MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE
Mercredi 15 septembre 2021
La séance est ouverte à neuf heures.
(Présidence de M. Fabien Gouttefarde, membre de la mission d'information)
Nous poursuivons notre série d'auditions consacrées à la résilience énergétique française et européenne en accueillant M. Édouard Sauvage, directeur général adjoint chargé des activités d'infrastructures d'Engie, M. Guillaume Larroque, président de TotalEnergies Marketing France, accompagné de M. Laurent Martin, directeur délégué des relations institutionnelles pour la France, et M. Fabien Poure, directeur général de la Société du pipeline sud-européen (SPSE).
La résilience d'un système dépend d'abord de sa diversité, mais également de son adaptabilité. En matière gazière, la problématique de sécurité des approvisionnements est ancienne et bien connue. Elle fait l'objet de textes nationaux et de directives européennes fixant des obligations portant à la fois sur la capacité à disposer de volumes de gaz permettant de faire face à la consommation, mais également sur la capacité à les acheminer.
De tout temps, les règles imposées aux opérateurs gaziers ont visé à permettre de faire face à un hiver extrêmement froid, ou encore à permettre aux pays importateurs de se passer de leur principale source d'approvisionnement en gaz, que l'origine de l'absence de cette source soit un défaut technique ou une difficulté d'approvisionnement en amont. Cette règle a historiquement été mise en place par Gaz de France lorsque celle-ci bénéficiait d'un monopole d'importation. Elle a par la suite fait l'objet de directives européennes et de textes réglementaires à l'échelle nationale afin de l'imposer à tous les fournisseurs une fois le marché ouvert. Il faut prouver son aptitude à faire face à ces deux types de contrainte, condition nécessaire pour vendre du gaz en France à des clients particuliers.
Le système français a par conséquent été très diversifié. La France a d'ailleurs été le premier pays en Europe à détenir des terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui lui procure une très grande liberté pour s'approvisionner partout dans le monde. L'existence de ces quatre terminaux méthaniers permet de s'assurer qu'à tout moment, il est possible physiquement d'acheminer du gaz, puisque nous avons un grand nombre de redondances dans le système, sous réserve toutefois des conditions de prix.
Le stockage est le deuxième élément fort permettant d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Des stockages ont été développés historiquement par Gaz de France, par Elf devenu Total ainsi que par TIGF devenu Teréga. Ils représentent aujourd'hui 128 térawatts-heure, soit un volume énergétique considérable mobilisable à tout moment, évitant ainsi des difficultés lors des pointes de consommation de gaz. Je rappelle à cette occasion qu'en France, les pointes des consommations de gaz sont plus d'une fois et demie supérieure aux pointes de consommation électrique sans que cela pose de difficulté pour le système ou le mette sous tension, justement grâce à l'existence de ces stockages.
Ceux-ci couvrent plus du quart de la consommation française. Ils sont un élément clé permettant de faire face à des aléas climatiques ou à des ruptures d'approvisionnement. Nous avons pu le constater lors de la grande crise de l'hiver 2009-2010, où ont coïncidé un hiver froid et la rupture totale du transit de gaz russe à travers l'Ukraine. Même si le prix du gaz a alors augmenté, l'Europe de l'Ouest n'a pas eu à souffrir d'interruption. Nous avions là la démonstration de la résilience du système mis en place.
L'AIE m'avait demandé d'intervenir au cours d'un atelier d'échanges postcrise avec de nombreux pays. J'étais alors en charge de l'approvisionnement en gaz du groupe. J'avais précisé que nous n'imaginions pas ce scénario de rupture complète d'approvisionnement, mais qu'au demeurant nous étions prêts, les obligations réglementaires nous obligeant à prévoir un mode de fonctionnement en cas de rupture complète du transit de gaz russe à travers l'Ukraine.
Ce dispositif existe, est en place et a été complété puisque, en 2018, le Gouvernement a souhaité instaurer en France une nouvelle régulation des stockages permettant de s'assurer qu'il existe un intérêt pour tous les fournisseurs à réserver ces capacités de stockage. En effet, si chaque fournisseur respectait ces obligations, nous observions cependant qu'il y avait des « clients orphelins ». Chaque fournisseur a l'obligation de s'assurer qu'il peut livrer ses clients, mais si un client n'a pas encore engagé un contrat de gaz pour l'hiver qui suit, un problème de décalage peut apparaître, sachant que c'est évidemment en été que l'on de stocke pour l'hiver suivant. La nouvelle réglementation incite par conséquent les fournisseurs à réserver de facto la totalité des capacités de stockage en France en leur permettant, par un système d'enchères, de réserver au prix qu'ils considèrent comme pertinent pour eux et en garantissant le revenu à travers une réglementation confiée au régulateur de l'énergie. Ce système montre son efficacité puisqu'en France, nous observons un taux de remplissage des stockages de 85 %, là où la moyenne européenne est à 67 %.
Je ne peux que féliciter le Gouvernement et le régulateur d'avoir mis en place ce système qui consolide et garantit dans la durée l'utilisation de ces stockages utilisés par tous les opérateurs, la contrainte du prix économique du stockage ayant été levée par ce système d'actualisation du coût.
Même si les consommations de gaz sont en baisse régulière en France, nous savons que ce thème suscitera des questions en France et en Europe. Au regard de la diminution des consommations, convient-il de réduire cette infrastructure, qui existe, en fermant des stockages, ou faut-il trouver au contraire un moyen de financer cette infrastructure en vue d'augmenter davantage la sécurité d'approvisionnement, dans un contexte où le gaz reste très utilisé pour produire de l'électricité de manière récurrente, notamment dans les périodes où certaines énergies renouvelables ne produisent pas ? Nous parviendrions ainsi à avoir cette approche intégrée – le sector coupling – entre le système gazier et le système électrique, pour assurer la résilience de l'ensemble du système énergétique qui sera une clé de la sécurité d'approvisionnement énergétique du futur en Europe.
Les débats à venir doivent intégrer cette capacité du système gazier à assurer la sécurité non seulement de l'approvisionnement des consommateurs directs de gaz, mais également du système électrique. En France, celui-ci est le troisième secteur de consommation de gaz après le secteur résidentiel et celui de l'industrie. De surcroît, c'est également le domaine dans lequel nous ne relevons aucune diminution de la consommation de gaz, avec d'extrêmes variations d'une année à l'autre. Ces dix dernières années en effet, autant la consommation dans les secteurs résidentiels, de l'industrie et tertiaire était globalement stable, voire en légère réduction, autant la variation pour la production d'électricité est allée du simple au double.
Il nous faudra répondre à cette volatilité des besoins de gaz pour l'électricité. L'infrastructure mise en place permet d'agir en ce sens sous réserve de trouver la mutualisation du financement permettant de garantir sa pérennité. C'est bien le cas au travers de cette nouvelle réglementation en France. La question se posera également à l'échelle européenne.
J'évoquerai moi aussi le double défi auquel nous faisons face actuellement dans le domaine de l'énergie et élargirai le débat puisque c'est TotalEnergies qui s'exprime, et non plus Total, et que l'équation générale de TotalEnergies est désormais multiénergétique.
