Intervention de Raymond Cointe

Réunion du vendredi 1er octobre 2021 à 10h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS :

L'INERIS a été créé en 1990 sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Nous sommes sous la tutelle unique du ministère chargé de l'environnement et nous entretenons des relations très étroites avec la DGPR, dont le directeur général est d'ailleurs le commissaire du Gouvernement au sein de notre conseil d'administration.

Nous prodiguons un appui aux pouvoirs publics dans la maîtrise des risques technologiques, à l'exclusion du risque nucléaire qui est traité par nos collègues de l'IRSN. Cet appui s'effectue aussi bien dans la durée que dans les situations d'urgence environnementale ou de crise. Historiquement, l'appui en situation de crise, mais également l'intégration des enseignements que cela nous a apportés, c'est-à-dire le retour d'expérience, fait partie intégrante de nos gènes. Nous nous inscrivons dans la lignée du Centre d'études et de recherches des Charbonnages de France ( CERCHAR), qui a lui-même capitalisé une expérience plus ancienne acquise dans le domaine de la sécurité minière. Les premières recherches avaient ainsi été initiées après la catastrophe de Courrières en 1906. Cet événement constitue la plus importante catastrophe minière en Europe, ayant fait plus de 1 000 victimes, en raison d'un phénomène inconnu à l'époque et qui a conduit à engager des études nombreuses, dont nous sommes aujourd'hui les héritiers.

Sur le plan budgétaire, nous disposons d'un modèle économique assez original si on le compare à celui d'autres organismes du domaine de l'évaluation et de la maîtrise des risques, que nous appelons le trépied, à savoir une synergie entre nos activités d'appui aux pouvoirs publics, de recherche et de services aux entreprises. Nous sommes très attachés à cette synergie parce que nous sommes convaincus, et je crois que notre tutelle l'est tout autant, que c'est ce qui nous permet de faire progresser à la fois la réglementation, les connaissances et les pratiques en forte interaction avec les réalités du terrain, notamment dans un monde changeant et dans lequel les risques évoluent fortement. Il est très important que l'appui technique que nous pouvons fournir au Gouvernement se fonde sur des connaissances concrètes portant sur les technologies les plus récentes. L'équilibre de ce modèle est garanti par un certain nombre de règles déontologiques assez strictes que nous nous sommes fixées depuis de nombreuses années, ainsi que par une démarche d'ouverture à la société.

L'INERIS se compose aujourd'hui d'environ 525 collaborateurs, pour l'essentiel localisés à Verneuil-en-Halatte, dans l'Oise, où se situe notre siège. Nos recettes sont de l'ordre de 60 millions d'euros par an.

La notion de résilience résonne avec la plupart des activités que nous sommes amenés à conduire, puisqu'elle est profondément ancrée dans la démarche de maîtrise des risques technologiques que nous portons.

La résilience, c'est tout d'abord l'anticipation des crises et donc, en ce qui nous concerne, des accidents technologiques, ce qui passe par l'identification et l'analyse des risques mais aussi, et je crois que c'est un élément très important, par la veille prospective sur les risques émergents.

La résilience, c'est aussi la réponse que l'on peut apporter à la crise lorsqu'elle survient par la viabilisation des systèmes de sécurité, la planification des réponses d'urgence, et bien évidemment l'adaptation des structures des entreprises aux risques encourus. Je voudrais insister sur l'importance de ce que nous appelons dans notre jargon « les facteurs organisationnels et humains », qui jouent un rôle essentiel dans la prévention et surtout dans la gestion de la crise. Il s'agit aussi bien des salariés des entreprises à risque impliqués dans d'éventuels accidents technologiques que des services de secours et des riverains affectés par l'accident.

La résilience, c'est enfin la capacité de récupération et d'adaptation après la crise. Les sujets liés à la surveillance post-accidentelle et la culture du retour d'expérience s'avèrent essentiels, notamment en termes de perception et d'aversion au risque. Une catastrophe semblable à celle de Courrières apparaîtrait aujourd'hui totalement inacceptable. Jusqu'à une date relativement récente, l'aversion au risque, pour les risques dont les effets se manifestent dans la durée et que nous appelons des risques chroniques, apparaissait plus faible. À mon sens, la prise de conscience et l'aversion au risque se sont accrues très fortement au cours des dernières années. Un fait m'a frappé à l'occasion des dernières commémorations des attentats du 11 septembre : on a cette fois parlé, bien davantage qu'au cours des années précédentes, des victimes ayant subi les effets à long terme de l'effondrement des tours et du nuage toxique qui a suivi, nuage qui contenait des substances dangereuses en grande quantité et notamment de l'amiante. Le nombre de morts différés, si je puis dire, lié à la chronicité de la dispersion du nuage, serait d'ores et déjà supérieur au nombre de victimes immédiates. Le Center for Disease Control (CDC) recense ainsi 400 000 personnes touchées à divers titres par ce nuage. C'est la parfaite illustration de l'importance du sujet des risques différés.

L'an dernier, j'ai signé avec le président du conseil d'administration de l'INERIS et Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, notre nouveau contrat d'objectifs et de performance. L'un des axes forts de ce dernier est le renforcement de nos capacités d'appui aux pouvoirs publics en termes d'évaluation et de maîtrise des conséquences à long terme des accidents technologiques. Cela vient en résonnance avec l'expérience des attentats du 11 septembre et, dans une moindre mesure, de la catastrophe de Lubrizol. Ce renforcement passe par un nombre assez important d'activités : meilleure connaissance de la pollution de fond de façon à identifier les risques accrus à la suite d'un accident technologique ; utilisation de moyens de surveillance et d'analyse projetables sur site en cas d'accident industriel, et de moyens de simulation, numérique notamment, de dispersion du nuage toxique. Ces moyens sont déjà bien développés mais nous souhaitons les renforcer fortement.

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