Intervention de Henri Biès-Péré

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 17h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Henri Biès-Péré, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) :

Alors que le modèle agricole était considéré comme condamné et qu'il était cloué au pilori, force est de constater qu'il a tenu bon lors de la crise sanitaire, comme cela a été reconnu par les représentants de l'ANIA.

Les agriculteurs ont été présents et ils n'ont pas cessé de produire durant la crise. Ils ont été au rendez-vous, tant en termes de qualité que de quantité. Les Français n'ont pas été contraints de réduire leur consommation de produits alimentaires.

Les agriculteurs et une partie de l'agroalimentaire se sont adaptés aux mesures de restriction sanitaire, en ouvrant de nouveaux circuits de distribution, en déployant la vente directe, en organisant de nouveaux marchés ou encore des drive.

Mais nous devons faire attention à ce que la tendance actuelle de montée en gamme comme seule politique pour l'avenir de l'agriculture ne mette pas à mal les capacités productives et la réactivité des filières. Cette montée en gamme doit se faire à un rythme qui tienne compte de la nécessité du maintien de la capacité productive des exploitations agricoles et de la réactivité des filières.

En outre, le surcoût engendré par cette transformation de l'agriculture doit être raisonné et ne pas décourager l'envie de l'agriculteur d'entreprendre, de prendre des risques et d'être présent comme il l'a été lors de la crise sanitaire. Nous devons veiller à ce que les agriculteurs et les filières alimentaires produisent pour tous les segments de marché, et pas seulement pour une alimentation qualitative.

Les produits locaux sont fortement demandés, tant par les collectivités territoriales que par les consommateurs, qui n'hésitent pas à dépenser davantage pour en bénéficier. Ce marché progressera sans difficulté, au fur et à mesure de la hausse de la demande des consommateurs.

S'agissant des produits bio, les agriculteurs se convertissent de plus en plus. Cependant, dans certaines filières, l'équilibre entre la production et la consommation a été atteint, et il convient d'être vigilant à ce sujet. Si la production dépassait le niveau de la demande, nous connaîtrions une baisse des prix. Par conséquent, il faut faire attention à préserver, sur chaque segment de marché, le bon équilibre entre capacités de production et demande.

Les filières longues et l'exportation, particulièrement vilipendée actuellement, sont moins bien traitées. Or, certains territoires, y compris dans l'hexagone, n'ont pas la capacité de tout produire en quantité et en qualité, parce qu'ils sont fortement peuplés ou parce qu'ils n'ont pas les surfaces qui permettent de développer toutes les productions nécessaires. À l'inverse, d'autres territoires ont les espaces requis, mais pas de lieux de consommation. La résilience et la robustesse des filières sont liées à la prise en compte de ces différenciations territoriales, avec une prise en charge des volumes produits par des filières de transformation, pour qu'ils soient vendus dans tout le territoire.

Et même si la vocation première de notre agriculture n'est pas l'exportation, celle-ci permet de maintenir les outils de production, de stockage et de transformation. S'il fallait limiter la production française à la consommation des concitoyens, ces capacités seraient réduites, ce qui diminuerait la résilience du secteur en période de crise.

Au total, l'agriculture française dispose actuellement d'une robustesse qui permet de satisfaire à la fois le client local et le client parisien.

Pour maintenir et renforcer cette résilience, il est important de continuer à investir dans la recherche et l'innovation, pour prendre en compte l'environnement et le changement climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre, et parvenir à capturer le carbone et les gaz à effet de serre émis par les autres secteurs.

Ces évolutions doivent s'opérer sans limiter la production, car nous avons besoin de ces volumes. Pour cela, il faut investir dans la recherche, qui permet par exemple de développer des plantes plus résistantes et moins consommatrices d'intrants, et dans l'innovation.

Le deuxième élément pour renforcer la résilience concerne les facteurs de production. Un débat a lieu actuellement au ministère de l'agriculture sur les retenues et le stockage de l'eau ; il faudra impérativement développer ce stockage ; il me semble que c'est un point que votre mission devra souligner.

Par ailleurs, nous devons impérativement progresser sur les solutions biosourcées à même de remplacer les éléments chimiques. Nous sommes favorables à la réduction de l'utilisation des produits chimiques mais, si nous ne disposons pas de solutions alternatives, nous serons incapables de maintenir une agriculture productive.

Enfin, l'appareil industriel autour de l'agriculture a besoin d'être modernisé, il a besoin d'investissements. Bref, il est temps de relancer des grands projets d'investissement et d'avenir pour renforcer encore la résilience de l'agriculture.

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