Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du vendredi 17 septembre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Vendredi 17 septembre 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente

(Présidence de Mme Sereine Mauborgne, vice-présidente de la mission d'information)

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Nous sommes réunis pour débattre de la sécurité et de la souveraineté alimentaire de la France dans le cadre de notre mission d'information sur la résilience nationale. Nous traiterons plus particulièrement aujourd'hui de l'acheminement des biens alimentaires et du transport des marchandises.

Pour cela, nous accueillons, pour l'alliance Fret 4F (Fret fer français du futur), M. Alexandre Gallo, président-directeur général d'Euro Cargo Rail, et M. Aurélien Barbé, directeur général du groupement national des transports combinés (GNTC) ; pour la fédération nationale des transports routiers (FNTR), Mme Florence Berthelot, déléguée générale, et M. Patrick Lahaye, vice-président et président-directeur général des transports Lahaye ; pour l'organisation des transports routiers européens (OTRE), M. Alexis Gibergues, président ; pour l'union des entreprises transports et logistique de France (UTLF), M. Degouy, délégué général, et Mme France Beury, directrice des affaires publiques et européennes ; et enfin, pour l'association La Chaîne logistique du froid, M. Bertrand Bompas, vice-président et Mme Valérie Lasserre, directrice générale.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Je vous laisserai exposer ce que sont, selon vous, les forces et les faiblesses du transport de marchandises en France, notamment lorsqu'il s'agit de faire face à des crises de grande ampleur, quelle qu'en soit la nature : sanitaire, comme actuellement, cyber, sociale…

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Alexandre Gallo, alliance 4F

L'Alliance 4F représente l'ensemble des entreprises du transport ferroviaire, indépendamment de leur taille – elle comprend le groupe ferroviaire historique Fret SNCF – et de leur place dans la chaîne : nous représentons aussi bien les chargeurs, via l'association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), que les détenteurs de wagons de fret, par l'intermédiaire de l'association française des détenteurs de wagons (AFWP), et les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP).

Je précise que l'alliance 4F vient de signer un pacte quadripartite pour la relance du fret national ferroviaire, avec l'État, SNCF Réseau et l'association des utilisateurs de fret.

Les principaux risques pour le transport ferroviaire sont aujourd'hui liés au réseau. Ce sont les aléas climatiques, mais aussi les grèves et les mouvements sociaux comme ceux que nous avons vécus récemment contre la réforme des retraites, qui ont sérieusement perturbé le trafic. Ainsi, pour nous, le maillon faible de la chaîne logistique ferroviaire réside bien dans le réseau lui-même. Le risque d'attentat entre également dans cette catégorie. Fort heureusement, nous n'avons pas encore connu d'attentat majeur sur le réseau ferroviaire –déraillement provoqué, ligne dynamitée – mais ce risque n'est pas à exclure et il faut rester vigilants. Comme je le disais, les risques climatiques sont également à prendre en compte. Rappelons le glissement de terrain qui s'est produit en 2019 au niveau de la gare de Modane, et qui a interrompu complètement le trafic ferroviaire entre la France et l'Italie pendant plusieurs semaines. Par ailleurs, dans une vision de long terme, en fil rouge, c'est l'entretien du réseau qui est en jeu, et qui peut constituer, s'il est insuffisant, un risque pour nos activités.

Pendant la crise sanitaire, nous avons réussi à maintenir notre production de manière optimale. Nous n'avons pas été aussi lourdement impactés que nos confrères du transport routier ; nos trains ont continué à rouler et ont même pris leur relève, le temps qu'ils puissent retrouver une activité normale.

Cette crise a cependant engendré des surcoûts pour notre secteur. Pour mon entreprise, ce surcoût a été estimé à 7 millions d'euros pour l'année 2020, sur un chiffre d'affaires global de 150 millions d'euros : ce n'est pas négligeable. Il résulte des mesures exceptionnelles que nous avons mises en place du fait de cette crise, notamment pour acheminer nos conducteurs, confrontés à la fermeture des établissements hôteliers et à la suppression des liaisons ferroviaires pour les passagers. Nous avons ainsi fait appel à des loueurs pour mettre en place un système de véhicules de service. Nous avons aussi divisé par deux la durée des journées de service, afin d'organiser les acheminements de nos conducteurs par la route tout en restant dans le cadre légal pour le temps de travail. Du fait de ces mesures, nous avons consommé en trois mois quasiment le double de masse salariale, pour un nombre de trains en circulation bien plus faible que d'habitude.

La crise sanitaire a montré que le transport ferroviaire est un élément de résilience. Il est certes moins flexible que le transport routier mais, en période de crise, il a permis de maintenir la chaîne et d'acheminer divers produits et matières, par exemple des produits chimiques pour la fabrication du gel hydroalcoolique, des produits alimentaires, etc. Certains chargeurs se sont tournés vers le fret ferroviaire pendant les premiers mois de la crise, avant de revenir vers la route ensuite ; cela nous a permis de leur faire connaître l'offre du fret ferroviaire.

Pour le reste, notre secteur est fortement réglementé, et tous les risques sont pris en compte, en lien avec l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Nous disposons ainsi d'une cartographie des risques assez exhaustive, que je peux partager avec vous si vous le souhaitez.

La réglementation existante ne nous pose pas de difficultés. Cependant, de nouvelles dispositions sur le trafic des marchandises dangereuses pourraient la rendre trop contraignante. En effet, une directive européenne actuellement en discussion vise à interdire le croisement dans un tunnel d'un train de fret transportant des marchandises dangereuses et d'un train de voyageurs. En réalité, cette situation ne représente pas forcément un danger car le mode ferroviaire est très adapté au transport de marchandises dangereuses, et nous ne voyons pas le risque spécifique lié à un croisement dans un tunnel. Ce raisonnement appliqué à la route devrait conduire à interdire le transport de marchandises dangereuses sur des voies empruntées simultanément par des véhicules particuliers au moment du passage dans un tunnel. Bref, une telle réglementation est inutilement coercitive.

