L'Alliance 4F représente l'ensemble des entreprises du transport ferroviaire, indépendamment de leur taille – elle comprend le groupe ferroviaire historique Fret SNCF – et de leur place dans la chaîne : nous représentons aussi bien les chargeurs, via l'association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), que les détenteurs de wagons de fret, par l'intermédiaire de l'association française des détenteurs de wagons (AFWP), et les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP).
Je précise que l'alliance 4F vient de signer un pacte quadripartite pour la relance du fret national ferroviaire, avec l'État, SNCF Réseau et l'association des utilisateurs de fret.
Les principaux risques pour le transport ferroviaire sont aujourd'hui liés au réseau. Ce sont les aléas climatiques, mais aussi les grèves et les mouvements sociaux comme ceux que nous avons vécus récemment contre la réforme des retraites, qui ont sérieusement perturbé le trafic. Ainsi, pour nous, le maillon faible de la chaîne logistique ferroviaire réside bien dans le réseau lui-même. Le risque d'attentat entre également dans cette catégorie. Fort heureusement, nous n'avons pas encore connu d'attentat majeur sur le réseau ferroviaire –déraillement provoqué, ligne dynamitée – mais ce risque n'est pas à exclure et il faut rester vigilants. Comme je le disais, les risques climatiques sont également à prendre en compte. Rappelons le glissement de terrain qui s'est produit en 2019 au niveau de la gare de Modane, et qui a interrompu complètement le trafic ferroviaire entre la France et l'Italie pendant plusieurs semaines. Par ailleurs, dans une vision de long terme, en fil rouge, c'est l'entretien du réseau qui est en jeu, et qui peut constituer, s'il est insuffisant, un risque pour nos activités.
Pendant la crise sanitaire, nous avons réussi à maintenir notre production de manière optimale. Nous n'avons pas été aussi lourdement impactés que nos confrères du transport routier ; nos trains ont continué à rouler et ont même pris leur relève, le temps qu'ils puissent retrouver une activité normale.
Cette crise a cependant engendré des surcoûts pour notre secteur. Pour mon entreprise, ce surcoût a été estimé à 7 millions d'euros pour l'année 2020, sur un chiffre d'affaires global de 150 millions d'euros : ce n'est pas négligeable. Il résulte des mesures exceptionnelles que nous avons mises en place du fait de cette crise, notamment pour acheminer nos conducteurs, confrontés à la fermeture des établissements hôteliers et à la suppression des liaisons ferroviaires pour les passagers. Nous avons ainsi fait appel à des loueurs pour mettre en place un système de véhicules de service. Nous avons aussi divisé par deux la durée des journées de service, afin d'organiser les acheminements de nos conducteurs par la route tout en restant dans le cadre légal pour le temps de travail. Du fait de ces mesures, nous avons consommé en trois mois quasiment le double de masse salariale, pour un nombre de trains en circulation bien plus faible que d'habitude.
La crise sanitaire a montré que le transport ferroviaire est un élément de résilience. Il est certes moins flexible que le transport routier mais, en période de crise, il a permis de maintenir la chaîne et d'acheminer divers produits et matières, par exemple des produits chimiques pour la fabrication du gel hydroalcoolique, des produits alimentaires, etc. Certains chargeurs se sont tournés vers le fret ferroviaire pendant les premiers mois de la crise, avant de revenir vers la route ensuite ; cela nous a permis de leur faire connaître l'offre du fret ferroviaire.
Pour le reste, notre secteur est fortement réglementé, et tous les risques sont pris en compte, en lien avec l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Nous disposons ainsi d'une cartographie des risques assez exhaustive, que je peux partager avec vous si vous le souhaitez.
La réglementation existante ne nous pose pas de difficultés. Cependant, de nouvelles dispositions sur le trafic des marchandises dangereuses pourraient la rendre trop contraignante. En effet, une directive européenne actuellement en discussion vise à interdire le croisement dans un tunnel d'un train de fret transportant des marchandises dangereuses et d'un train de voyageurs. En réalité, cette situation ne représente pas forcément un danger car le mode ferroviaire est très adapté au transport de marchandises dangereuses, et nous ne voyons pas le risque spécifique lié à un croisement dans un tunnel. Ce raisonnement appliqué à la route devrait conduire à interdire le transport de marchandises dangereuses sur des voies empruntées simultanément par des véhicules particuliers au moment du passage dans un tunnel. Bref, une telle réglementation est inutilement coercitive.
Je disais que le risque terroriste ne s'était pas matérialisé à ce jour dans notre secteur. Cependant, il est malheureusement trop simple de faire dérailler un train : il suffit d'accéder à la voie et de poser un taquet dérailleur, comme il y en a des dizaines dans les gares de triage pour caler les trains sur une ligne principale. Cette possibilité est peu connue aujourd'hui, mais elle est d'une relative et déconcertante facilité... De la même manière, il faut rester vigilant face au risque de sabotage des installations. Il est pourtant compliqué de surveiller les 40 000 kilomètres de voies ferroviaires que compte la France…