Considérons le double défi qui s'offre à nous : d'un côté le défi lié au changement climatique, qui est une réalité et pour lequel la société entière doit se mobiliser. Pour atteindre l'objectif de limitation du réchauffement à 1,5°C, la société doit être neutre en carbone dès 2050, objectif qu'il nous faut tenir collectivement.
Le deuxième défi doit nous amener à assurer un accès à l'énergie responsable pour une population mondiale croissante : en 2050, nous compterons 2 milliards d'individus de plus. Il s'agit de leur apporter une énergie fiable, abordable, propre et de faire en sorte qu'une partie de la population mondiale qui n'a pas accès à l'énergie puisse y avoir accès.
La raison d'être de TotalEnergies est de fournir au plus grand nombre une énergie abordable, disponible, plus propre. Nous nous sommes donc fixé des objectifs très clairs pour devenir un des acteurs majeurs de la transition énergétique. Trois axes ont été définis pour ce faire.
D'une part, atteindre la neutralité carbone pour nos activités opérées au niveau mondial dès 2050, voire avant. Dans son industrie, l'objectif de TotalEnergies pour 2030 est de réduire les émissions de scope 1 et 2, les émissions de nos propres opérations, de 40 % par rapport à la référence 2015, 2050 étant une échéance relativement lointaine.
Le deuxième axe d'action a pour objet l'atteinte de la neutralité carbone au niveau mondial pour les émissions indirectes, c'est-à-dire les émissions liées à la consommation de nos clients – le scope 3. Un travail sera à mener avec nos clients afin qu'ils réduisent leur propre consommation, et donc leurs propres émissions directes – leurs scopes 1 et 2 – ce qui sous-entend de viser la neutralité carbone pour eux-mêmes. TotalEnergies travaillera avec eux pour les aider à atteindre cet objectif. Pour 2030, il s'agit de faire en sorte que les émissions de scope 3 ne dépassent pas celles que nous constations en 2015 à l'échelle mondiale.
Le troisième objectif sera d'atteindre la neutralité carbone en Europe en 2050 pour l'ensemble de nos émissions, qu'elles soient directes ou indirectes. L'Europe s'est en effet fixé des objectifs très ambitieux en matière de neutralité carbone avec une route de transition énergétique très construite. La compagnie TotalEnergies a décidé d'accompagner spécifiquement ces objectifs pour l'Europe. Pour 2030 également, des cibles précises ont été fixées : réduire les émissions de scope 1, 2 et 3, les émissions directes et indirectes de 30 % par rapport à la référence 2015.
Ces objectifs sont réalisables par la transformation de TotalEnergies en une compagnie multiénergie, ce qui est tout à fait en rapport avec la discussion de cette mission d'information. Soulignons tout d'abord que le mix de TotalEnergies évoluera fortement. En 2020, nous avions une part de 55 % de pétrole dans notre mix de production-vente. Nous la ferons évoluer à 30 % d'ici à 2030. Parallèlement, nous ferons progresser la part du gaz et du gaz vert de 40 % en 2020 à 50 % en 2050. La part de l'électricité, qui était de 5 % seulement en 2020, sera portée à 15 %, avec une électricité majoritairement renouvelable. Enfin, nous aurons en 2030 5 % de production sous forme de biocarburant et d'hydrogène.
Le mix énergétique de TotalEnergies change fondamentalement. Ces évolutions demandent d'importants efforts. Nous ambitionnons de faire partie du top 5 mondial des producteurs d'électricité renouvelable, ce qui suppose que 60 milliards de dollars soient financés sur la décennie afin de constituer une capacité de production de 100 gigawatts en 2030. Nous partons de 7 gigawatts en 2020 et nous aurons une étape intermédiaire à 35 gigawatts en 2025. La capacité de production de 100 gigawatts représente 500 000 barils par jour par rapport à un mix énergétique total d'environ 3 000 barils par jour, ce qui explique la croissance significative de l'électricité dans le mix énergétique de TotalEnergies.
Par ailleurs, la part de bio augmente de façon marquée dans le mix de production, ce qui passe par la transformation de raffineries en France. Deux raffineries de produits pétroliers, La Mède et Grandpuits, ont ainsi été transformées en raffineries de biocarburant. Le système énergétique se transforme pour accompagner cette transition énergétique.
Pour parvenir à ces objectifs, nous aspirons à être un acteur très engagé en matière de développement durable autour de quatre axes.
Premièrement, l'énergie durable : l'équation combinant à la fois le changement climatique et les besoins des populations.
Deuxièmement, le bien-être des personnes : employeur de référence, aussi bien pour le personnel interne que pour le personnel des sociétés que nous contractons.
Troisièmement, l'excellence environnementale : avoir une utilisation exemplaire des ressources de la planète selon le principe d'action « éviter, réduire, compenser ». Il s'agit d'éviter autant que possible l'impact environnemental, de le réduire par ailleurs et, si ces deux actions n'ont pas pu être suffisantes, de compenser l'impact environnemental résiduel.
Quatrièmement, avoir une création de valeur partagée avec la société, générer une prospérité partagée sur les territoires, notamment pour l'insertion des jeunes.
Rappelons que la consommation finale de l'ensemble des énergies en France s'est élevée en 2019 à 142 millions de tonnes équivalent pétrole. Une baisse régulière de cette consommation a été constatée depuis un point haut atteint en 2001. Cependant, à l'échelle mondiale, cette consommation est en croissance de 1,4 % par an.
Le marché pétrolier a représenté 73 millions de tonnes en France en 2019. Il est en baisse de 1 % par an environ depuis 1999. Nous nous trouvons bien dans un contexte de marché déclinant, et cette baisse s'accélèrera après l'année 2025, avec la croissance du nombre de véhicules roulant à l'électricité, au gaz, au biogaz et à l'hydrogène.
La dimension principale de la résilience nationale en matière d'approvisionnement de pétrole et de gaz se rapporte au maillage de production et de logistique très dense sur le territoire, garant d'une sûreté d'approvisionnement. Pour un marché de 73 millions de tonnes, la France compte six raffineries ayant 57 millions de tonnes de capacité de production ainsi que 17 terminaux d'importation répartis sur l'ensemble des différentes façades maritimes. Rappelons que la France est l'un des pays au monde les mieux placés géographiquement pour l'import de produits énergétiques. En effet, une façade maritime nord nous permet d'avoir des produits venant de Russie et de la mer du Nord, la façade maritime ouest permet les importations d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud ou d'Afrique et la façade maritime méditerranéenne donne accès à des importations soit d'Afrique du Nord, soit du Moyen-Orient. Ces façades maritimes très réparties donnent accès à différents marchés et réduisent la dépendance à une source unique.