Je disais que le risque terroriste ne s'était pas matérialisé à ce jour dans notre secteur. Cependant, il est malheureusement trop simple de faire dérailler un train : il suffit d'accéder à la voie et de poser un taquet dérailleur, comme il y en a des dizaines dans les gares de triage pour caler les trains sur une ligne principale. Cette possibilité est peu connue aujourd'hui, mais elle est d'une relative et déconcertante facilité... De la même manière, il faut rester vigilant face au risque de sabotage des installations. Il est pourtant compliqué de surveiller les 40 000 kilomètres de voies ferroviaires que compte la France…

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Aurélien Barbé, alliance 4F

. Je vais revenir brièvement sur les risques climatiques et environnementaux. Lorsqu'ils se matérialisent, il faut pouvoir trouver des itinéraires de contournement. Ces parcours alternatifs existent aujourd'hui, mais ils sont souvent sous-capacitaires. Dans ces conditions, tous les trafics ne peuvent pas être assurés. Il est déjà arrivé que des circulations soient bloquées pendant plusieurs semaines, notamment après des inondations importantes. C'est un point sur lequel des améliorations sont envisageables, en lien avec le gestionnaire d'infrastructures SNCF Réseau.

Je souhaite aussi revenir sur les dispositifs de gestion de crise mis en place par certaines entreprises de notre secteur d'activité. Pendant la crise sanitaire, certains trains ont été considérés comme vitaux pour la nation, car ils transportaient des marchandises stratégiques – combustibles, céréales, entre autres – qui bénéficiaient d'une priorité en termes de sillons et de circulation. Ces dispositifs ont bien fonctionné et doivent être préservés.

Enfin, comme le disait Alexandre Gallo, je pense qu'il est nécessaire de sécuriser davantage l'infrastructure, qui est accessible à tous et donc vulnérable face à des menaces terroristes ou à des attaques de personnes mal intentionnées. SNCF Réseau devrait sans doute améliorer ses dispositifs de sécurisation.

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Vous dites que certains trains ont été identifiés comme étant vitaux pour la nation pendant la crise sanitaire. Devons-nous comprendre que vous n'étiez pas identifiés comme des opérateurs d'importance vitale (OIV) ?

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Aurélien Barbé, alliance 4F

C'est principalement l'entreprise historique Fret SNCF qui a mis en œuvre ces « trains vitaux » ; la priorisation a été effectuée en interne sur des trains jugés stratégiques au vu des marchandises transportées, principalement des céréales, du vrac solide et des combustibles.

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Alexandre Gallo, alliance 4F

Il faut ajouter que les conditions de circulation étaient bonnes sur le réseau pendant la crise sanitaire car il y avait peu de trains voyageurs en circulation et pas de travaux sur les lignes. La priorisation a donc essentiellement porté sur les moyens internes à l'entreprise ferroviaire. De fait, nous avons atteint des niveaux de ponctualité records grâce à ces limitations.

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Florence Berthelot, déléguée générale de la fédération nationale des transports routiers (FNTR)

La FNTR regroupe plus de 5 000 entreprises et 240 000 salariés. Le transport routier de marchandises représente 90 % part modale dans notre pays.

Notre secteur d'activité a l'habitude de gérer les crises au fil de l'eau. Nous sommes régulièrement confrontés à des événements climatiques comme les épisodes neigeux. D'autres risques sont aussi réels, par exemple lorsque des migrants se cachent dans les camions pour traverser la Manche.

Pourtant, le premier confinement a montré que nous ne sommes pas suffisamment traités comme un secteur prioritaire. Dès février 2020, voyant le risque se profiler, nous avions demandé à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) de nous communiquer le plan de continuité d'activité des transports routiers ; mais nous n'avons jamais obtenu de réponse. Après l'annonce du confinement, nos fédérations ont dû batailler pour connaître les modalités qui s'appliquaient à nous ; par exemple pour savoir si nos conducteurs auraient besoin de produire une attestation, ou encore quels transports pourraient circuler. Ainsi, au début, nous n'avons fait que gérer des problèmes qui n'avaient pas été anticipés.

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Il faut se souvenir aussi des aires d'autoroutes qui n'étaient pas ouvertes pour les chauffeurs, problème heureusement rapidement résolu par le ministre des transports, M. Jean-Baptiste Djebbari. Dans ma circonscription, j'ai été régulièrement interpellée par des transporteurs scandalisés que l'on oublie que, dans chaque camion, il y a un conducteur.

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Florence Berthelot, déléguée générale de la fédération nationale des transports routiers (FNTR)

Exactement. Nous avons aussi eu quelques débats avec les représentants des sociétés d'autoroutes. Certes, ces difficultés ont été levées au bout de quinze jours, mais ces quinze jours ont été longs pour nos chauffeurs, qui ne savaient pas où s'arrêter et où trouver un point de restauration et des sanitaires. Ces problématiques ont été mieux gérées lors du deuxième confinement, aussi parce que les organisations syndicales sont montées au créneau pour éviter que nous ne connaissions les mêmes difficultés. Toutes ces questions ont été étudiées de manière assez administrative ; il nous a notamment fallu identifier 400 points de restauration permettant à nos conducteurs de manger chaud pendant leur journée.

Nous profitons donc de l'occasion de cette table-ronde pour redire qu'il est essentiel de mettre au point un plan national de gestion des crises pour le transport routier. Nous pourrions être confrontés à des crises d'une autre nature qu'il faut savoir anticiper. Aujourd'hui, en cas d'intempéries, par exemple d'inondations ou de fortes neiges, les camions sont bloqués et stockés sans que soit organisé le ravitaillement en nourriture des conducteurs. L'alliance 4F insistait sur l'importance de l'infrastructure ; nous soulignons celle du facteur humain, pour être en mesure de poursuivre notre activité en situation de crise.

