Intervention de Julien Meimon

Réunion du vendredi 17 septembre 2021 à 11h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Julien Meimon, président de Linkee :

Linkee est une petite association par rapport aux banques alimentaires et aux Restos du cœur, avec lesquels nous travaillons régulièrement. Elle est née il y a cinq ans, positionnée sur l'aide alimentaire durable. Nous travaillons notamment dans le domaine de la récupération des invendus alimentaires, en parfait état et non périmés, pour les transporter en respectant la chaîne du froid avant de les distribuer en direct ou de les donner à des associations n'ayant pas de moyens logistiques.

La crise sanitaire aura des bornes dans le temps et nous espérons tous en sortir prochainement ; mais la crise sociale ne s'arrêtera pas avec la crise sanitaire et durera plus longtemps, ce qui nous oblige à être présents sur le long terme. Après l'annonce du premier confinement invitant chacun à rester chez soi, et après avoir vérifié la possibilité de poursuivre notre système d'aide, nous avons cherché à aller sur le terrain. Avec notre structure légère et agile, nous avons contacté les restaurateurs, traiteurs et professionnels de l'alimentaire qui fermaient leurs portes, pour récupérer leurs stocks. La crise nous a donc conduits à étendre le périmètre de nos actions. Cette agilité et cette forte mobilité ont été à la fois un facteur et une illustration de notre résilience et de notre capacité collective à dépasser une crise.

Pendant le premier confinement, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d'étudiants fréquentaient les distributions. Pendant l'été 2020, nous avons donc pris la décision d'organiser des distributions dédiées aux étudiants, que nous avons lancées en octobre 2020. Nous n'avions aucune idée du nombre d'étudiants qui pourraient s'y rendre. Nous avons choisi de les organiser dans un format particulier, avec la distribution de colis alimentaires contenant des produits frais – légumes, fruits, viande, etc. –, des laitages, des produits secs, etc., qui leur permettaient de se nourrir pendant plusieurs jours. Ces colis pouvaient peser de 5 à 10 kilos et proposaient des produits bio et issus de l'agriculture vertueuse mais aussi des plats préparés par des chefs. Nous avons en effet mis en place des cuisines solidaires et invité des chefs à préparer des repas. Ces colis contenaient aussi des kits d'hygiène. Nous avons aussi fédéré d'autres associations en les faisant intervenir pendant les distributions, afin de pouvoir apporter une aide sur des problématiques connexes comme le logement, l'accès au droit, le soutien psychologique. Pendant toutes nos distributions, les Psys du cœur, par exemple, ont été présents.

Au lancement de cette opération, nous ne proposions qu'un lieu de distribution et tablions sur la présence de 300 à 500 étudiants. Au fil du temps, nous avons finalement ouvert dix-neuf lieux en Île-de-France, qui ont permis de distribuer 200 000 repas par mois. Ces distributions ont continué pendant l'été 2021 car nous considérons que les personnes en situation de précarité ont besoin de notre aide en permanence. Depuis septembre, nous constatons que les files d'attente commencent à grossir à l'approche de la rentrée universitaire. Des mesures ont certes été prises par le Gouvernement en faveur des étudiants, comme les repas à un euro dans les restaurants des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) : c'était une bonne mesure mais elle a été stoppée. Les étudiants se retrouvent donc dans la même situation qu'en 2020 et, fragilisés et paupérisés, ils ont encore besoin de colis alimentaires. Aussi, si nous avons connu un léger creux dans nos distributions pendant l'été, nous nous attendons à atteindre de nouveau 200 000 repas distribués par mois à l'automne.

Cette situation invite à se poser la question de notre résilience : est-ce une résilience durable ou momentanée ? Comment pouvons-nous la rendre durable pour sortir les étudiants de l'insécurité alimentaire ? Certes, la précarité étudiante existait avant la crise mais elle s'est généralisée et même aggravée pour un certain nombre de jeunes. Linkee a donc le sentiment d'assurer un filet de sécurité indispensable auprès d'eux ; mais nous avons aussi besoin d'un soutien pour continuer nos activités.

Linkee regroupe 7 000 bénévoles. Certains d'entre eux sont des étudiants en situation de précarité. Je sais que les Restos du cœur incitent aussi les bénéficiaires à devenir bénévoles car c'est un facteur de résilience. En effet, intégrer parmi les bénévoles les bénéficiaires permet d'atténuer la frontière entre celui qui donne et celui qui reçoit. En créant de la cohésion sociale, ce mécanisme est un facteur de résilience sociale et économique.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que nous sommes toujours en situation de tension ; mais nous bénéficions néanmoins de l'expérience acquise l'année dernière.

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