Nous comptons également 6 000 km de pipeline, 200 dépôts sur l'ensemble du territoire, soit environ 20 millions de mètres cubes de capacité cumulée, 11 000 stations-service réparties sur le territoire, 90 jours de consommation sous forme de stocks stratégiques gérés par la SAGESS – société anonyme de gestion des stocks stratégiques. La robustesse de tous ces systèmes a été démontrée puisqu'au cœur de crises majeures que nous avons vécues, notamment les crises sociales ayant entraîné des blocages de nos installations, seulement 3 % des stations-service se sont retrouvées en rupture. En ce qui concerne le gaz, nous disposons de terminaux d'importation. TotalEnergies recense 11 millions de tonnes de capacité cumulées de regazéification dans les terminaux de Fos-sur-Mer, de Montoir et de Dunkerque. Nous opérons une flotte de 27 méthaniers qui nous donne la possibilité de faire venir des produits de source diversifiée.
La diversité et la flexibilité des sources d'approvisionnement en matière énergétique constituent une source de résilience de la chaîne d'approvisionnement. Pour le gaz, les pays sources sont : les États-Unis, la Russie, la Norvège, l'Angola, l'Égypte, le Nigeria, le Qatar, les Émirats arabes unis ; pour le pétrole brut : la Russie, les États-Unis, l'Algérie, le Nigeria ou la Lybie.
L'analyse des risques principaux se décline en quatre thèmes au titre de la résilience et de l'approvisionnement : la cybersécurité ; les impacts significatifs de mouvements sociaux, qu'ils soient internes à l'entreprise ou externes, pouvant occasionner des blocages ou des grèves, crises difficiles à gérer et que nous gérons conjointement avec l'État ; des défaillances techniques potentielles ou des événements environnementaux majeurs – épidémies, crises sanitaires, aléas climatiques – ; les menaces liées à la malveillance ou au terrorisme, pour lesquelles nous avons des plans d'action.
L'entreprise multiénergie que nous sommes place aussi l'équation de la résilience énergétique du pays au-delà de la chaîne gazière et pétrolière puisqu'il s'agit bien de considérer la résilience au titre du caractère intermittent de la production des énergies renouvelables – un autre type de défi se pose ainsi à nous –, ainsi qu'au titre des matières premières nécessaires à la production de bornes électriques, de panneaux solaires ou de batteries.
La société SPSE est spécialisée dans le transport et le stockage de produits pétroliers. Nous recevons et traitons les imports et, pour la région sud, nous les gérons et distribuons les produits vers les sites de production, les raffineries, les sites pétrochimiques. Nous alimentons également les sites de distribution, dans des terminaux qui répartissent les produits par camion ou par train.
Notre mission s'articule autour de différents défis quotidiens. Il nous faut tout d'abord nous assurer de la permanence de nos services. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en tester la robustesse depuis quelques années. Pour assurer la continuité de transport des produits pétroliers, nous entretenons et faisons évoluer les réseaux afin qu'ils soient le plus interconnectés possible pour l'ensemble des produits que nous gérons. Nous avons la chance en France d'avoir des réseaux extrêmement connectés. L'ensemble des dépôts est désormais atteignable par des réseaux de pipelines, ce qui représente une force en cas de crise. Au reste, nous gérons également des stocks minima de produits pétroliers. Soulignons que le site de stockage de Fos-sur-Mer est capable de stocker 2,2 millions de mètres cubes de produits pétroliers, que ce soit en brut, en gasoil ou en naphta.
Nous faisons face aujourd'hui à de grands défis, dont celui de la transition énergétique. Nous n'avons pas de diversification de nos activités, mais nous aspirons bien évidemment à accompagner la transition énergétique qui est en marche de deux manières différentes. Tout d'abord, dans le mix énergétique : il faut garder à l'esprit que, pendant un certain temps, nous aurons encore besoin des produits pétroliers, lesquels pourraient évoluer en matière de qualité. D'autre part, compte tenu de notre réseau de compétences, nous réfléchissons à nous placer sur d'autres segments du mix énergétique qui sera développé dans les années à venir.
Nous sommes très sensibles à la résilience de nos services puisque nous nous trouvons au centre de la chaîne logistique. Un dysfonctionnement de nos activités aurait d'importants impacts. Les analyses de risques principaux que nous menons sont fréquemment mises à jour au sein de SPSE, et ce depuis de nombreuses années. Citons parmi ceux-ci le risque industriel, nos activités concernant des produits sensibles en matière de sécurité. Nous améliorons nos systèmes de management par l'acquisition d'expérience. Le risque de cyberattaque demeure un risque majeur que nous surveillons au regard de l'actualité. En outre, il nous faut gérer les risques de blocage de sites par des mouvements sociaux. Nous supervisons ainsi un certain nombre de risques en tentant de réduire leur survenue, mais également en étant capables de réduire l'impact lui-même lorsque le problème survient.
Par ailleurs, les systèmes de management installés sur nos sites permettent de gérer les problèmes de sûreté. Nous avons depuis peu renforcé notre connaissance sur ce sujet afin de gérer la pandémie.
Monsieur Sauvage, combien de jours pourrions-nous tenir avec des stockages de gaz à 85 % ?
L'interruption de tous les approvisionnements repose sur une probabilité infinitésimale. Nous disposons de plusieurs points d'entrée par gazoduc sur le territoire national, de quatre terminaux méthaniers ainsi que des productions de GNL, aussi bien en Afrique et aux États-Unis qu'au Moyen-Orient. L'absence totale d'approvisionnement est donc a priori absurde, d'où le raisonnement selon lequel nous devions nous passer de la principale source. Un scénario de crise impliquant l'absence des principales sources serait très lourd et très signifiant en hypothèse de risque. Cela reviendrait à s'interroger sur le fonctionnement en électricité alors qu'on aurait supprimé toute une génération de réacteurs nucléaires d'un coup – ce qui au demeurant peut arriver pour des raisons de sécurité. Or, nous n'avons pas la possibilité d'y faire face, le système électrique étant bien plus fragile.
Pour répondre à votre question, retenez environ un quart de la consommation de gaz. Dans ce scénario, nous tiendrions environ quatre-vingt-dix jours sans difficulté sur les stockages. Il serait néanmoins nécessaire de vérifier si certains endroits du réseau ne se trouvent un peu en bout. Je ne l'envisage pas, car les stockages sont très bien répartis sur le territoire. En allant jusqu'à imaginer la fermeture de tous les points de frontière, nous pourrions tenir un mois et demi au minimum. Le gaz en stockage offre objectivement une sécurité complète par rapport à un risque de sécurité d'approvisionnement, par exemple le dysfonctionnement d'un terminal méthanier ou la disparition de volumes.
Monsieur Poure, vous avez fait allusion à une cyberattaque sur la côte est américaine qui a en partie bloqué l'approvisionnement. En réalité, cette attaque avait été lancée sur des fichiers de facturation. La communauté internationale des sociétés comme la vôtre engage-t-elle des retours d'expérience permettant de rehausser le niveau de protection suffisant sur les fichiers clients et sur la facturation ?
Le risque zéro n'existe pas. Toutefois, nous respectons depuis de nombreuses années le principe visant à ségréguer les réseaux sur les moyens de protection de nos outils de transport et de stockage, qu'ils soient dédiés aux opérations ou à la bureautique. Ces derniers peuvent en effet complètement bloquer nos activités.