S'agissant du risque terroriste, nous nous souvenons tous que le camion qui avait foncé dans la foule à Nice avait été loué par un terroriste détenteur d'un permis, mais qui n'était pas un salarié du transport routier. Nos entreprises ont néanmoins été sensibilisées au risque terroriste et aux phénomènes de radicalisation.

Par ailleurs, le transport de matières dangereuses fait souvent peur mais, en réalité, il est déjà fortement réglementé.

Bref, l'absence de plan de continuité pour une activité aussi essentielle que la nôtre est, à mon sens, le problème le plus urgent actuellement.

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Avez-vous le sentiment que certaines de vos demandes n'ont pas été entendues lors de cette crise ?

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Florence Berthelot, déléguée générale de la fédération nationale des transports routiers (FNTR)

Nos demandes ont été entendues mais avec retard. C'est le cas notamment pour l'attestation, avec des chauffeurs qui auraient eu besoin de deux attestations : la première pour se rendre chez leur employeur et la seconde pour circuler. La difficulté est que plusieurs ministères ont interféré dans les décisions. Notre ministère de tutelle a conscience de nos enjeux mais ce n'est manifestement pas le cas d'autres ministères. Or il faut rappeler à quel point le transport, en général, est une activité vitale pour notre pays. En temps de guerre, on dit toujours que la clé de la victoire passe par la logistique, c'est-à-dire que tout peut s'effondrer si la logistique n'est pas prise en compte. Pour répondre plus précisément à votre question, nous avons certes été entendus à force de marteler nos demandes mais, sur quelques sujets, il a fallu taper du poing sur la table.

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Patrick Lahaye, vice-président de la FNTR

. La crise que nous avons connue est une crise grandeur nature. Le confinement a certes mis à l'arrêt certaines activités mais, à l'inverse, la demande pour le transport de produits alimentaires et d'hygiène a fortement augmenté.

Je souhaite aussi témoigner de la situation que nous avons connue localement là où se trouve mon entreprise, en Bretagne. Rappelons que la région Bretagne n'a pas d'autoroutes mais des quatre-voies non concédées. Or tous les parkings de Rennes à Brest ont été fermés pendant toute la durée du confinement. Ces routes sont gérées par la direction interdépartementale des routes Ouest (DIRO), qui n'a jamais autorisé la réouverture des parkings. Nos conducteurs, qui doivent s'arrêter toutes les quatre heures et trente minutes pour une pause, devaient alors dévier de leur route pour trouver une aire de stationnement. En revanche, les autoroutes concédées ont rouvert leurs équipements assez rapidement.

Les chauffeurs ont été en première ligne pendant la crise. Pourtant, ils ont dû continuer à travailler sans pouvoir s'arrêter dans un restaurant routier, avec des informations contradictoires sur les attestations, etc.

À l'international et pour le trafic trans-Manche, les difficultés ont également été fortes avec l'arrêt de la circulation de certains ferries.

Malgré ces obstacles, nous avons fait la démonstration de notre capacité à tenir. Alors que la crise était majeure, nous avons su répondre à la demande de produits alimentaires. Malheureusement, les salariés de première ligne n'ont pas toujours été considérés comme ils auraient dû l'être, et les mesures qui ont été prises n'ont pas permis de prendre soin d'eux.

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Les enfants des salariés du transport routier avaient-ils accès à l'école ?

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Patrick Lahaye, vice-président de la FNTR

Oui, cependant la contrainte majeure ne portait pas sur la garde des enfants car, dans la majorité des cas, l'un des conjoints ne travaillait pas. Pendant toute la crise, nos chauffeurs ont fait preuve d'une grande mobilisation. Ils emportaient une glacière dans leur camion afin de pouvoir s'alimenter pendant leur trajet. Il faut saluer leur volontarisme pendant la crise.

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Alexis Gibergues, secrétaire général de l'organisation des transports routiers européens (OTRE)

L'OTRE est la principale organisation patronale des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) du transport routier de marchandises et de personnes – voyageurs, déménagement, fonds et valeurs, transport sanitaire, logistique. Elle regroupe près de 3 000 entreprises et environ 70 000 salariés. Notre maillage se structure autour de vingt-deux entités territoriales, qui sont des syndicats locaux implantés au plus proche des territoires.

De notre point de vue, il est essentiel de pouvoir tirer les enseignements de la crise du covid et de la résilience qui peut en découler pour nos entreprises et notre secteur d'activité.

Les principaux risques qui pèsent sur notre secteur sont de trois ordres. Le premier est le risque sécuritaire donnant lieu à une sinistralité visible, c'est-à-dire les risques naturels, les risques délictuels ou criminels à fins lucratives – vols, détournement, trafic, piraterie, mais aussi travail au noir, entreprises éphémères, hommes de paille, dirigeants multirécidivistes – et les risques criminels à des fins politiques – attentats, terrorisme.

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Alexis Gibergues, secrétaire général de l'organisation des transports routiers européens (OTRE)

Il est intégré. C'est une forme de risque sécuritaire mais il est moins présent pour nos entreprises.

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Votre organisation, puisqu'elle représentant des PME et des ETI, pourrait être plus vulnérable à une attaque cyber. Êtes-vous sensibilisés à ces risques ?

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Alexis Gibergues, secrétaire général de l'organisation des transports routiers européens (OTRE)

Vous avez tout à fait raison : c'est un risque important. De plus, notre secteur est composé à 90 % de PME. Il est donc très atomisé et fractionné. Nous avons de réelles marges de progression dans ce domaine.

