Quelques chiffres : Enedis compte environ 38 000 salariés et un peu plus de 37 millions de points de livraison ; nous sommes présents sur 95 % du territoire et réalisons un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros.
Les investissements qu'Enedis réalise tous les ans sont de l'ordre de 4 milliards d'euros, dont 1 milliard est dédié au sujet « résilience » au sens global du terme ; 2 milliards d'euros environ sont dédiés à une autre forme d'évolution du système électrique : les raccordements ou les extensions de réseau.
Enedis c'est 1,4 million de kilomètres de lignes, soit trente-cinq fois le tour de la Terre. L'intersection de la résilience du système avec les questions d'innovation est relativement originale. Vue par un distributeur tel qu'Enedis, la résilience implique d'être capable de s'adapter, d'aider et d'accélérer la transition énergétique telle qu'est en train de se déployer actuellement. Nous assistons à un développement des EnR. Plus de 500 000 producteurs d'EnR sont recensés en France à ce jour, contre quelques dizaines de milliers il y a quelques années.
Nous devrons accompagner la poursuite de la décarbonation des usages. Je signale qu'en France, le réseau a été capable d'accueillir un usage de chauffage électrique, probablement bien plus résilient à la décarbonation que ne le sont d'autres réseaux en Europe. Deux autres usages importants vont se développer : la pompe à chaleur et la mobilité électrique. Le réseau français est tout à fait prêt à intégrer et à accélérer ces nouveaux usages de l'électricité.
Le réseau doit également être capable de s'articuler avec des logiques locales de flexibilité, d'autoconsommation, de stockage à des échelles différentes. Les volontés et les logiques locales tendent à une plus grande autonomie à certains endroits. La question des communautés énergétiques doit être articulée avec le réseau, la question des microgrids, des interactions entre les énergies électriques, chaleur, froid, qui seront de plus en plus nombreuses, ainsi qu'avec l'intelligence aval compteur, les smart homes, les smart buildings. Cette intelligence distribuée fera apparaître des problématiques de systèmes de systèmes : les systèmes veulent optimiser la consommation d'énergie chacun de leur côté. Il est donc impératif de parvenir à créer des intelligences qui intègrent ces différents systèmes.
À court terme, nous nous dirigerons vers un système bien plus complexe. Des productions et des consommations devront être prévues à des niveaux extrêmement locaux. Nous devrons détecter des congestions qui prendront des formes très différentes, et sélectionner des solutions, des alternatives que nous n'avions pas forcément envisagées de façon aussi simple. Devrons-nous adapter notre schéma de réseau ? Activerons-nous des flexibilités ? Ce sont là des problématiques nouvelles. Une sorte de nouveau paradigme se met en place progressivement.
Un nouveau système très dynamique se dessine dont la sécurité et la résilience reposent en grande partie sur des technologies de l'information (IT) de plus en plus sophistiquées. Sur le réseau d'Enedis, nous avons environ 1,2 million de capteurs de toutes sortes, hors compteurs communicants – 33 millions de compteurs Linky sont installés. Ces capteurs nous renvoient de l'information et nous aident à faire évoluer ce réseau, mais ouvrent aussi des problématiques différentes.
Les questions de résilience sont également liées à l'organisation du système, puisque la quasi-totalité des nouveaux moyens de production et des nouveaux usages seront raccordés au réseau de distribution d'électricité. La coordination entre le transporteur et le distributeur doit être renforcée et probablement modifiée.
L'innovation est présente dans tous les domaines. Nous travaillons actuellement à des groupes électrogènes décarbonés. Nous utilisons en effet des groupes électrogènes, que ce soit pour des travaux, pour ne pas couper les clients, ou en cas de crise. Ces groupes émettent du carbone ; nous travaillons à leur substituer des solutions utilisant des batteries à hydrogène.
Nous testons également des possibilités de réseau en mode îloté, en Corrèze pour des usages agricoles avec du solaire, et dans les Hauts-de-France avec de l'éolien. Nous devrons continuer d'innover sur ces sujets.
Le scénario qui conduit vers un taux d'EnR important ouvre des sujets sur lesquels nous effectuons des recherches. Au-delà d'un certain seuil de pénétration, nous savons que des questions de stabilité du système se poseront, qui ne sont certes pas insurmontables mais sur lesquels nous devons innover dès maintenant. Un système de grande taille sans machine tournante, puisque c'est le cas des EnR en grande majorité, pose des défis électrotechniques non résolus à ce jour.
Un autre aspect concerne les effets du dérèglement climatique sur nos systèmes. Des travaux de recherches sont menés sur le sujet, en particulier avec le laboratoire de recherche de météorologie dynamique de l'École polytechnique. Celui-ci dresse le constat que nous connaissons tous : la température moyenne évolue, les vagues de chaleur s'intensifient, posant des problèmes très spécifiques au réseau notamment lorsque les journées caniculaires se prolongent. Les études actuellement menées sur les risques liés au vent maintiennent un niveau élevé en fréquence et en impact, sans toutefois que ce phénomène ne dérive d'ici à 2050. En revanche, les risques de pluies abondantes, de crues et d'innondations augmentent dans nos hypothèses de travail – bien que cet aspect puisse être modulé selon les régions. Les risques d'incendie augmentent également. Nous relevons en revanche une diminution du nombre de jours anormalement froids, mais peu d'évolution significative des épisodes de neige collante, phénomènes très impactants sur le réseau.
Les impacts restent donc significatifs, souvent localisés, et peuvent toucher une partie très importante de la population.
Tous les sujets sont importants à considérer : l'amélioration des matériels, en particulier pour certains réseaux aériens, la suppression de câbles papier imprégné, la protection d'appareils numériques sensibles à la chaleur. Une très forte numérisation des réseaux a été entreprise, permettant de mieux gérer les flux en temps réel. Le nombre d'objets connectés est très important ; nous utilisons des indicateurs lumineux de défaut ; des capteurs sont en cours de généralisation.
Par ailleurs, nous avons créé une FIRE, une force d'intervention rapide électricité, et avons structuré la réponse à des phénomènes extrêmes. Nous travaillons également à nous rendre plus efficaces grâce à des plates-formes de moyens d'intervention que nous parvenons de plus en plus à prépositionner en fonction de nos anticipations. L'intelligence artificielle nous aide beaucoup.
Nous avons ainsi développé un module d'intelligence artificielle, nommé « Windy », qui nous permet d'anticiper, en fonction des prévisions météorologiques, les endroits où les réseaux devraient subir le plus de dégâts. Ce genre d'outil permet de prépositionner nos forces d'intervention rapide avec les groupes associés et de gérer les aspects RH avec quelques jours d'avance, ce qui fait toute la différence au moment d'intervenir.
Je tiens à évoquer enfin la question de la cybersécurité. Dans le système qui existe d'ores et déjà, et dans celui que nous dessinons à l'horizon 2035 et plus encore 2050, l'informatique et le numérique ont une place absolument prépondérante. Le corollaire est la capacité que nous devons avoir à nous protéger contre les attaques. À l'instar de toutes les entreprises, Enedis fait face à des attaques cyber. Ce thème, que nous considérons comme partie intégrante de la résilience, fait l'objet d'investissements spécifiques.