Vous faites référence au Colonial Pipeline ; il s'agit d'un pipeline de 8 000 km alimentant la région de New York en produits raffinés depuis Houston. Nous avons eu connaissance d'une attaque par la bureautique au travers d'un accès distant fragile, non sécurisé, qui a permis une intrusion dans les systèmes. Un ransomware a ainsi pu être placé, engendrant un arrêt des activités en raison du risque de perte complète de l'ensemble des données nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise.
Nous avons bien évidemment un retour d'expérience et échangeons très régulièrement avec les organismes spécialisés de l'État, notamment l'ANSSI. Nous recevons régulièrement des informations que nous traitons en interne et qui nous permettent de vérifier qu'à chaque expérience de ce type, nous avons les moyens d'éviter ce type de désagrément. Nous sommes dans un réseau d'échange d'informations qui nous permet de prendre les mesures nécessaires pour nous adapter. Nos systèmes sont d'ailleurs partagés avec ces services.
Notre mission d'information cherche à évaluer le niveau de sécurité énergétique. Nous avons bien conscience des efforts historiquement menés sur le sujet ; nous cherchons à déterminer si des conditions cumulatives telles qu'un hiver rigoureux, un cyberaccident, des tensions internationales, des tensions sociales, pourraient conduire à des ruptures d'approvisionnement, et à en estimer les effets éventuels sur notre société très dépendante à l'énergie.
Nous évoquions hier la sécurité de l'approvisionnement électrique. Votre capacité à stocker est un des grands avantages que vous avez par rapport au secteur électrique. La production et la consommation d'électricité doivent être équilibrées en permanence, ce qui rend le système moins résilient. Vous êtes en revanche plus exposés au contexte international du fait des importations. La PPE et la SNBC tendent à exclure progressivement les hydrocarbures du mix énergétique. Or on entend parfois que les marchés pourraient devenir plus intégrés, notamment parce que le gaz et le pétrole permettent de fournir des capacités très pilotables et réactives. On parle également de power to gas, mais cela ne semble pas vous concerner directement.
Bref, comment voyez-vous l'articulation à moyen terme entre les hydrocarbures et l'électricité ?
Il y a deux types de production électrique : les productions programmables et les productions intermittentes. Un système uniquement basé sur les productions intermittentes pose des difficultés pour équilibrer l'offre et la demande, condition pour que le réseau puisse fonctionner. Sur le long terme, il est fondamental de disposer de productions programmables. En France, le nucléaire en fait partie, ainsi que le gaz. Au reste, pour la France et pour de nombreux pays dans le monde, l'un des premiers objectifs à atteindre est de substituer le gaz au charbon. Un cycle climatique vertueux s'enclenche alors : lorsqu'un producteur passe du charbon au gaz pour produire son électricité, il réduit de moitié ses émissions de CO₂. Ce premier objectif clé doit être retenu à mon sens et reste un sujet au niveau européen.
Nous sommes un des plus importants producteurs de gaz. Cette énergie est nécessaire sur long terme pour équilibrer le système énergétique. D'autres moyens existent ; il est possible de jouer sur l'offre ou sur la demande. De nombreuses actions vertueuses sont menées pour que la demande ne soit pas trop volatile ou ne présente pas d'effets de saisonnalité trop marqués, pour la rendre plus anticipable. Certains gros industriels acceptent ainsi d'effacer leur consommation en période de pic, ce qui permet d'assurer l'équilibre entre la ressource et le réseau.
Dans notre analyse, le gaz a donc un rôle à long terme dans la génération électrique à seule fin de jouer son rôle de production programmable.
Engie est un acteur très actif de l'hydrogène. Une stratégie claire vise à donner la priorité à l'hydrogène décarboné. L'immense majorité de l'hydrogène consommée dans le monde est faite par du vaporeformage de méthane et a donc un contenu carbone que le méthane utilisé directement. L'hydrogène est un carburant d'avenir qui n'a de sens que s'il est décarboné, d'où nos ambitions très fortes au travers d'un projet en partenariat avec TotalEnergies dans le sud de la France ainsi que dans des endroits où nous pensons obtenir de l'énergie renouvelable bon marché, tels que le Chili, où l'ensoleillement est très élevé, ou certaines régions du monde où le vent souffle quasiment sans interruption. Il est possible d'avoir de l'éolien à des prix très compétitifs si des trajectoires d'alizé sont visées – le Sud marocain, par exemple, ou le Brésil. L'éolien ainsi produit sans interruption permet de fabriquer de l'hydrogène décarboné.
De surcroît, la filiale d'Engie GRTgaz a un projet power to gas à Fos-sur-Mer en partenariat avec RTE. Au sein d'Engie, nous regrettons que certains opposent gaz et électricité qui sont totalement complémentaires. Une politique énergétique efficace en réduction de coûts en vue de réduire le CO₂ émis dans le pays ne peut pas se faire sans raisonner d'une manière globale. La deuxième source de production après le nucléaire est l'hydraulique, puis vient le gaz avec 4 gigawatts, bien plus que l'éolien ou le solaire. Lorsque l'on remplace une chaudière à gaz par un radiateur électrique, de facto, la consommation de gaz augmente, paradoxe qui n'est pas considéré. Les énergies fossiles sont en effet celles qui sont appelées à chaque fois que vous avez 1 kilowatt-heure de plus dans le système.
Une bonne politique énergétique consiste à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il est essentiel de réfléchir à la totalité des solutions pour avoir un système résilient, et faire à la fois du photovoltaïque, de l'éolien onshore, de l'éolien offshore, de l'hydraulique et garder à l'esprit que nous aurons besoin de cycles combinés gaz en soutien.
D'autre part, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Certains affirment qu'il est nécessaire d'électrifier en premier lieu, puis s'interrogent sur l'électricité décarbonée, ce qui est une erreur à court terme et augmente les consommations. En 2014, la consommation de gaz pour la production d'électricité en France était de 41 térawatts-heure. Elle a atteint 77 térawatts-heure en 2020. Il y a une surconsommation de gaz pour produire de l'électricité. En outre, si le système électrique tombe, de nombreuses installations seront mises à mal. Il existe ainsi une interdépendance complète entre la résilience des systèmes électriques et d'autres systèmes qui ont cette vulnérabilité, bien que certains aient des back ups.
Il est donc important de raisonner dans une logique de sector coupling en cherchant une efficacité de cette interdépendance des deux systèmes.
Nous avons auditionné hier l'IFP-Énergies renouvelables (IFPEN). J'ai été surpris de la vitalité de la recherche française en matière d'hydrocarbures. L'articulation entre les véhicules électriques et les véhicules au pétrole a bien été évoquée. Le directeur de l'IFPEN a souligné qu'un véhicule électrique avec un mix hydrocarbures générait deux fois plus de carbone dans le cycle global qu'avec le mix électrique français. Il a dressé une comparaison entre le mix européen, qui affiche 80 grammes de CO₂ par kilomètre, et le mix français qui n'en produit que 50.
En matière de résilience, nous sommes face à une double dépendance de l'électricité aux hydrocarbures et des hydrocarbures à l'électricité. Vous dépendez de l'électricité parce que je suppose que vous ne savez pas fonctionner sans électricité, ne serait-ce pour raffiner ou acheminer. Disposez-vous d'un mode dégradé sans électricité ?