La deuxième famille de risques regroupe les risques opérationnels. Selon nous, ce sont les risques les plus importants. Ce sont par exemple les risques de défaillance des points d'avitaillement en carburant mais aussi de tout ce qui a trait au repos des chauffeurs – restaurants routiers, hôtels. Ce sont aussi les risques de défaillance mécanique : si les pièces détachées, les composants électroniques, tout ce qui permet à nos outils de fonctionner, viennent à manquer de manière structurelle, notre activité s'en trouvera chamboulée. Les risques opérationnels couvrent aussi la pénurie possible de main d'œuvre. Et ce qui est plus important encore que les risques spectaculaires auxquels nous pouvons faire face, ce sont les risques d'engorgement des centres-villes, points d'accès ou points de livraison. Ce sont des sujets sur lesquels il nous revient de trouver des solutions sur le long terme.

La troisième famille de risques, comme l'a souligné aussi la FNTR, ce sont les risques systémiques, stratégiques ou économiques. Le pavillon routier français doit être considéré comme un pavillon vital qu'il faut non seulement protéger, mais aussi soutenir dans son développement, pour son innovation et sa croissance.

Les crises ouvertes sont évidemment visibles et faciles à identifier, mais l'OTRE considère que la véritable crise est la crise latente, celle qui grève la rentabilité du secteur, qui pénalise nos PME et qui, finalement, rend le pavillon français non compétitif sur le long terme.

La réponse à ces problématiques est de plusieurs ordres.

Pour les risques sécuritaires, qu'ils soient liés au terrorisme ou au réchauffement climatique, il existe une réaction et une réponse des pouvoirs publics sur le long terme. En revanche, face aux risques opérationnels et systémiques, nous sommes moins bien armés et c'est sur ce pan que je souhaite mettre l'accent pendant cette table ronde. Nous devons tirer les enseignements de la crise actuelle pour mettre en place une véritable résilience. Pour cela, il s'agit d'abord de reconnaître le caractère vital et d'intérêt national du secteur des transports routiers, comme c'est le cas de l'agriculture. Aujourd'hui, on tend à considérer que notre secteur a des externalités négatives en termes de nuisances, de bruit, d'encombrement, alors qu'il faudrait se concentrer sur les externalités positives que notre secteur apporte à l'ensemble de l'économie. Rappelons qu'il donne un réel avantage compétitif à nos clients sur le long terme et c'est sur ces points que des mesures portées par l'Assemblée nationale pourraient se concentrer. Par exemple, les corps de contrôle pourraient être étoffés et dotés d'outils plus efficaces. Les investissements pourraient aussi être renforcés et les contrôles systématisés ou automatisés, voire sous-traités ou externalisés, afin de s'assurer que l'ensemble du réseau et que l'ensemble des usagers du réseau – nos entreprises comme les entreprises étrangères – soient contrôlés et conformes au droit.

Il faudrait aussi pouvoir anticiper de manière plus précise la crise de demain et élaborer un plan d'action opérationnel au sein des ministères concernés. Une cellule dotée de moyens d'action et d'objectifs devrait pouvoir être constituée et saisie rapidement lors des crises de demain.

Selon nous, il faut distinguer les risques spectaculaires, pour lesquels notre secteur a fait la démonstration qu'il savait les gérer, et les risques latents, permanents ou stratégiques, pour lesquels la résilience exige un travail de long terme car il faut poser dès aujourd'hui les jalons de la compétitivité du pavillon français du transport routier, de personnes comme de marchandises. Ce sont ces problèmes dont doit s'emparer l'Assemblée nationale, qui dispose du recul, de la vision stratégique et des moyens d'action pour le faire.

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Alexis Degouy, délégué général de l'union des entreprises transports et logistique de France (UTLF)

L'UTLF représente les entreprises du transport routier, les entreprises logistiques ainsi que toutes les entreprises qui opèrent dans le champ de la commission de transport Overseas, incluant le maritime et l'aérien.

S'il faut tirer une leçon de la crise du covid-19 ou d'autres crises de même ampleur, c'est que la France doit préserver absolument et par tous les moyens son outil de transport et de logistique. D'aucuns ont pu considérer que le transport routier n'était plus une activité stratégique et que d'autres pouvaient assurer cette mission à plus bas coût. Cependant, lorsque les frontières sont fermées, heureusement que des entreprises françaises de transport routier continuent d'opérer. Ce secteur est essentiellement composé d'entreprises privées et il est possible que les pouvoirs publics n'aient pas pris la mesure du vrai service public rendu par ces dernières. M. Lahaye l'a déjà souligné dans son intervention en évoquant la mobilisation des chauffeurs, mais cette mobilisation a aussi été réelle dans les entrepôts logistiques. Nous avons assisté à un fort engagement des personnels. Alors que le confinement avait mis à l'arrêt beaucoup de secteurs et que nombre de salariés étaient à leur domicile, les salariés de nos secteurs – conducteurs, préparateurs de commandes, etc.– se levaient tous les matins pour se rendre au travail car ils avaient conscience qu'ils étaient nécessaires pour que les Français puissent avoir accès aux produits de première nécessité.

Les risques auxquels nous pouvons être confrontés sont de plusieurs ordres : régionaux ou ponctuels, notamment lors des intempéries, ou nationaux voire mondiaux comme nous l'avons vécu avec la crise sanitaire. L'objectif n'est pas de prioriser les risques mais d'établir une cartographie de ces derniers pour identifier les risques majeurs. Comme Mme Florence Berthelot, je regrette qu'il n'existe aucun plan national des pouvoirs publics pour assurer la continuité du transport de marchandises. C'est peut-être parce que nous sommes dans le secteur privé. Mais ce n'est pas parce que nos entreprises ne relèvent pas de la sphère publique que nous ne pouvons pas être intégrés à un plan national de continuité de l'activité, en particulier lorsque l'on représente un intérêt aussi essentiel.

