Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du vendredi 17 septembre 2021 à 12h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Pour répondre votre question relative à la sensibilité aux crises internationales, la situation doit être regardée aux frontières de l'Europe et non aux seules frontières de la France. Notre souveraineté sur la filière nucléaire est presque intégrale en France et il y a très peu de sujets sur lesquels nous serions dépendants de pays européens. En revanche, nous sommes liés à l'approvisionnement en uranium. Les mines d'uranium situées en France ont été arrêtées car leur teneur n'est pas suffisante. Aujourd'hui, l'hypothèse qui est formulée est que ces mines ne seront pas de nouveau mises en exploitation. Notre stratégie sur l'uranium est double : assurer une diversité des sources d'uranium et assurer une sécurité d'approvisionnement au travers de stocks de sécurité. Nous n'avons jamais été inquiets concernant un éventuel manque d'uranium depuis que le parc actuel est construit. Nous avons des stocks permettant de couvrir plusieurs années de besoins et des stocks de combustibles pour couvrir plusieurs mois. En effet, il faut rappeler ici qu'il y a un process industriel pour que l'uranium devienne combustible et que ce process se déroule sur notre territoire.

Si une crise majeure interdisait de circuler sur le territoire, avec une pénurie de pétrole, de GNL, alors les choses s'arrêteraient mais je ne crois pas qu'il soit raisonnable d'étudier un scénario reposant sur un arrêt complet pendant des mois de tous les moyens de communication au sein du pays. De plus, nous avons des stocks sur les centres de production pour nous permettre de voir venir.

Notre pays a choisi de s'appuyer largement sur la filière nucléaire pour sa production et celle-ci a apporté beaucoup en matière d'emploi, de pouvoir d'achat et d'indépendance énergétique mais aussi d'exportation. Vous m'interrogez sur un risque systémique de la filière mais, en 2 000 années de fonctionnement si nous additionnons la durée de vie de l'ensemble des centrales de notre parc, nous n'avons jamais connu un accident concernant plus d'une unité – nous l'avons connu il y a quelques années à Tricastin. Ce risque systémique, nous ne l'avons pas observé. Le propre de la gestion des risques est d'évaluer les risques qui doivent être intégrés et ceux qui doivent être exclus. À ce stade, nous avons exclu le risque systémique sur l'ensemble du parc nucléaire, même si des incidents sur une gamme pourraient avoir lieu, mais sans avoir besoin de suspendre le fonctionnement ne serait-ce que d'une famille complète de réacteurs. À ce titre, ce risque systémique nous paraît très théorique même si pour autant nous ne pouvons affirmer qu'il soit nul.

EDF connaît bien la quatrième génération car nous avons exploité pendant plusieurs années Superphénix à Creys-Malville, qui a été arrêté à la demande du gouvernement de l'époque il y a maintenant plus de vingt ans. Je sais que les parlementaires ont auditionné Bernard Sala et Xavier Ursat sur ce sujet mais je souhaite dire que nous croyons à la quatrième génération car nous pensons qu'il y aura un moment où nous pourrons exploiter des réacteurs en nombre, de manière industrielle et régulière, avec la régénération des combustibles faite à l'intérieur même de la réaction nucléaire. Simplement, nous pensons que, pour assurer le fonctionnement de tels réacteurs en toute sûreté, la priorité aujourd'hui est à la réalisation de démonstrations de sûreté à l'échelle du laboratoire avec de petits prototypes. Le programme ASTRID a été ralenti par le Gouvernement, mais je ne pense pas qu'il faille dire qu'il l'a arrêté. Il l'a en définitive ralenti car la priorité doit être donnée aujourd'hui à la démonstration et non à la construction peut-être trop hâtive d'un nouveau réacteur. EDF est parfaitement alignée avec la décision qui a été prise de poursuivre les recherches sur la quatrième génération, mais nous pensons qu'il est prématuré de construire un réacteur à vocation industrielle.

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