Au demeurant, nous dépendons également du pétrole pour l'énergie nucléaire. Dans le cycle du combustible, nous ne disposons pas de camions électriques pour aller chercher la matière ou pour la transporter.
Monsieur Sauvage, vous affirmez que l'on cherche souvent à opposer le gaz et l'électricité. Or, d'un point de vue sémantique, ne mettez-vous pas dans une même catégorie le gaz primaire que l'on va chercher dans la nature et le gaz que l'on produit comme l'hydrogène ? Deux catégories de gaz existent bien. La PPE prévoit un mix totalement décarboné, ce qui n'exclut pas le power to gas sur la base de l'hydrogène, lequel est bien compatible avec une telle approche.
Nous retrouvons la distinction entre les vecteurs énergétiques et la manière dont ils ont été produits. Elle vaut également pour le gaz. L'immense majorité du gaz naturel consommé dans le monde est bien du gaz naturel fossile produit dans des champs pétroliers. Avec la méthanisation, le gaz renouvelable se développe très fortement par ailleurs. L'ensemble des projets agricoles raccordés au réseau a une capacité de production de 5 térawatts-heure. Il me semble que c'est la seule énergie renouvelable qui est en avance sur les objectifs de la PPE à ce jour.
On ignore si une molécule de CH4 est renouvelable ou fossile à l'avance : c'est un vecteur énergétique. Il en est de même pour l'hydrogène, qui peut être produit de manière décarbonée par pyrolyse si vous utilisez de l'électricité décarbonée, ou bien à partir de gaz fossile si on utilise un vaporeformage de méthane produit en tant que gaz naturel.
L'électricité est également un vecteur pouvant venir de l'hydroélectricité ou bien d'une centrale à charbon. Je comprends l'insistance de l'IFPEN sur le mix d'un pays à l'autre. Utiliser des véhicules électriques dans un pays où l'électricité est faite à partir du charbon est un non-sens environnemental. Si vous vous trouvez dans un mix décarboné en revanche, il peut faire sens de basculer sur des véhicules électriques, sachant que le contenu carbone doit être pris en compte dans le cycle de vie, la fabrication du véhicule et de sa batterie également. Même en France où le contenu de l'électricité est décarboné, un véhicule bioGNV a une meilleure empreinte carbone qu'un véhicule électrique sur l'ensemble de son cycle de vie.
Ces analyses de cycles de vie sont très compliquées. La lecture que nous avons tend à nous interroger sur le meilleur ratio en euros par tonne de CO₂ évitée. Parfois, les conduites intuitives se révèlent fausses au regard de l'analyse du cycle de vie.
Il n'existe aucune nécessité à opposer les énergies les unes aux autres. À terme, nous aurons besoin d'un mix énergétique diversifié. Aucune nouvelle énergie à ce stade ne semble capable de remplir tous les besoins auxquels nous devrons faire face. Le système énergétique mondial fonctionne à 80 % à partir d'énergies fossiles. Le grand défi qui se pose à nous est de faire en sorte que ce système bascule vers des énergies plus vertueuses.
L'hydrogène gris, issu de vaporeformage de méthane, mais n'a pas une meilleure empreinte carbone que les solutions d'hydrocarbures classiques. L'hydrogène bleu repose sur le même procédé, associé cependant à un stockage de CO₂. L'hydrogène vert est celui vers lequel nous devons collectivement nous tourner, produit à partir de l'électrolyse de l'eau qui permet de séparer l'oxygène et l'hydrogène et de rendre l'hydrogène disponible en tant que ressource. L'électrolyse est elle-même alimentée par une électricité verte, produite par des panneaux solaires ou par des systèmes éoliens.
C'est ce que nous sommes en train de développer conjointement dans le Sud de la France, avec un électrolyseur de très grande taille, pour produire un hydrogène vert. Si ces solutions sont techniquement réalisables, la question du coût se pose. Un travail collectif doit être mené sur ce point, non seulement au titre de l'énergie, mais également au titre des véhicules. À terme, nous n'envisageons pas une solution unique qui serait l'hydrogène pour tous les poids lourds. Les constructeurs de poids lourds publient d'ailleurs les mêmes perspectives que les nôtres : en 2040, nous voyons un parc de poids lourds réparti entre plusieurs énergies en fonction des usages – batteries, hydrogène ou biogaz. Dans une analyse de cycle de vie complet, le biogaz a de très bons niveaux de performance en émissions de CO₂ et fait partie des solutions.
Il faut créer les conditions économiques pour que ces constantes se régulent de manière optimale. TotalEnergies est favorable à ce qu'un prix du carbone permette de développer les bonnes solutions technologiques dans un système économique qui leur soit favorable.
Au demeurant, les analyses doivent être réalisées de manière pertinente. Nous avons indiqué qu'un véhicule électrique alimenté, par une source d'électricité qui n'est pas verte n'a pas de performance environnementale exceptionnelle. Cela, nous pouvons uniquement le mesurer par une analyse complète sur toute la chaîne du cycle de vie de l'énergie proposée. Or les régulations en Europe ne sont pas alignées sur cette mesure du cycle de vie complet, du puits à la roue.
Vous avez indiqué que nous avions trois mois de consommation de stock ; cette gestion des stocks est-elle coordonnée au niveau européen, ou uniquement en France ? Une partie du stock de quatre-vingt-dix jours n'est-elle pas déjà prévue en sécurité pour d'autres pays européens ? Disposons-nous véritablement de quatre-vingt-dix jours ?
Quelles sont les capacités de production d'énergies renouvelables installées en France mais détenues par des sociétés étrangères ? En cas de crise, sommes-nous en mesure de réquisitionner cette capacité de production ? La société étrangère propriétaire de ces capacités peut-elle décider de l'utiliser ailleurs ?
En matière de dépendance vis-à-vis de vos premiers fournisseurs, toutes énergies confondues, quel est le poids de votre premier fournisseur ?
Quelle est la résilience du réseau de distribution ? Si un crash se produisait dans notre réseau de distribution en France, un plan B est-il prévu pour continuer de fonctionner ?
L'effacement de la consommation d'électricité a été évoqué. Une technologie d'effacement diffus comme celle de Voltalis peut-elle se développer en France ?
Les stocks stratégiques sont des stocks nationaux gérés de manière différente d'un pays à l'autre. En France, la SAGESS est en charge de leur gestion. Les actionnaires de cette société privée sont les metteurs à la consommation. En Allemagne, c'est un système plus étatique qui pilote ces stocks. Je ne peux pas exclure cependant le fait qu'en cas de crise grave, les pays décident de s'entraider.
Par ailleurs, si les crises peuvent occasionner une rupture dans l'approvisionnement en gaz et en pétrole, la situation est tout autre concernant les énergies renouvelables. Une installation de renouvelable présente sur le territoire produit. L'interruption des chaînes d'approvisionnement de matières premières n'affecte pas la disponibilité de cette énergie, mais la capacité à constituer plus de capacité de production.
Un producteur d'électricité renouvelable l'injecte dans le réseau. Je ne suis donc pas certain qu'un opérateur, quelle que soit sa nationalité, refuse de le faire, car c'est bien le réseau qui pilote la destination finale de l'énergie.