Nous avons sondé nos adhérents sur les risques qu'ils jugent les plus importants. Ils mentionnent les risques terroriste, climatique et pandémique – que nous n'avions pas vraiment anticipé mais que nous pouvons sans doute mieux gérer désormais avec l'expérience –, mais leur plus grande inquiétude porte sur le risque cyber. Ils s'inquiètent notamment que les systèmes d'information puissent être attaqués par des pirates informatiques ou soient mis à l'arrêt à la suite d'une panne ou d'un dysfonctionnement majeur. Alors que tous nos systèmes sont informatisés et digitalisés pour tracer les flux et les trajets mais aussi pour gérer le stockage en entrepôt, tout incident pourrait interrompre l'activité. Cette inquiétude porte aussi sur les ruptures de la fourniture d'énergie, notamment dans les entrepôts frigoriques. Ce sont en définitive les deux risques qui suscitent le plus d'inquiétudes, d'autant que ce sont les risques les plus probables à l'échelle régionale comme nationale.

Je souhaite aussi relever le vrai intérêt des administrations du ministère de l'intérieur pour identifier les risques liés à la sécurité. Cependant, lors du premier confinement, des contrôles ont été effectués et des camions transportant des palettes de bois ou du film plastique ont pu recevoir l'interdiction de rouler au prétexte que ces marchandises n'étaient pas essentielles. Nous avons donc dû établir avec l'administration une liste pour prévoir tous ces cas de figure, étant entendu que les produits de première nécessité – alimentaire, d'hygiène, etc.– doivent être emballés et conditionnés pour être transportés et stockés. D'autres produits de première nécessité ont dû être ajoutés à cette liste, comme les pièces de rechange pour les chariots élévateurs de nos entrepôts et pour les camions. Nous n'avons pas voulu allonger cette liste à plaisir mais elle rend compte de tout ce qui constitue la chaîne logistique.

Je souhaite terminer mon intervention par un point juridique. Face à une catastrophe d'ordre national voire mondial, les entreprises privées de transport et de logistique se sont trouvées de facto à assurer un service vital pour la nation. Dans ces circonstances, les pouvoirs publics ont eu le souhait légitime de recueillir en permanence de l'information : sur les flux, sur les taux d'absentéisme, sur le niveau des stocks, etc. Ces informations sont cependant aussi soumises aux règles du droit de la concurrence et les entreprises ne peuvent pas les échanger librement dans leur intégralité. Nous comprenons que les pouvoirs publics aient besoin de collecter ces données en temps de crise, mais les entreprises ne sont pas exonérées pour autant des autres obligations qui pèsent sur elles en matière de respect du droit de la concurrence.

Concernant le transport maritime et l'aérien, notamment pour l'acheminement des masques et de tous les autres équipements de sécurité, nous demandons que les pouvoirs publics fassent confiance aux professionnels de la logistique pour organiser ces flux. Sans doute les administrations voulaient-elles bien faire mais les représentants de ces administrations, qui souvent avaient un profil scientifique ou représentaient les métiers de la santé, n'étaient pas compétents pour organiser un transport aérien ou maritime de marchandises. Des professionnels auraient dû être associés plus tôt dans les réflexions afin que chacun puisse intervenir en fonction de son champ de compétence, les uns pour s'assurer du suivi sanitaire de la crise et les autres pour assurer la logistique.

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France Beury, directrice des affaires publiques et européennes de l'UTLF

. Nos adhérents ultramarins, lorsque nous les avons sondés, ont insisté sur les facilités qui ont été accordées aux entreprises, notamment les facilités documentaires pour les certificats sanitaires et phytosanitaires. En temps normal, ces certificats doivent être présentés sous un format original mais il a été accepté, pendant la crise, la présentation d'un format dématérialisé ou des copies. Cette mesure a largement simplifié les process et les flux sans pour autant accroître le risque sanitaire pour les consommateurs. Il serait utile que ces facilités puissent être pérennisées. C'est une demande qui est portée par tous nos adhérents ultramarins car ces facilités ont aussi permis d'accélérer la livraison des produits alimentaires.

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Bertrand Bompas, vice-président de l'association La Chaîne logistique du froid

. L'association La Chaîne logistique du froid représente environ 120 entreprises et 400 sites de transport et de logistique en France. Le secteur emploie 55 000 salariés et couvre divers produits : produits frais, fruits et légumes, produits surgelés, produits de la mer et activités de santé.

Le premier bilan que je souhaite tirer de la crise du covid-19 est que, si la chaîne alimentaire a plié en 2020, elle n'a pas rompu et cet exploit tient à l'ensemble des forces vives de nos entreprises qui, spontanément, se sont mises en situation d'assurer la continuité de l'approvisionnement du pays. Je souhaite également souligner l'agilité dont ont fait preuve les organisations du secteur du transport et de la logistique. C'est manifestement cette agilité qui permet de réagir de manière rapide à toute situation de crise.

Dans nos métiers, l'élément déterminant est la libre circulation afin d'assurer l'acheminement des marchandises quel que soit leur lieu d'enlèvement et quel que soit leur lieu de livraison. Pour cela, il faut que l'ensemble de nos moyens roulants puisse circuler librement. Afin d'y parvenir, il convient de maîtriser trois ressources clés : les ressources humaines, les énergies – gasoil, gaz et demain électricité – même si la plupart de nos adhérents disposent de stocks de sécurité sur leur site, et les systèmes d'information. La particularité de la logistique sous température dirigée, c'est que nous avons besoin d'électricité. Cela renvoie potentiellement au risque terroriste. Aujourd'hui, l'essentiel de la fourniture d'électricité provient du parc nucléaire français et il est absolument indispensable et vital pour assurer la conservation des aliments que la fourniture d'électricité dans nos entreprises soit permanente, notamment pour la partie entrepôts. Les systèmes d'information, quant à eux, sont devenus indispensables pour assurer nos activités, ce qui nous expose au risque cyber. Un de nos adhérents a été récemment victime d'une attaque cyber et nous avons pu mesurer tout l'impact d'un tel piratage. Au-delà du libre accès aux ressources humaines et aux énergies, nous devons pouvoir assurer le bon fonctionnement de nos systèmes d'information, sans lesquels l'efficacité de notre chaîne logistique n'est pas possible.

