de compenser l'impact environnemental résiduel.
Quatrièmement, avoir une création de valeur partagée avec la société, générer une prospérité partagée sur les territoires, notamment pour l'insertion des jeunes.
Rappelons que la consommation finale de l'ensemble des énergies en France s'est élevée en 2019 à 142 millions de tonnes équivalent pétrole. Une baisse régulière de cette consommation a été constatée depuis un point haut atteint en 2001. Cependant, à l'échelle mondiale, cette consommation est en croissance de 1,4 % par an.
Le marché pétrolier a représenté 73 millions de tonnes en France en 2019. Il est en baisse de 1 % par an environ depuis 1999. Nous nous trouvons bien dans un contexte de marché déclinant, et cette baisse s'accélèrera après l'année 2025, avec la croissance du nombre de véhicules roulant à l'électricité, au gaz, au biogaz et à l'hydrogène.
La dimension principale de la résilience nationale en matière d'approvisionnement de pétrole et de gaz se rapporte au maillage de production et de logistique très dense sur le territoire, garant d'une sûreté d'approvisionnement. Pour un marché de 73 millions de tonnes, la France compte six raffineries ayant 57 millions de tonnes de capacité de production ainsi que 17 terminaux d'importation répartis sur l'ensemble des différentes façades maritimes. Rappelons que la France est l'un des pays au monde les mieux placés géographiquement pour l'import de produits énergétiques. En effet, une façade maritime nord nous permet d'avoir des produits venant de Russie et de la mer du Nord, la façade maritime ouest permet les importations d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud ou d'Afrique et la façade maritime méditerranéenne donne accès à des importations soit d'Afrique du Nord, soit du Moyen-Orient. Ces façades maritimes très réparties donnent accès à différents marchés et réduisent la dépendance à une source unique.
Nous comptons également 6 000 km de pipeline, 200 dépôts sur l'ensemble du territoire, soit environ 20 millions de mètres cubes de capacité cumulée, 11 000 stations-service réparties sur le territoire, 90 jours de consommation sous forme de stocks stratégiques gérés par la SAGESS – société anonyme de gestion des stocks stratégiques. La robustesse de tous ces systèmes a été démontrée puisqu'au cœur de crises majeures que nous avons vécues, notamment les crises sociales ayant entraîné des blocages de nos installations, seulement 3 % des stations-service se sont retrouvées en rupture. En ce qui concerne le gaz, nous disposons de terminaux d'importation. TotalEnergies recense 11 millions de tonnes de capacité cumulées de regazéification dans les terminaux de Fos-sur-Mer, de Montoir et de Dunkerque. Nous opérons une flotte de 27 méthaniers qui nous donne la possibilité de faire venir des produits de source diversifiée.
La diversité et la flexibilité des sources d'approvisionnement en matière énergétique constituent une source de résilience de la chaîne d'approvisionnement. Pour le gaz, les pays sources sont : les États-Unis, la Russie, la Norvège, l'Angola, l'Égypte, le Nigeria, le Qatar, les Émirats arabes unis ; pour le pétrole brut : la Russie, les États-Unis, l'Algérie, le Nigeria ou la Lybie.
L'analyse des risques principaux se décline en quatre thèmes au titre de la résilience et de l'approvisionnement : la cybersécurité ; les impacts significatifs de mouvements sociaux, qu'ils soient internes à l'entreprise ou externes, pouvant occasionner des blocages ou des grèves, crises difficiles à gérer et que nous gérons conjointement avec l'État ; des défaillances techniques potentielles ou des événements environnementaux majeurs – épidémies, crises sanitaires, aléas climatiques – ; les menaces liées à la malveillance ou au terrorisme, pour lesquelles nous avons des plans d'action.
L'entreprise multiénergie que nous sommes place aussi l'équation de la résilience énergétique du pays au-delà de la chaîne gazière et pétrolière puisqu'il s'agit bien de considérer la résilience au titre du caractère intermittent de la production des énergies renouvelables – un autre type de défi se pose ainsi à nous –, ainsi qu'au titre des matières premières nécessaires à la production de bornes électriques, de panneaux solaires ou de batteries.