Dans le renouvelable, le défi du foncier s'impose à tous. Le vrai limitateur potentiel à la croissance forte de l'énergie renouvelable en France est la disponibilité de terrains. Si les objectifs de réduction de CO₂ doivent être accomplis ensemble, avec la société, nous sommes d'accord avec l'idée qu'un terrain dédié à la production d'électricité renouvelable est un terrain bien employé.
Les États-Unis sont le premier fournisseur de pétrole brut de TotalEnergies. Le deuxième fournisseur est très proche cependant. Ces aspects sont très changeants d'une année sur l'autre, aucun classement n'est installé à cette fin. Nous avons ainsi la capacité de passer de l'un à l'autre. Même si le premier fournisseur connaissait une crise géopolitique importante, nous parviendrions à gérer le risque géopolitique par cette grande diversité des sources. Si la France était dépendante d'un seul fournisseur, nous aurions un risque géopolitique très élevé. Grâce aux façades maritimes donnant accès à différents marchés, différents continents, différents pays, différentes sources, nous réduisons très fortement ce risque.
Concernant le crash du réseau de distribution, vous référez-vous à l'électricité ou au réseau global des différentes énergies ?
À tous réseaux. Nous avons connu des blocages de routes lors de grèves, des blocages de stocks. Un crash sur le départ d'un circuit de distribution d'électricité pourrait être envisagé. Disposez-vous d'un plan B pour gérer ce type de situation ?
Je rappelle que deux cents dépôts maillent l'ensemble du territoire français. La distance moyenne de parcours pour atteindre un dépôt est de l'ordre de 120 km ; la distance maximum est de 150 km en région bordelaise. À Paris, les distances sont de l'ordre de 70 km. Si dix des deux cents dépôts étaient bloqués, vous augmenteriez la distance de parcours pour atteindre le point de distribution de votre énergie, et vous augmenteriez de fait vos coûts logistiques, mais au fond l'ensemble du système ne serait pas paralysé.
Il est cependant difficile de gérer des blocages délibérés engendrés par des crises sociales importantes. La crise en l'occurrence vise bien à bloquer le système. Mais nous n'avions alors observé que 3 % de rupture de livraison en stations-service.
Le réseau électrique est un réseau très robuste à mon sens. Plus qu'un problème de blocage, c'est un problème d'équilibre entre l'offre et la demande qui peut être pointé.
Pour en revenir à votre question portant sur l'effacement et l'effacement diffus, il faut évoquer la notion de smart grid. Des investissements considérables sont engagés pour être de plus en plus intelligents dans l'adéquation de la production et de la demande, en jouant sur la production, mais aussi sur la demande. Les innovations technologiques sont nombreuses. L'effacement diffus viendra peut-être aussi de la capacité des véhicules à stocker – le V2G, vehicle to grid ). Le véhicule électrique en lui-même constitue une possibilité de stocker de l'énergie et de la rendre disponible aux pics alors qu'elle aura été stockée pendant les heures de creux.
Concernant l'approvisionnement en produits pétroliers, notamment dans le réseau de transport jusqu'aux stations-service, la chaîne est multisources. Ce marché s'approvisionne en pétrole que l'on achemine sur le territoire par plusieurs points d'accès.
Au demeurant, notre réseau de pipeline est très développé, très interconnecté et très structurant, notamment pour ce qui concerne les gros dépôts. Nous sommes donc en mesure de trouver des solutions à un moment donné en transférant des produits sur des zones moins contraintes. Pendant la pandémie, nous avons ainsi pu garder du service en réduisant les impacts sur les approvisionnements.
Par ailleurs, les stocks de sécurité sont répartis sur tout le territoire. Notre infrastructure est robuste. Elle doit être maintenue comme telle et doit nous permettre de gérer au mieux les problèmes et les risques d'impact sur la distribution.
À l'issue de la crise russo-ukrainienne, des directives européennes de sécurité d'approvisionnement ont été remises sur le chantier pour nous assurer que le même standard était imposé à chaque pays. En cas de crise dans un pays, la solidarité européenne peut jouer. Ce fut d'ailleurs le cas durant la crise russo-ukrainienne : les pays qui pouvaient faire face ont proposé, plus ou moins facilement, d'aller au secours d'autres pays, tout en s'assurant de leur propre sécurité d'approvisionnement. Il est de toute façon essentiel de définir des standards.
Avec la baisse des consommations, l'infrastructure sera surdimensionnée par rapport aux besoins. Faut-il alors laisser faire le marché ? Faut-il au contraire considérer la valeur d'assurance, d'autant plus que se développent les énergies renouvelables ? Nous assisterons en effet à des variations très importantes de besoins de gaz pour la production d'électricité. Le financement de cette assurance devra être intelligent et efficace. Si l'on demande aux entreprises de couvrir un risque qui ne survient qu'une fois tous les cinquante ans, nombre d'entre elles estimeront que leur durée de vie n'est pas aussi longue.
La puissance publique doit donc déterminer comment financer un tel risque au travers d'obligations réglementaires par exemple, comme elle le fait pour les produits pétroliers, ou au travers de rémunérations de capacité. Dans le système électrique, il faut être prêt à rémunérer des capacités d'effacement diffus qui ne seront probablement jamais appelées. Ces mesures ont une valeur extraordinaire dans un scénario de crise.
Lors de la crise climatique au Texas l'hiver dernier, les prix ont flambé. Le marché de l'électricité texan ne dispose pas de système assurantiel, et les caps de prix sont très élevés. La valeur est alors très haute au moment de la crise. Dans une logique d'assurance, il revient à la collectivité de définir un seuil pour faire face à des crises, même celles qui ne surviennent que tous les cinquante ans, et de faire payer tous les ans cette assurance pour demander à des acteurs d'avoir une capacité de secours qui, normalement, ne sera jamais appelée, ou fort rarement. Il faut raisonner au niveau national et européen, puisque le système électrique est européen.
Comment percevez-vous le rôle des pouvoirs publics dans les questions de résilience. Jugez-vous la réglementation pertinente ? Vous avez bien indiqué que les acteurs privés ne pouvaient pas forcément internaliser le risque d'une rupture d'approvisionnement dont la probabilité est très faible. La régulation publique est donc pertinente en la matière. Nous nous rendons compte du coût du manque de ces éléments en période de crise. Nous pourrions citer l'exemple des masques pendant la crise sanitaire. Deux ans plus tôt, nous n'avions aucune inquiétude au regard de l'existence de quatre sites de production en France, de la diversification des producteurs et de deux ans de stock en situation nominale. Or, avec l'explosion de la demande et la diminution des capacités de production, nous nous retrouvons dans des situations extrêmes qu'il est essentiel de prévoir.
Bien qu'ils soient très attachés à la disponibilité du service et à la manière de se couvrir par rapport à la volatilité des prix, les acteurs privés n'ont pas la capacité de gérer de tels risques.
