Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 18h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) :

Après le premier confinement, la secrétaire générale de la défense nationale de l'époque, Mme Claire Landais, aujourd'hui secrétaire générale du Gouvernement, a recommandé de considérer désormais la grande distribution alimentaire comme un secteur stratégique.

De fait, la filière alimentaire est stratégique et la distribution alimentaire a réussi à ne fermer aucun magasin alimentaire en France lors du confinement, grâce à la réactivité très forte qui a prévalu immédiatement.

Après l'annonce du confinement par le Premier ministre, dès le 15 mars 2020, le ministère des finances réunissait les grands acteurs du secteur et un plan sanitaire global était élaboré pour le secteur, mis en application dès le 16 mars.

Avec 10 millions de clients par jour, nous étions en contact avec 10 millions de personnes potentiellement malades. Nous avions demandé dès le départ à disposer de masques ; cela nous avait été refusé dans un premier temps, mais une semaine plus tard, nous avons obtenu l'autorisation d'en acheter.

Nous avons réussi à calmer l'inquiétude initiale des consommateurs, à l'origine de comportements parfois difficiles. Certains clients sont ainsi venus dans les entrepôts d'hypermarchés pour voler des produits. On a aussi vu des bagarres avec nos personnels et des mouvements de panique. Tout l'enjeu a été de communiquer pour expliquer qu'il y aurait des produits en quantité et qu'il n'était pas utile de les stocker. De fait, le calme est revenu assez vite.

Nous avons travaillé de manière concrète avec le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, avec qui nous avions une réunion de coordination tous les soirs, parfois en présence du ministre de l'agriculture. Les grands patrons du secteur – M. Michel-Edouard Leclerc pour le groupe Leclerc, M. Jean-Charles Naouri pour Casino, M. Alexandre Bompart pour Carrefour – participaient à cet échange, ainsi que deux grands industriels, M. Emmanuel Faber pour Danone et M. Emmanuel Besnier pour Lactalis.

À la demande du ministre, j'effectuais un point quotidien sur trois indicateurs : le taux d'absentéisme dans les magasins, le taux d'absentéisme et de fonctionnement dans les entrepôts, le taux de services des commandes passées. Ces indicateurs se sont dégradés de manière très rapide et à un moment, il manquait 20 % des produits.

En conséquence, les industriels se sont organisés, en lien avec nous, pour pratiquer le 20/80, en livrant les 20 % de produits représentant 80 % des ventes. Nous avons donc restreint l'offre, de manière à garantir une offre suffisante à tout le monde et à éviter le rationnement. Cependant, nous avons craint que cela ne suffise plus, notamment en raison de l'absentéisme, qui atteignait 40 à 45% de nos personnels dans certaines régions, notamment le Grand Est ou la région Centre. A la fin du mois de mars, nous avons donc indiqué au ministre qu'il fallait réfléchir à des mesures de sauvegarde.

M. Bruno Le Maire m'a alors passé commande d'un plan de sauvegarde de l'ensemble du secteur agroalimentaire. Nous y avons travaillé tout le week-end, en passant en revue toutes les options : rationnements éventuels, organisations spécifiques – fermeture des magasins, limitation des horaires – et concours éventuel des forces de l'ordre ou de l'armée pour éviter toute difficulté.

Mais la situation s'est finalement améliorée pour une raison très simple à laquelle personne n'avait pensé : à partir du moment où le chômage partiel se généralisait, les conjoints des collaborateurs ont pu garder leurs enfants. Ainsi, le taux d'absentéisme, qui était très largement lié au problème de la garde d'enfants, s'est amélioré, et nous avons réussi à passer cette période délicate.

Au total, au cours de cette période, non seulement personne n'a eu de problème pour se nourrir mais, en plus, nos salariés sont devenus les nouveaux héros de cette crise, ce qui a eu un effet très positif.

Pour assurer le service des commandes, nous avons constaté que les difficultés concernaient plutôt des produits intermédiaires, c'est-à-dire des fournitures auxquelles nous n'avions pas pensé, par exemple des opercules. Nous avions du lait, mais plus d'opercules pour le mettre en bouteilles. De même, nous disposions d'œufs, mais n'avions plus assez de boîtes pour les emballer. Nous avons dû nous adapter à cette situation.

Nous n'avons pas vraiment eu de problème pour les importations. La seule vraie difficulté rencontrée, en relation avec l'étranger, a été le manque de personnel disponible auprès des agriculteurs. Aussi, en lien avec la présidente de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Mme Christine Lambert, nous avons multiplié les opérations pour que nous achetions des fraises françaises par exemple, même si ce n'était pas forcément facile de faire comprendre aux Français pourquoi les fraises étaient plus chères qu'auparavant.

Pour conclure mon propos, j'estime qu'il faut absolument que nous soyons désormais considérés comme un secteur stratégique pour les crises à venir, car si les Français n'avaient pas à manger, cela induirait une situation sociale hors de contrôle.

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