Intervention de Xavier Piechaczyk

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 10h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Xavier Piechaczyk, président de Réseau de transport d'électricité (RTE) :

RTE est propriétaire de 100 000 km de lignes aériennes – 99 382 km précisément – et d'un peu plus de 6 000 km de liaisons souterraines. Ce patrimoine est soit implanté sur du domaine public, soit sur du domaine privé. RTE n'est pas propriétaire des terrains se trouvant sous les lignes qui ne sont pas protégées par des grillages. Les pylônes sont conçus pour qu'un enfant ne puisse pas monter dessus, mais ils restent toutefois escaladables par une personne agile. Le dispositif de protection et de résilience de RTE tend bien à pouvoir se passer d'une ligne à tout moment. C'est la raison pour laquelle le réseau est maillé. Nos dispositions constructives ne consistent pas à bunkeriser 100 000 km de lignes et un peu moins de 300 000 pylônes qui ne peuvent de toute façon être protégés et sont de surcroît implantés sur des terrains privés ou agricoles, mais bien à pouvoir nous passer d'une ligne et à gérer les flux d'une autre façon. Nous procédons de la sorte pour les lignes aériennes.

Les 6 500 km de lignes souterraines sont essentiellement utilisées en milieu urbain. On peut penser qu'une liaison souterraine est plus facilement protégeable qu'une ligne aérienne. Ce n'est pas toujours le cas. Si elles ne se voient pas et ne sont pas sensibles de la même manière à un acte de malveillance banal, les lignes souterraines subissent plus régulièrement des dommages, notamment de travaux publics. Il arrive qu'une entreprise de travaux publics fasse mal son travail et qu'un coup de pelle mécanique soit donné dans une ligne de 63 000 volts. La ligne est alors en avarie. Cela arrive régulièrement.

De plus, dans le monde urbain, les lignes souterraines passent souvent dans des galeries en béton qui disposent de tampons et qui sont très difficiles à sécuriser complètement. Elles sont souvent partagées entre plusieurs opérateurs ; tout le monde conçoit que nous n'allons pas consteller le sous-sol de Paris au-delà de tous les services qu'elles abritent – Enedis, l'eau, la téléphonie… Le fait que ces galeries soient en sous-sol ne rend pas le réseau substantiellement plus protégeable.

RTE exploite par ailleurs 2 800 postes électriques en France et en possède environ 650. Les autres sont cogérés avec la distribution, le plus souvent avec Enedis. Le gestionnaire de réseau qui possède le poste est chargé de le protéger.

Les 650 postes que RTE a en propriété n'ont pas tous la même importance stratégique sur le réseau. Ils font donc l'objet soit d'une protection très forte, soit d'une protection moins forte selon leur importance stratégique et selon la capacité de RTE à réalimenter les clients en cas d'avarie dans le poste, qu'elle soit accidentelle ou issue d'un acte de malveillance. L'audition étant enregistrée, je ne souhaite pas aller plus loin dans la description de ces dispositifs de protection.

Vous avez évoqué la possibilité de coupures locales. Je rappelle que les réseaux sont dimensionnés pour que le moins de coupures possibles surviennent. Le principe du maillage vise bien à assurer un fonctionnement correct lorsqu'un brin se coupe. Dans les benchmarks européens et mondiaux, la France est un des meilleurs pays en qualité d'approvisionnement en électricité, que ce soit en matière de transport ou de distribution. Nous pouvons en être fiers. Le domaine de compétence de RTE s'étend de 400 000 à 63 000 volts. Les tensions en deçà de 20 000 volts sont gérées par la distribution.

Il est exact qu'un arbre qui pousse trop près d'une ligne électrique peut créer un court-circuit en provoquant un arc électrique. Il s'agit en effet d'une question de maintenance. Tous les opérateurs de réseau ont des politiques pour entretenir la végétation sous les lignes. Il appartient au gestionnaire de réseau de s'assurer que les arbres sont coupés sous les lignes lorsque celles-ci passent au-dessus de propriétés privées. RTE dépense plusieurs dizaines de millions par an pour entretenir la végétation sous les lignes et pour que les arbres restent au bon gabarit, pour que le court-circuit ne se produise pas. Il est très rare qu'un tel incident survienne, en tout cas sur le réseau de 63 000 à 400 000 volts dont je m'occupe.

Vous nous avez également interpellés sur notre niveau de dépendance à internet. Tout comme pour la protection des postes électriques, nous mettons en place plusieurs couches de protection. Nous sommes tout d'abord soumis à la loi de programmation militaire. Dans ce cadre, nos relations avec l'ANSSI sont absolument remarquables, très fluides et très fréquentes sur les questions de cybersécurité.

Le cœur du système électrique français est géré par un système de conduite clos, privé, et sur lequel seules les données de RTE circulent. Il est donc exploité par un réseau étanche, ce qui n'écarte pas la question d'internet. En fonction de leur criticité, nos activités peuvent être plus ou moins connectées à des réseaux ouverts. La connexion la plus ouverte est mon ordinateur bureautique professionnel, comme le vôtre. Ces ordinateurs sont cependant plus protégés que la moyenne pour éviter des intrusions malveillantes.

La protection cyber est une question de préparation, mais également de réactivité lorsqu'un événement survient. RTE a récemment mis en place une salle de supervision de ses systèmes d'information et de lutte contre la cybercriminalité, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, avec nos propres salariés présents pour vérifier que les systèmes d'information vont bien et pour gérer les éventuelles tentatives d'attaque et d'intrusion dans une des couches de protection évoquées précédemment. Cette disposition a été mise en œuvre il y a quelques mois dans le cadre de nos obligations fixées par la loi de programmation militaire.

Comme tout opérateur sensible, nous effectuons un grand nombre d'exercices d'attaque cyber, allant du hameçonnage sur un ordinateur à des attaques de grande ampleur, à l'instar de ce que nous menons sur le réseau pour prévenir des tempêtes ou des vagues de chaleur imprévues. Nous agissons soit seuls, soit avec nos collègues de la distribution, toujours en lien avec les pouvoirs publics compétents pour la protection des services essentiels de la nation.

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