Concernant le rôle des pouvoirs publics, j'ai noté qu'un point important concernait le stock. Pourriez-vous rappeler qui stocke, que ce soit le gaz ou le pétrole : l'État, les opérateurs ? Quel est le coût de ce stockage ? Comment celui-ci est-il financé ? Cette charge pèse-t-elle sur vos activités ? Avez-vous une visibilité sur l'évolution de la capacité de stockage ? Nous avons environ quatre-vingt-dix jours de stock pour le gaz comme pour le pétrole en cas de crise totale d'approvisionnement. Quelles sont les perspectives d'évolution pour le gaz ?
Au-delà du stock, pensez-vous que certaines des règles qu'on vous impose sont inefficaces ou obsolètes ? Inversement, serait-il judicieux de se pencher sur de nouveaux sujets, tels que la cybersécurité ?
Les stocks sont gérés par la SAGESS et sont de quatre-vingt-dix jours. Ils sont un facteur direct de l'évolution du marché, étant un facteur direct de la mise à la consommation. Pour le futur, la quantité de produits détenus en stock diminuera proportionnellement à la diminution de la mise à la consommation des produits, qui est elle-même un facteur de la demande de ces mêmes produits.
Rappelons que cette obligation s'impose à tous les acteurs d'un marché donné et n'entraîne donc pas d'avantage ou de désavantage compétitif. Le prix à la pompe qui en découle est négligeable dès lors que le détenteur du stock peut se placer sur le long terme. La SAGESS effectue des emprunts à très long terme pour financer ces stocks. Ceux-ci étant détenus pour une très longue durée, le problème de la valeur du stock en fonction de la fluctuation des prix ne se pose pas. On considère en effet qu'un stock sur une très longue durée a un prix long terme du marché. Grâce à ce système de financement de très longue durée du stock stratégique en France, le coût est très stable. Si la SAGESS devait être soumise à une obligation de financement à court terme, nous risquerions de sortir de ce système et entrerions dans un autre, plus dépendant des fluctuations des prix et des cours des produits.
Le système actuel fonctionne très bien, il est mature et a fait ses preuves depuis des années. La SAGESS est parfois sollicitée en temps de crise. En cas de blocages importants et immédiats, sous le contrôle de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qui a la main sur la libération de ces stocks, il est possible d'avoir recours à des quantités de stocks stratégiques permettant de faire face à quelques jours de crise à un endroit donné, le temps de la mise en place d'une solution alternative. Nous comptons ainsi au moins quinze jours de stock par région en France, et avons donc une disponibilité de produit sur l'ensemble du territoire.
Pourriez-vous apporter des précisions concernant la SAGESS ?
Le stock stratégique de pétrole est-il uniquement utilisé pour se prémunir de ruptures d'approvisionnement ou peut-il être également utilisé pour prévenir des variations de prix afin d'amortir les effets d'une augmentation soudaine du marché mondial sans qu'il y ait de problème de disponibilité ?
Le stock stratégique ne joue aucun rôle dans l'amortissement du prix. Il a uniquement pour objet de faire face à des situations potentielles de pénurie. Le déblocage de produits lors de périodes de blocage visait bien le blocage en lui-même et non pas une éventuelle hausse de prix.
La SAGESS est une société anonyme dont l'actionnariat est constitué des metteurs à la consommation, donc des acteurs du marché. Cet actionnariat fluctue d'une année sur l'autre en fonction de la part de la mise à la consommation des différents acteurs. Les grands actionnaires de cette société sont les acteurs qui vendent les produits pétroliers sur le marché. À ce titre, cette société est privée. Un commissaire du Gouvernement y siège, garant du fait que la SAGESS opère bien dans les conditions fixées par l'État au titre du mandat de détention des stocks stratégiques.
C'est donc une sorte de groupement d'intérêt économique (GIE) des opérateurs pétroliers pour faire face à l'obligation nationale de stocks, car il serait plus coûteux que chacun gère son stock. Les stocks utilisés par rapport aux enjeux de défense nationale sont-ils à part ? Considère-t-on que les stocks stratégiques peuvent également être utilisés pour des enjeux critiques ?
Je pense même que ces stocks stratégiques sont principalement constitués pour faire face à d'éventuels enjeux critiques.
La comparaison avec un GIE est pertinente. Précisons en premier lieu qu'aucun opérateur n'a une empreinte logistique nationale complète ; vous pourriez alors devenir dépendant de la répartition de la logistique des différents acteurs. Cette mise en commun permet d'atteindre les objectifs de répartition sur l'ensemble du territoire : au moins quinze jours dans l'ensemble des régions françaises. De surcroît, la mise en commun permet d'être plus efficace et d'avoir une détention sur le très long terme neutralisant les effets de fluctuation de prix.
Le système de stock de sécurité doit être poursuivi. Il n'est pas utilisé pour réguler des variations de prix, mais pour pallier des problèmes d'approvisionnement. Il est régulièrement sollicité dans le cadre de crises, ce qui est indispensable pour ne pas avoir d'impacts majeurs. En outre, la logistique de produits pétroliers, notamment le brut, n'est pas uniquement destinée aux véhicules à essence ou au gazole qui circulent sur le territoire. Pendant la crise, nous avons dû réfléchir à un approvisionnement minimal non seulement pour la distribution de produits pour le routier, mais également pour la pétrochimie, qui possède une chaîne de fabrication très ramifiée. Une période de crise met en évidence l'intégration du pétrole dans un très grand nombre de produits manufacturés, en plus du transport.
Pendant le confinement, nous avons ainsi assuré le fonctionnement minimal de l'ensemble des sites, même si nous étions très contraints par les difficultés opérationnelles. Les sites pétrochimiques ont pu ainsi poursuivre leurs activités.
Les stockages de gaz, pour leur part, ne sont pas uniquement des stockages stratégiques. Ils ont d'abord été conçus parce que la consommation de gaz subit un aléa saisonnier : en France, on se chauffe plus en hiver qu'en été. Il est donc primordial de stocker le gaz non seulement par raisonnement stratégique, mais également parce qu'il est plus efficace de faire arriver le gaz par l'infrastructure amont de manière régulière tout au long de l'année, et donc de stocker au plus près du lieu de consommation. Entre la journée de plus forte consommation de l'été et celle de l'hiver, il y a un rapport de un à dix.
Ces stockages ont donc le double intérêt de permettre la modulation saisonnière de la consommation et de donner une sécurité stratégique complémentaire en cas de rupture de source d'approvisionnement en amont. Le coût de ces deux services représente environ 10 % de la facture d'un client résidentiel.
Chaque vendeur de gaz a l'obligation de montrer à l'administration qu'il a respecté les critères. Il doit être capable de compenser la perte de sa première source, soit par du stockage, soit en diversifiant son portefeuille d'approvisionnement. Par ailleurs, pour s'assurer que les stockages sont complètement utilisés, la nouvelle régulation mise en place demande aux deux opérateurs de stockage Storengy, filiale d'Engie, et Teréga de mettre leurs capacités aux enchères à tous les fournisseurs de manière transparente et non discriminatoire, quel que soit le prix d'arrivée. Compte tenu de cette valorisation, un prix apparaît toujours, ce qui permet de réserver les capacités de stockage.