La crise sanitaire n'a certes pas été très bien anticipée. Peu d'entreprises du secteur privé disposaient d'un plan de continuité d'activité. De plus, même parmi les entreprises qui étaient dotées d'un tel plan, la crise actuelle n'était pas forcément décrite. Pour autant, c'est un exercice indispensable car il permet d'être mieux armé.

Je souhaite également saluer l'efficacité de la gestion de la crise entre les associations et organisations que nous représentons et les services de l'État. La cellule de crise qui a été mise en place et qui s'est réunie dans un premier temps quotidiennement nous a permis de résoudre collectivement tous les problèmes auxquels nous avons été confrontés dans les premières heures du premier confinement. Aussi, lorsqu'une nouvelle crise viendra à se profiler, les entreprises privées comme les services de l'État seront beaucoup mieux préparés, même si rien ne remplacera une coordination efficace dans la gestion de la crise.

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Valérie Lasserre, directrice générale de l'association La Chaîne logistique du froid

. Les denrées que nous transportons sont périssables. Par conséquent, tout blocage est pénalisant. Si nos produits ne sont pas maintenus au froid, ils perdent leur aspect sécuritaire et peuvent engendrer des risques supplémentaires.

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Nous avons tous conscience que la mobilisation des acteurs a permis de résister pendant cette crise difficile. Vous aussi avez su vous réorganiser et nous vous en remercions.

Sur le fond, je souhaite revenir sur trois points d'attention.

Le premier porte sur votre demande de reconnaissance comme secteur stratégique. Les acteurs de la distribution et du commerce que nous avons entendus hier formulaient une demande similaire. Il nous faut préserver, voire développer, les outils industriels de transport et anticiper tout type de scénario. Il nous faut aussi organiser la coordination public-privé. C'est d'autant plus important que les capacités de transport propres à l'État, notamment les capacités militaires de transport, ont fondu au cours des vingt dernières années sous l'effet des réformes successives. En cas de crise majeure, les armées auront déjà pour mission de se transporter elles-mêmes alors qu'elles sont passées d'une logique de stock à une logique de flux. En effet, toutes les unités militaires n'ont pas un matériel en propre pour se transporter. Elles doivent utiliser un parc mutualisé, solution qui présente des contraintes au moment d'un pic d'engagement.

Le deuxième point concerne la mixité des transports. Je relève que chaque intervenant a exposé les demandes de son secteur mais je pense que la résilience globale repose sur la combinaison des modes de transport. La pertinence du fret ferroviaire, du fret routier, du fret maritime, etc., se juge en fonction de la capillarité, du coût, du délai, mais la résilience tient à la diversification des modes de transport. En effet, si des crises peuvent bloquer le fret routier, d'autres peuvent ne concerner que le transport maritime, comme le blocage récent du canal de Suez en est l'exemple. La part du fret routier reste prépondérante, avec 90 % de la part modale, mais nous devons veiller aux équilibres afin de préserver une mixité. Nous devons aussi nous montrer très attentifs au fret ferroviaire pour un bon maillage territorial.

Le troisième point concerne la réglementation, qui doit se situer au bon niveau car elle apporte de la sûreté mais peut aussi agir comme frein ou blocage. Même si nous savons temporairement la lever en cas de crise, nous devons veiller à ce qu'elle reste au bon niveau et c'est un combat permanent.

Je poserai trois questions : sur le pavillon français, sur les dispositifs de réquisition et sur la résilience technique.

La compétitivité du pavillon français est déjà essentielle en temps normal pour des raisons économiques et d'emploi, mais elle devient vitale en temps de crise. Par ailleurs, la crise nous apprend que, en temps de difficultés, les réflexes nationalistes reprennent rapidement le dessus. Pour chacun de vos secteurs, je souhaiterais connaître la part de fret gérée par des entreprises françaises et par des entreprises étrangères. Dans les entreprises françaises, pourriez-vous également préciser la part que représente la main d'œuvre étrangère ?

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Florence Berthelot, déléguée générale de la fédération nationale des transports routiers (FNTR)

Le pavillon français a perdu 90 % de sa part de marché internationale depuis vingt-cinq ans. Notre compétitivité n'a cessé de sombrer. De plus, non contents de perdre des marchés internationaux, nous sommes aussi concurrencés très fortement sur le territoire national. Sur ce point toutefois, il faut souligner que la réglementation européenne qui entrera en vigueur en février 2022 devrait améliorer la situation. Un tiers des véhicules qui circulent sur les autoroutes est étranger.

La crise sanitaire ayant été européenne et même mondiale, les étrangers ne sont pas venus nous concurrencer pendant cette période. Cependant, si nous n'avions pas pu compter sur le transport français, la crise aurait été encore aggravée. Nous avons su être reconnus pendant la crise, mais les mesures permettant de préserver notre compétitivité sont maintenant oubliées. Des mesures franco-françaises sont prises mais ne sont pas partagées au niveau européen et ces décisions nous mettent en difficulté.

Pour répondre plus précisément à votre question, la plupart de nos collaborateurs sont sous contrat français. Toutefois, sur certains trafics, il peut être organisé une sous-traitance étrangère ou les chargeurs français peuvent faire appel à la concurrence étrangère pour des questions de coût. C'est une situation pour laquelle les pouvoirs publics auront du mal à intervenir sauf à appliquer les règles du détachement de salariés, à mieux encadrer le cabotage, etc., comme le prévoit le paquet Mobilité européen.

Notre secteur doit être aidé résolument. C'est peut-être parce que nous sommes constitués d'entreprises privées que nous n'avons pas été identifiés comme un secteur essentiel. Or, comme vous l'avez justement souligné, l'État ne peut pas assumer le transport à la place des entreprises privées. L'armée n'a ni les capacités ni le savoir-faire pour endosser nos responsabilités.

