Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du vendredi 17 septembre 2021 à 12h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Votre question est au cœur des réflexions menées par l'État, en charge de la politique énergétique, et par RTE, en charge de l'équilibre du système électrique français. C'est aussi un sujet auquel nous sommes très attentifs car beaucoup de Français croient encore qu'EDF est en charge du système électrique alors que nous n'avons pour seule obligation que de servir nos clients. Pourtant, nous y sommes vigilants même si nous n'en sommes pas directement responsables. En effet, le mix énergétique est de la responsabilité de l'État tandis que l'équilibre entre l'offre et la demande est du ressort de RTE. La vision que je vais vous livrer est celle d'EDF, mais donnée sous couvert de la vision qui est celle du directeur général de l'énergie et du climat et du président du directoire de RTE.

Nos prévisions sont partagées avec RTE en fonction des modèles météorologiques qui sont les nôtres et des prévisions sur l'offre d'électricité qui dépendent étroitement de la disponibilité de nos moyens de production. Chaque année, nous alimentons RTE avec ces modèles et le président du directoire de RTE a pris pour habitude de présenter publiquement les perspectives de passage de l'hiver.

La marge de manœuvre dont nous disposons dépend de la probabilité d'occurrence des événements. La probabilité que nos marges deviennent négatives est infime. La question est donc de savoir quels pourraient être les scénarios conduisant à des marges négatives et comment nous pouvons contrer ces hypothèses. Pour cela, nous avons des approches probabilistes pour mesurer un risque infime qui nous conduirait à ne pas tenir nos objectifs. Depuis sept ans que je dirige EDF, je pense pouvoir avancer que nous pouvons garantir aux Français qu'il faudrait vraiment une série d'événements ayant eux-mêmes une probabilité faible pour que RTE ait à activer l'ensemble des moyens qui sont à sa disposition pour éviter le black-out. « Le pire n'est jamais certain » comme le dit le proverbe, mais toutes les analyses que nous mettons à la disposition de RTE nous montrent qu'il nous faudrait une série d'événements très peu probables pour ne pas passer le pic de l'hiver. L'hiver dernier a été clément, mais nous avons néanmoins connu des périodes froides. Pour autant, nous avons toujours été très loin du déclenchement de la première mesure à activer dans telle situation, à savoir l'effacement des clients ayant signé un contrat afin de percevoir une rémunération en échange d'un abaissement de leur capacité. Les marges dont nous disposions cet hiver étaient en l'occurrence de plusieurs gigawatts.

Cette réponse vaut pour le court et le moyen terme mais nous devons aussi nous inscrire dans une perspective de long terme. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les Nations-unies, les think tanks spécialisés sur les questions énergétiques, tous ces acteurs convergent pour dire que le marché de l'électricité sera en forte croissance dans le monde, mais aussi dans notre pays, car l'objectif net zéro carbone en 2050 passe par une substitution d'une électricité bas carbone – nucléaire et renouvelables – à des usages desénergies fossiles dans les moyens de transport – véhicules légers, avions, bateaux, trains –, dans l'habitat – chauffage, climatisation, ventilation – et dans les industries. Par conséquent, si la consommation d'électricité est appelée à augmenter fortement, nous aurons à résoudre un sujet plus difficile d'équilibre entre l'offre et la demande qu'il ne l'est aujourd'hui. Or, nous ne pourrons pas mettre en fonctionnement des infrastructures significatives rapidement. Ces disponibilités ne seront accessibles au mieux qu'au milieu des années 2030. Cet agenda nous contraint à prendre des décisions rapidement car il nous faut anticiper l'augmentation attendue de la demande d'électricité. C'est donc maintenant qu'il convient de prendre ces décisions. Même si nous couvrons bien la demande à court et moyen terme, il en sera autrement à un horizon qui reste à fixer, lorsque ne circuleront plus les véhicules thermiques, lorsque nos concitoyens ne se chaufferont plus ou peu au fuel et au gaz et lorsque les industries auront remplacé leurs moyens de production à gaz par des fours électriques. Il faut résolument préparer cette nouvelle étape à temps.

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