En revanche, pour éviter la mise en faillite éventuelle des opérateurs de stockage, une garantie de recette est financée par l'ensemble des consommateurs. Il existe bien une mutualisation, une recette garantie pour le stockage afin de maintenir en l'état l'actif industriel, la mise aux enchères suscitant un intérêt d'utilisation pour les opérateurs privés.
Une source de réflexion pour l'avenir viserait à plus long terme à trouver un moyen pour que les opérateurs privés aient envie d'utiliser ces infrastructures ayant de véritables valeurs assurantielles. Nous allons vers toujours plus d'incertitude et vers des systèmes développant des énergies renouvelables non pilotables qui nécessiteront toujours plus de flexibilité.
Pensez-vous que certains secteurs ne sont pas couverts par la réglementation ? Je comprends tout à fait qu'en tant qu'opérateurs, vous n'êtes pas forcément candidats à de nouvelles réglementations...
La régulation du stockage en France me semble pertinente. Peut-être faudrait-il réfléchir à l'étendre à une maille européenne ou à d'autres types d'infrastructures essentielles, les pouvoirs publics pointant la valeur assurantielle à la conservation de l'infrastructure.
Dans la même optique, est-il pertinent qu'un logement soit connecté à la fois à de l'électricité, à un réseau de chaleur et à du gaz ? On peut avoir le sentiment aujourd'hui que l'avenir est plus tourné vers une technologie ou une autre. Mais il existe probablement une valeur à conserver ce type d'option ouverte. Qui la financera alors ? Un utilisateur ne paiera pas pour conserver une infrastructure qu'il n'utilise plus. En revanche, si une vraie valeur assurantielle est mise en évidence, il faut la faire payer par la collectivité.
Entre l'approche uniquement assurantielle pour se prémunir d'une coupure qui n'aurait lieu que tous les cinquante ans et l'approche par la valeur économique potentielle de la capacité de stockage, notamment pour se couvrir de la variation des prix, vous proposez en somme une approche combinée.
S'agissant du gaz, nous évoquions le scénario extrême, dont je comprends qu'il a une probabilité infinitésimale. La capacité de stockage est de quatre-vingt-dix jours. Or, en fonction de la saison, vous piochez dans cette capacité de stockage. Quelle est la capacité réelle de stockage à la fin de l'hiver ?
Monsieur Laroque, vous avez affirmé que nous détenions un stock corrélé au nombre de jours de consommation. Avec l'amoindrissement de la consommation dans l'avenir, le stock diminuera également. Plutôt que de diminuer la capacité de stockage, ne pourrions-nous pas être un peu plus flexibles sur son utilisation, notamment au vu de l'investissement et de sa valeur pour se prémunir de la variation du prix ?
Vous avez bien compris la problématique. À la fin de l'hiver, les consommations sont moindres, nous avons donc besoin de moins de gaz pour sécuriser un certain nombre de jours de consommation. Logiquement, nous entrons dans l'hiver avec des stockages pleins et en sortons avec des stockages qui ne sont pas vides, mais qui se sont réduits.
Il existe en réalité plusieurs types de stockages : des stockages salins, des stockages aquifères, dont les rendements diffèrent. La sécurité pour faire face à un coup de froid au printemps repose sur les stockages salins qui ont un débit très rapide, mais des volumes limités. Ces stockages peuvent être remplis à nouveau au cours de l'hiver pour faire face à une pointe inattendue de quelques jours de consommation ou de rupture d'approvisionnement, tout en sachant que la consommation est plus faible. Les opérateurs de stockage tentent d'optimiser ces systèmes afin de jouer sur la qualité des différents stockages et d'éviter de se retrouver en situation difficile en fin d'hiver.
Notez qu'en plein hiver, le stockage représente la moitié de la consommation. En été, c'est l'inverse et nous repassons alors en injection. Le scénario que vous décrivez soulèverait une difficulté au printemps puisqu'il retarderait l'injection dans les stockages, mais il n'engendrerait pas de risque de rupture de consommation puisque la deuxième règle vise à ne pas dépendre d'une source unique d'alimentation.
Un faible risque peut ressurgir au printemps, mais si tout se déroule bien au niveau de nos interconnexions, il n'y a pas de problème. En revanche, si une crise géopolitique survient au printemps, nous pourrions nous retrouver en difficulté pour ce qui est de la fourniture de gaz.
Il était important de bien comprendre la différence de philosophie entre le stockage des hydrocarbures et le stockage du gaz, et de la relier à une approche européenne.
Le premier fournisseur de l'Europe de l'ouest est la Norvège, qui l'alimente par des gazoducs arrivant au Royaume-Uni, en Belgique, en France, en Allemagne. Une redondance importante existe sur ce système. Là encore, le risque géopolitique ne porte que sur 20 % de la consommation européenne de gaz.
S'agissant de la régulation, l'approche holistique du sujet peut être évoquée. Il y a des énergies primaires et des énergies d'utilisation finale. Comme nous tendons à un système de plus en plus électrique, la question de l'énergie primaire devient essentielle. L'énergie entre dans le système de production électrique. Se pose alors la question spécifique du stock stratégique des différentes énergies nécessaires, y compris des énergies programmables pour la production d'électricité.
En France, le maillage des dépôts est relativement dense mais n'a cessé de diminuer au cours des années, ce qui est également vrai pour les stations-service. À la fin des années 1980, nous comptions 40 000 stations-service contre 11 000 aujourd'hui. Le système fonctionne très bien parce que la consommation pétrolière a significativement baissé au cours des années, du fait principalement de l'amélioration de l'efficacité énergétique des moteurs.
Les phénomènes de baisse de marché ne sont pas nouveaux : nous les expérimentons depuis des dizaines d'années. Il convient de garder à l'esprit qu'un opérateur de dépôt ayant réalisé un investissement dans son infrastructure a besoin de faire entrer un volume régulier de produits. Il a besoin d'un volume d'affaires, ne serait-ce que pour payer ses frais variables, son électricité, son personnel, les dépenses régulières de maintenance...
Dès que nous entrons dans une problématique assurantielle d'activité qui justifie la détention de l'actif, celui-ci entre également dans un système assurantiel qui suppose un autre mode de financement.
S'agissant du rôle des dépôts dans la régulation des prix, vous évoquez en quelque sorte un rôle de couverture. Or nous recensons de nombreux instruments de couverture dans le marché pétrolier. Moins de 10 % des transactions du marché pétrolier sont des transactions physiques et 90 % sont des transactions papier. De nombreux instruments permettent de se couvrir à long terme sur des anticipations de prix. Lorsque vous détenez une quantité, qu'elle soit sous forme de papier ou sous forme physique, celle-ci a été pricée au moment où vous l'avez achetée. Sur le long terme, il s'agit de savoir si le prix payé au moment de l'achat est bas ou élevé. Nous avons toujours eu de grandes difficultés à prédire le prix des produits énergétiques, et en particulier des produits pétroliers. Finalement, les questions de couverture se traitent principalement dans des stratégies d'achat, et les mécanismes financiers actuellement disponibles sont satisfaisants.
La réunion se termine à dix heures trente.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur la résilience nationale
Présents. - M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, M. Buon Tan
Excusés. - M. Alexandre Freschi, M. Jean Lassalle, Mme Sereine Mauborgne