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Alexandre Gallo, alliance 4F

Pour ce qui concerne le transport ferroviaire, tous nos collaborateurs sont de nationalité française, ont une double nationalité ou sont titulaires d'un titre de séjour. La réglementation nous oblige aussi à interroger le ministère de l'intérieur sur l'inscription à différents fichiers lorsque nous embauchons sur certaines fonctions, comme les conducteurs de train et les inspecteurs qui vérifient les conditions de transport des matières dangereuses et l'état des wagons par exemple.

Ma maison-mère, le groupe Deutsche Bahn, est une société européenne. Nous n'avons pas à proprement parler de concurrence de main d'œuvre étrangère. Il existe une libre concurrence en France et des entreprises étrangères interviennent sur le territoire mais dans un cadre très réglementé.

En revanche, pendant la crise, lorsque l'Allemagne a pris la décision unilatérale de fermer ses frontières et d'exiger des tests de moins de 48 heures, nous avons dû mettre en place des solutions de contournement pour les conducteurs français se rendant en Allemagne. Au-delà de cet exemple particulier, nous ne rencontrons pas de problématiques particulières liées à une concurrence étrangère.

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Alexis Gibergues, secrétaire général de l'organisation des transports routiers européens (OTRE)

. Le sujet du pavillon français est un sujet central pour l'OTRE. Il y a vingt-cinq ans, la France était première en Europe, mais nous sommes désormais relégués loin derrière pour des raisons simples liées à l'ouverture du marché européen. La question de l'indépendance stratégique du pavillon français soulève deux types de questions : économiques et réglementaires.

Sur le plan économique, tout d'abord, nos entreprises ne peuvent pas concurrencer de manière loyale les autres opérateurs européens car les coûts de ces derniers sont sensiblement inférieurs, qu'il s'agisse du coût de la main d'œuvre, du coût du carburant ou de la taxation qui n'est pas harmonisée à travers l'Europe. Dans un marché ouvert, cette différence économique a pour conséquence mécanique d'appauvrir notre secteur. Cette concurrence serait loyale s'il existait une harmonisation européenne et si les contrôles effectués en France permettaient de déceler les fraudes – cabotage, découché, etc.

Sur le plan réglementaire, nous sommes très attentifs aux conditions dans lesquelles le paquet Mobilité sera transposé en droit français car il doit permettre d'instaurer une concurrence loyale et de détecter les tricheurs. Sans prendre de mesures protectionnistes, qui seraient de toute façon difficiles à mettre en place sur le plan européen, l'effectivité de ces mesures nous semble nécessaire pour que la concurrence soit loyale dans un marché ouvert, sur la base d'un protectionnisme légal passant par la simple application du droit.

Pour protéger le pavillon français, une piste serait aussi de flécher des investissements et des crédits d'innovation vers notre secteur. Nous sommes certes un secteur de l'ancienne économie mais aussi un secteur porteur d'emplois et de croissance. À ce titre, nous pouvons aussi participer à la nouvelle économie. Pourquoi promouvoir des start-ups avec des fonds importants alors que nous sommes déjà dotés d'outils, de personnel, d'infrastructures, de savoir-faire et que nous sommes aptes à développer un secteur compétitif et l'emploi en France ? Avec le concours des pouvoirs publics, la reconnaissance du caractère stratégique de notre secteur, le fléchage des investissements et des subventions peuvent réellement doter notre secteur d'un potentiel de croissance important pour arriver à un « Waze de la gestion de crise » apte à fournir des solutions en fonction de chaque scénario de crise – d'un éboulement local jusqu'à une crise systémique mondiale. Nous devons aussi être plus agiles dans les relations avec l'État et dans la gestion de nos données. Tout cela n'est pas au point aujourd'hui. Si nous ne nous attaquons pas au sujet dès aujourd'hui, nous ne pourrons que compter sur la résilience de nos petites entreprises, sans pouvoir nous appuyer sur un système plus large, mieux intégré et mieux organisé pour répondre à une crise majeure qui interviendra nécessairement dans les dix ou vingt ans à venir.

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Alexis Degouy, délégué général de l'union des entreprises transports et logistique de France (UTLF)

. La compétitivité des PME doit être préservée car l'on sait que la mise en place de plans de continuité d'activité dans ces entreprises est plus onéreuse. À l'autre bout du spectre, il est aussi essentiel de garder nos champions internationaux du transport et de la logistique. Nous avons la chance d'en compter un certain nombre, dont STEF, Geodis et Bolloré. Pouvoir se reposer sur des acteurs qui ont l'expertise des flux internationaux de marchandises est nécessaire pour préserver les chaînes d'approvisionnement.

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Bertrand Bompas, vice-président de l'association La Chaîne logistique du froid

Je rejoins tous ceux qui appellent à défendre le pavillon français et sa compétitivité. La situation actuelle outre-Manche met en exergue que le recours massif à la main d'œuvre étrangère peut révéler des fragilités. Aujourd'hui, la pénurie de chauffeurs routiers en Grande-Bretagne est de l'ordre de 100 000 personnes, et cette situation a des impacts majeurs sur l'approvisionnement de la chaîne alimentaire. Cela doit nous interpeller.

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Nous aurions pu aussi évoquer les infrastructures portuaires et aéroportuaires, qui sont hautement stratégiques. De même, au-delà de la stratégie de résilience, la stratégie de puissance doit être évoquée, étant entendu que la puissance française et européenne repose sur nos armées mais aussi sur nos entreprises, notamment dans le domaine maritime où nous avons les mêmes infrastructures de transport pour les biens civils et militaires. Nos compétiteurs à l'international ont d'ailleurs bien compris que la stratégie de puissance ne repose pas uniquement sur le militaire, comme l'illustrent les routes de la soie chinoises.

Je poserai deux dernières questions.

En situation de crise, existe-t-il des dispositifs de réquisition des moyens de transport privés par la puissance publique, dans l'hypothèse où le marché ne pourrait plus s'organiser lui-même ? Ce type d'organisation existe dans la distribution lorsqu'il s'agit de rationner les biens.

Certaines entreprises de transport routier ont des stocks de carburants pour faire face à une pénurie ponctuelle, mais comment pourriez-vous travailler dans le cas d'une indisponibilité totale du réseau internet ? Il s'agit d'un scénario qui est esquissé, notamment du fait de notre dépendance aux câbles sous-marins. Pouvez-vous assumer vos activités sans internet, voire sans électricité ?

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La « cibi », qui a longtemps été la marque de fabrique des routiers, est-elle toujours opérationnelle ? Cette question renvoie au risque de cyber-attaque : la cibi n'utilise pas les réseaux internet mais le réseau hertzien, ce qui permettrait de contourner un scénario catastrophe hybride conjuguant une attaque des moyens de communication et une crise climatique, par exemple.

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Alexandre Gallo, alliance 4F

À ma connaissance, il n'existe pas de plan de réquisition des opérateurs ferroviaires privés, mais nous sommes régulièrement réquisitionnés par SNCF Réseau pour porter assistance à un autre train. Je vous invite à poser votre question directement à la SNCF.

Nous savons par ailleurs fonctionner sans internet et sans électricité car la moitié de notre parc fonctionne au gasoil. En revanche, SNCF Réseau a beaucoup digitalisé ses services et prestations. Si le réseau venait à tomber, les entreprises ferroviaires pourraient continuer à travailler avec la radio et des fichiers papier.

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Patrick Lahaye, vice-président de la FNTR

Dans nos entreprises, le point névralgique, c'est le carburant. Les entreprises constituent certes des stocks internes mais ceux-ci sont variables suivant le parc de véhicules. De plus, ils ne vont pas au-delà d'une semaine de consommation.

La cibi n'existe plus : elle a été remplacée par les téléphones portables.

La réquisition des moyens a existé par le passé mais n'est plus d'actualité. À l'époque, nous devions remplir annuellement un document recensant le nombre de nos véhicules et de nos chauffeurs.

Nous pouvons fonctionner sans internet. Les camions sont équipés de quatre à cinq puces électroniques, mais ne sont pas complètement automatisés et les chauffeurs peuvent reprendre la main sur leur véhicule. Par ailleurs, les cartes routières existent toujours même si les applications Google Map et Waze sont beaucoup plus utilisées. La difficulté la plus importante concernerait la circulation de l'information et des documents.

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Des cartes routières sont-elles disponibles dans tous les camions ?

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Patrick Lahaye, vice-président de la FNTR

Nous distribuons des cartes routières mais je ne peux pas garantir qu'elles restent dans les camions.

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Alexis Gibergues, secrétaire général de l'organisation des transports routiers européens (OTRE)

La loi du 18 juin 1934 est relative au recensement, au classement et à la réquisition des véhicules automobiles. Dans mon entreprise, j'ai souvenir que nous recevions autrefois un questionnaire que nous devions renseigner. Je reconnais que je n'ai pas reçu ce document dernièrement. Je crois que la loi existe toujours mais qu'elle n'est plus aussi bien appliquée. Il faudrait peut-être le vérifier et auditer et actualiser le dispositif car c'est, selon moi, un bon dispositif élaboré dans l'entre-deux-guerres et visant un objectif de résilience.

Votre deuxième question portait sur notre capacité à continuer à assumer nos missions sans internet. Nos adhérents, qui sont essentiellement des TPE et de petites PME, ont encore l'habitude de fonctionner avec des cartes routières. De plus, les chauffeurs ont la mémoire des points d'accès, d'avitaillement, de repos, etc. Certes, cette mémoire collective s'érode au fur et à mesure du renouvellement des générations mais nous avons encore des ressources humaines et matérielles qui permettent de fonctionner sans internet.

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Alexis Degouy, délégué général de l'union des entreprises transports et logistique de France (UTLF)

Sans internet, notre chaîne fonctionnerait mais dans un mode dégradé car beaucoup d'éléments de commande et de facturation sont dématérialisés. L'électricité est plus vitale qu'internet car, sans électricité, nous n'aurions plus de moyens de communication faute de pouvoir recharger nos téléphones portables, par exemple. En ce sens, le parc nucléaire est stratégique pour l'ensemble de la chaîne logistique ainsi que l'approvisionnement en carburant.

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Bertrand Bompas, vice-président de l'association La Chaîne logistique du froid

Je n'ai pas connaissance de réquisition de nos moyens de transport. Cependant, en 2003 pendant la canicule ou, en 2020, pendant la crise sanitaire, nous avons été interrogés par les pouvoirs publics quant à la possibilité d'utiliser nos entrepôts réfrigérés pour y garder des corps de défunts.

Nous pourrions en revanche envisager un système de réquisition inversée. En effet, pour que nos camions roulent, il faut des chauffeurs et nous pourrions envisager que les militaires ayant le permis poids lourds soient mis à la disposition des entreprises privées pour conduire nos camions.

Nous pouvons travailler sans internet mais pas sans informatique et sans électricité. L'un des moyens de passer ces situations est de faire en sorte que tous les acteurs de la chaîne, notamment la chaîne alimentaire sous température dirigée, collaborent et que les exigences soient allégées du côté des distributeurs, des industriels et des acteurs du transport et de la logistique, afin d'être plus performants dans l'acheminement des marchandises. Ces collaborations peuvent être anticipées dans des plans de continuité de l'activité.

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Un rapport parallèle au nôtre est réalisé par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Je vous invite à lui faire parvenir vos contributions et votre souhait de collaborer en tant qu'opérateurs d'intérêt vital.

La réunion se termine à onze heures.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. - M. Thomas Gassilloud, Mme Sereine Mauborgne

Excusé. - M. Alexandre Freschi